Les ambitions bruxelloises de la N-VA
Le parti voudrait séduire quelques milliers de francophones, non par des positions racistes, mais en menant une campagne bilingue et conservatrice. Une chronique de Jan de Troyer.
- Publié le 20-09-2013 à 08h54
- Mis à jour le 15-10-2013 à 14h17
Une chronique de Jan de Troyer.
Après les élections régionales de mai 2014, la N-VA espère utiliser la haute technologie institutionnelle belge destinée à régler les délicats équilibres entre Flamands et francophones pour se rendre incontournable à Bruxelles. Elle veut pour cela profiter du système de représentation garantie au niveau régional de la minorité néerlandophone à Bruxelles.
Ce mécanisme exige une majorité au sein de chaque groupe linguistique du Parlement bruxellois pour former un gouvernement basé sur une quasi-parité entre Flamands et francophones. Reste à voir si cette ambition est réaliste.
En compensation de la parité politique dont jouissent les francophones au niveau fédéral, les Flamands de Bruxelles bénéficient au sein du Parlement bruxellois d’une représentation garantie de 17 députés néerlandophones sur un total de 89 élus. Une majorité de 9 de ces 17 élus flamands est requise pour soutenir les deux ministres et le secrétaire d’Etat flamands au sein du gouvernement bruxellois.
En admettant que le cordon sanitaire autour du Vlaams Belang soit maintenu, l’arithmétique politicienne veut qu’un parti flamand qui obtiendrait aux élections du 25 mai 2014 six ou sept élus soit incontournable.
En conséquence du cordon sanitaire et dans l’hypothèse où le Vlaams Belang réussisse à sauvegarder 3 sièges, il resterait 14 sièges flamands à partager entre les partis démocratiques flamands. Si la N-VA obtenait 6 sièges, elle serait donc incontournable pour former la majorité nécessaire de 9 élus au sein du groupe flamand du Parlement bruxellois.
Or, ceci n’est pas vraiment exclu. En consolidant le score obtenu dans les 19 communes bruxelloises au dernier scrutin communal, le parti nationaliste devrait engranger 5 sièges aux élections régionales. On sait que, depuis, la N-VA a renforcé ses positions dans les sondages. Une progression de quelques milliers de voix bruxelloises suffirait au parti de Bart De Wever pour créer une situation inattendue, en gagnant un sixième siège.
L’Open VLD, le CD&V, le SP.A et Groen ne seraient dans ce cas plus capables de livrer ensemble les 9 parlementaires nécessaires pour la majorité au sein du groupe flamand, puisque la N-VA et le Vlaams Belang disposeraient de 9 élus sur 17.
C’est une perspective qui rappelle les craintes politiques à la veille des élections régionales de 2004. Il y a dix ans, certains redoutaient que le Vlaams Belang obtienne 6 des 11 sièges dont disposaient à ce moment-là les Flamands de Bruxelles. Cela aurait mené à un blocage total du système politique à Bruxelles, puisque le cordon sanitaire rendait toute coopération avec l’extrême droite impossible.
Finalement, l’extrême droite a obtenu cinq élus en 2004, le blocage des institutions bruxelloises a donc été évité de justesse. On se rappelle que, lors de la campagne électorale de 2004, le Vlaams Belang avait attiré quelques milliers d’électeurs francophones par ses points de vue xénophobes et en mettant en vedette un francophone, l’ex-commissaire Johan Demol.
Aujourd’hui, la N-VA voudrait suivre la même stratégie et séduire quelques milliers de francophones, non par des positions racistes, mais en s’adressant aux francophones, menant une campagne bilingue axée sur des valeurs conservatrices. C’est une approche hasardeuse.
A la différence de 2004, la N-VA ne dispose pas d’une vedette politique connue par tous les Bruxellois comme l’était Johan Demol. Et il reste à voir si la N-VA trouvera beaucoup de sympathie auprès des électeurs bruxellois en proposant de mettre Bruxelles sous la tutelle des deux grandes Communautés du pays.
Tout comme sa politique à Bruxelles, les ambitions électorales de la N-VA restent marquées d’un manque de réalisme.