Garçons et filles à l’école, une évidence ?
Les écoliers d’un côté, les écolières de l’autre.
Publié le 30-01-2012 à 04h15 - Mis à jour le 30-01-2012 à 08h35
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Les écoliers d’un côté, les écolières de l’autre. Il est bien loin le temps où les petits garçons et les jeunes filles en fleurs pouvaient jouer et s’amuser en toute innocence (naïveté ?), à l’abri des regards apparemment condescendants, mais en réalité tellement attendrissants de leurs camarades.
Aujourd’hui, la mixité sexuelle à l’école s’impose littéralement comme norme, est accueillie par la société comme quelque chose d’incontestable, d’inébranlable Bref, de tellement indéboulonnable que d’aucuns s’étonneront peut-être de voir leur journal y consacrer une double page et ce, à l’aube de l’année 2012. Et pourtant, le sujet passionne et divise toujours autant les professeurs, pédagogues et autres psychiatres.
Emergeant ici et là dès 1960, la mixité scolaire se généralise chez nous dans le courant des années septante. A l’époque, il n’existe aucune législation belge en la matière. Il faut attendre 1997 pour voir la Communauté française en faire une obligation légale, du moins dans les écoles qui lui sont rattachées. "C’était essentiellement une façon d’officialiser les choses, de faire évoluer les comportements des quelques dernières écoles non mixtes - notamment catholiques - qui subsistaient encore. Car dans les faits, le changement s’était déjà opéré massivement avant cette date théorique", explique-t-on au cabinet de la ministre de l’Enseignement obligatoire, Marie-Dominique Simonet (CDH).
Une disposition - coulée dans le marbre - dont l’ambition était de faire de la mixité sexuelle à l’école un gage d’égalité. Egalité des sexes, égalité des chances. Un discours hypocrite aux yeux de certains, un échec selon d’autres. "La mixité scolaire a échoué, puisque l’égalité des sexes n’est toujours pas assurée", écrit Michel Fize (1), sociologue français et spécialiste des questions de l’adolescence. Pour lui, au contraire, ce mélange génère des inégalités. A certains âges, particulièrement à 11, 12 ans, les filles et garçons se distinguent tellement les uns des autres - notamment par leur développement physique et psychique - qu’il paraît peu sensé de les éduquer ensemble. Un point de vue que partage totalement une quinquagénaire et "rescapée" de l’école non mixte : "N ous, les filles, vivions comme dans un cocon. On grandissait ensemble sans se soucier de la gent masculine. Pour ma part, j’aurais été totalement perturbée de côtoyer le sexe opposé à l’école durant mon adolescence." Avant d’ajouter : "Et inversement, je pense que les garçons auraient eu l’attention fortement détournée par notre présence."
Car il est là le nœud du problème. Selon de nombreuses études anglo-saxonnes menées sur la question, la mixité sexuelle à l’école constituerait un frein, une entrave à l’apprentissage scolaire. Et ce, davantage du côté du sexe dit "fort". Les jeunes hommes obtiendraient ainsi de moins bons résultats que les demoiselles. "Les garçons jouent les durs pour affirmer leur virilité", raconte Marie Duru-Bellat(2), sociologue française et spécialiste de la psychologie sociale. Qui poursuit : "Certains vont jusqu’à rejeter purement et simplement l’école, pensant peut-être qu’il s’agit là d’un acte digne d’un mâle, d’un vrai." Un élève de 6e secondaire témoigne : "Sans doute que la présence de filles en classe en a perturbé plus d’un, que certains auraient été plus performants s’ils avaient été séparés de leurs camarades féminins. Mais, finalement, je ne pense pas que les résultats soient la chose la plus importante à l’école."
Pour ses défenseurs, la mixité scolaire doit surtout apprendre aux jeunes à vivre ensemble et ce, dès les premières années de leur existence. "C’est un véritable projet de société. Il s’agit de favoriser une vision d’une école non discriminatoire à références démocratique, universaliste et pluraliste", estime José-Luis Wolf, professeur et coordinateur du service des Sciences de l’Education à l’ULB. "Personnellement, j’ai beaucoup souffert de la non-mixité", avoue une ancienne écolière. Qui poursuit : "Je n’avais pas de frère et je ne voyais plus mon père. J’ignorais tout du sexe masculin. Cela a suscité chez moi une forme de crainte de l’étranger." Et un directeur de conclure : "L’institution scolaire se doit de donner aux élèves une image représentative de ce qu’est la société, à savoir un mélange d’hommes et de femmes."
La mixité sexuelle à l’école, un gage d’égalité ? Un non-sens à l’adolescence ? Une entrave aux performances scolaires ? Ou un véritable projet de société ? Le débat reste ouvert
(1) "Les pièges de la mixité scolaire", Michel Fize, Presses de la Renaissance, 2003, 274 pp. (2) "Ce que la mixité fait aux élèves", Marie Duru-Bellat, Revue de l’OFCE, n°114, 2010/3.