Doit-on ouvrir davantage la chasse ?

Si l’ensemble des associations de chasseurs a entamé, depuis quelques mois, un large processus de réflexion démocratique et pluraliste pour déterminer les meilleures périodes de chasse, c’est notamment pour atteindre les objectifs fixés par les plans de tir de plus en plus importants imposés par le Département nature et forêt (DNF). Une opinion de Benoît PETIT, Royal Saint-Hubert Club de Belgique.

Doit-on ouvrir davantage la chasse ?
©D.R.

Si l’ensemble des associations de chasseurs a entamé, depuis quelques mois, un large processus de réflexion démocratique et pluraliste pour déterminer les meilleures périodes de chasse, c’est notamment pour atteindre les objectifs fixés par les plans de tir de plus en plus importants imposés par le Département nature et forêt (DNF). En effet, en trente ans, les populations de grand gibier ont fortement augmenté alors que, parallèlement, les périodes d’ouverture ont été réduites, principalement pour le cerf et le sanglier. A cette époque, l’ouverture de la chasse pour certains grands cerfs se situait au 15 septembre, tandis que le sanglier pouvait être chassé toute l’année. Aujourd’hui, face au défi de l’équilibre à établir entre la grande faune sauvage et la forêt, il est indispensable de donner aux chasseurs les moyens de remplir leur mission. Or la Wallonie est la région d’Europe où les périodes d’ouverture de la chasse sont parmi les plus courtes.

Forêt accessible 360 jours sur 365. La cohabitation entre chasseurs et autres utilisateurs de la forêt ne cause pas de soucis majeurs, d’autant plus que les chasseurs et les conseils cynégétiques ont pris la bonne habitude de communiquer préalablement leurs dates de chasse au DNF et aux communes.

Aux yeux du grand public règne cependant une certaine confusion entre l’ouverture de la chasse et la fermeture de la forêt. Il est donc important de préciser que la chasse en battue se limite en moyenne à deux, voire cinq journées maximum par an et, par conséquent, la forêt est ouverte au public tous les autres jours de l’année, soit 360 jours sur 365, si elle est traversée par des chemins publics.

Paradoxalement, le Conseil de la nature demande l’ouverture de la chasse aux biches et aux faons dès le 1er août, ce à quoi les chasseurs ne peuvent souscrire au vu de l’hyperdépendance des jeunes faons à leur mère à cette période de l’année.

Les représentants du Conseil supérieur des forêts et ceux du Conseil supérieur de l’agriculture sont néanmoins favorables à un élargissement des périodes de chasse, principalement en septembre et en janvier, d’autant plus si ces périodes permettent d’accroître les prélèvements.

Lors de la récente exposition quinquennale des meilleurs trophées de grand gibier organisée à Saint-Hubert, il a été observé non seulement que la quantité de cervidés prélevés a doublé en cinq ans tandis que la qualité des trophées de grands cerfs a été multipliée par quatorze sur la même période.

Ce résultat exceptionnel est à mettre au crédit des chasseurs gestionnaires de territoires qui ont inscrit le vieillissement du cerf dans leurs priorités. Il est certain que l’avancement de la période d’affût du cerf devrait permettre un prélèvement plus sélectif, d’autant que les modifications climatiques vécues depuis quelques années ont amené divers changements, dont l’avancement incontestable de la période de brame.

Les associations de chasseurs, dont la Fédération des chasseurs au grand gibier de Belgique, le Royal Saint-Hubert Club de Belgique et l’Amicale des chasseurs de la Région wallonne estiment que ce n’est pas par voie de presse que l’équilibre forêt-gibier sera atteint, mais bien dans la concertation et le respect des avis et droits de chacun.

La réponse de Baudouin CARTUYVELS, Homme des bois et journaliste

Les chasseurs voudraient tirer le gros gibier du 15 septembre au 30 janvier. Pour confisquer aux promeneurs la forêt wallonne ?

C’est l’automne, la forêt est belle, mais il semble qu’il soit de plus en plus difficile de s’y promener. Il faut dire que notre forêt wallonne est l’objet d’intérêts très différents et même souvent contradictoires.

En forçant à peine le trait, on peut affirmer que le Département Nature et Forêt de la Région wallonne s’arrache les cheveux. Les chasseurs ne respectent pas suffisamment les plans de tir et le gros gibier est très excédentaire (tant les sangliers que les cervidés).

Ce gibier occasionne des dégâts considérables aux arbres, et anéantit la régénération naturelle. Qui voudra encore faire pousser des arbres qui n’ont pas d’avenir ?

En face, il y a les chasseurs. Ce n’est pas comme en France, où la chasse est souvent encore un divertissement populaire qui rassemble le temps d’une battue, le boucher, le boulanger, et le maire du village. Non, chez nous, la chasse est devenue le plus souvent une affaire de très gros sous. Les locataires de chasse ont de gros revenus, ils louent cher des territoires communaux et régionaux parfois de 3 000 hectares d’un bloc, et il s’agit d’offrir à leurs actionnaires (qui peuvent payer jusqu’à 1500 euros une journée de chasse) un territoire riche en gibier mais qu’on ne tirera qu’en petit nombre pour maintenir l’attrait de la chasse, et le prix à la journée Qu’importe les dégâts à la forêt.

Récemment, un agent du DNF me confiait, dépité et sous le couvert bien sûr de l’anonymat : "Les chasseurs souvent ne respectent pas les plans de tir et ceux-là se moquent royalement de nos plaintes en justice. Jusqu’aujourd’hui, celles-ci sont systématiquement classées verticalement par le Parquet" (peut-être chasseur lui aussi ?)

Le nouveau plan quinquennal de la circulation en forêt se discute actuellement au cabinet du Ministre Lutgen. Et que demandent les locataires de grosses chasses aujourd’hui ?

Que l’ouverture de la chasse (actuellement dès le 21 septembre pour les grands cerfs, et dès le 1er octobre pour tous les cervidés) soit avancée au 15 septembre et prolongée jusque fin janvier ! Au motif de pouvoir mieux repérer les cerfs à tirer, d’opérer une meilleure sélection, et d’avoir le temps de respecter les plans de tir

Mais le 15 septembre, dans une grande partie de nos massifs, c’est le cœur du brame, la période de reproduction du cerf, celle où il a le plus besoin de quiétude et où il est le plus vulnérable.

Dans les faits, si la proposition passe, la forêt pourrait être en grande partie fermée au public, du 15 septembre au 30 janvier. De 17 heures le jour à 10 heures du matin le lendemain. Soit aux plus belles heures pour les forestiers, les naturalistes, les cueilleurs de champignons, ou les simples promeneurs en quête de ressourcement.

Mais cette forêt régionale et communale est aussi un espace qui appartient à la collectivité, c’est-à-dire aussi à chacun de nous ! Il faut conserver un juste équilibre entre tous ses usagers. Alors, entre une forêt respectée dans sa croissance, la gestion équilibrée de sa faune, sa fonction sociale indispensable, et une forêt confisquée au profit du plaisir coûteux de quelques-uns, il faudra choisir.

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