Une économie zombie, non merci

La question cruciale que les économistes se posent est de savoir si nous ne sommes pas en train de nous fourrer dans un scénario japonais, où de grandes taches dans l’économie continuent en fait de ployer sous le surendettement. Une opinion d'Ivan Van De Cloot, économiste en chef de l'Itinera Institue.

Ivan Van de Cloot
Une économie zombie, non merci

La question cruciale que les économistes se posent est de savoir si nous ne sommes pas en train de nous fourrer dans un scénario japonais, où de grandes taches dans l’économie continuent en fait de ployer sous le surendettement. C'est l'opinion Ivan Van De Cloot, économiste en chef de l'Itinera Institue (Centre de réflexion indépendant pour une croissance économique et une protection sociale durable). 
Le grand physicien allemand Max Planck affirmait que la science progresse à la vitesse d’un enterrement à la fois. Vu la nomination à vie des professeurs d’université, il y a là bel et bien un fond de vérité. Tout le monde connaît des professeurs qui prêchent les mêmes théories pendant toute leur carrière, malgré le contexte changeant.

Pourtant, il est encore beaucoup moins question d’une vérité universelle dans les sciences sociales - auxquelles appartient l’économie, pour qui en douterait encore - que dans d’autres disciplines. Aussi, presque tous les économistes qui nous ont enseigné des visions profondes ont insisté sur l’importance absolue d’une bonne connaissance de l’histoire économique. C’est indispensable pour une discipline pour laquelle il n’existe pas d’autre laboratoire que la société elle-même. A ce jour, nous savons surtout que les erreurs des années’30 n’ont pas été répétées. Malgré les excès du système financier, nous n’avons pas, comme le recommandait à l’époque le ministre des Finances Mellon, laissé les banques faire faillite.

La question cruciale que les économistes se posent toutefois est de savoir si nous ne sommes pas en train de nous fourrer dans un scénario japonais, où de grandes taches dans l’économie continuent en fait de ployer sous le surendettement.

Tous les moyens sont alors utilisés pour rembourser les dettes, et non plus pour investir dans de nouvelles activités. Le résultat de cette "économie zombie" est que l’activité économique ne diminue pas d’un tiers à court terme, mais que, comme au Japon, le compteur économique reste sur zéro, la même position que l’année de la dépression.

Dans un tel scénario déflationniste, l’argent est thésaurisé et il circule encore à peine. Lorsque la circulation du sang économique est si pauvre, la banque centrale peut bien traîner le cheval à la rivière, mais cela ne nous mènera pas plus loin si ce dernier ne veut pas boire. Selon la pensée keynésienne, l’autorité doit surtout exécuter des travaux publics afin d’administrer une thérapie de choc à l’économie via les effets multiplicateurs.

Les preuves économiques que cela a rapporté quelque chose au Japon ne font cependant pas l’unanimité. L’histoire a appris aux économistes ce qui n’a pas fonctionné, ce qui implique surtout que nous ne répétions pas, espérons-le, les bêtises du passé. Les économistes qui veulent désormais transmettre un message pertinent feraient peut-être bien de suivre un cours intensif d’histoire économique japonaise.

Il est important que nous ne répétions surtout pas les erreurs des autorités japonaises. Elles ont ainsi dépensé massivement de l’argent pour la construction de routes qui ne mènent nulle part, ce qui a surtout fait le beurre des rois japonais du béton. La banque centrale japonaise s’est attachée obstinément au mantra qu’il n’y avait pas de problème avec la transmission monétaire, bien que les PME n’aient pas vu grand-chose de la création de monnaie centrale, parce que le système bancaire ne fonctionnait pas.

Un point crucial dans les séquelles d’une crise financière est que les économistes ne fassent pas une fixation sur ces seules variables macroéconomiques qui leur sont tellement familières, mais qu’ils se salissent vraiment les mains. Ils doivent éplucher sur le plan microéconomique si les bilans des entreprises et des établissements financiers sont suffisamment sains pour permettre un redressement durable.

Les économistes qui ont fait du rôle de l’information asymétrique un travail fondamental, affirment que de temps à autre, l’argent disparaît surtout dans des projets fous qui rapportent beaucoup en apparence. Dans un tel environnement chimérique, on ne tient pas assez compte du fait que ces investissements présentent un grand risque de tourner mal. A cause de cela, des projets d’investissement durables ont dû se passer trop longtemps du financement nécessaire, parce qu’ils rapportaient des rendements instantanés moins élevés.

Une boutade datant de la période de la bulle japonaise voulait que le domaine du palais impérial de Tokyo valait à un moment donné plus que toute la terre en Californie. En tous les cas, l’Australie, vigilante, a vendu le terrain de son ambassade et a remboursé la moitié de sa dette extérieure avec le produit de la vente.

Même avec une politique intelligente, épurer l’économie de tels excès requiert beaucoup de temps, mais il faut néanmoins ambitionner de parcourir une courbe d’apprentissage plus rapide que l’autorité japonaise. A qui cela a pris un quart de siècle.

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