La tyrannie française de(s mères) la vertu

"A chacun sa moralité. Son épanouissement. A tous sa liberté. Ses agissements. Rhabiller les filles aux galipettes tarifées et les nymphettes starifiées d’un soir, les bleu (ette)s sanctifiés, n’apaisera pas la société." Une opinion de François Dessy, Avocat aux Barreaux de Huy et de Liège.

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La tyrannie française de(s mères) la vertu
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Une opinion de François Dessy, Avocat aux Barreaux de Huy et de Liège.

Un mauvais vent, venu de l’Hexagone, semble vouloir emporter nos chères libertés dont l’hiver promet d’être rude. Récemment, Ségolène Royale, s’autocaricaturant sous les traits de la Liberté d’Eugène Delacroix, brandissait le drapeau tricolore. Tout un symbole. A ce point mal incarné pourtant, qu’on railla l’imbue d’elle-même pour y voir un tableau autrement noir : La vanité vertueuse guidant le peuple ou devrions-nous écrire, la vanité brimant les libertés du peuple. La lettre adressée à notre premier Ministre en offre une savoureuse illustration. Bleusailles clouées au pilori, prétendue omerta enfin dénoncée, inertie coupable des pouvoirs publics et – last but not least- nécessité d’interdiction générale : l’oie blanche du Poitou-Charentes n’y va pas avec le dos de la plume.

Cette infantilisation de l’étudiant ne résiste pas à l’examen. Les baptêmes estudiantins résultent aujourd’hui d’un choix personnel - hors la liberté point de plaisir véritable- et ne se résument jamais à des épreuves quel qu’en soit le degré de difficulté. En oublierait-on l’essentiel ? Les fêtes ritualisées qui les couronnent, les chants et la ferveur folklorique rarement égalée qui les accompagnent toujours et partout. Et d’où naissent parfois les plus franches camaraderies et se forgent les meilleurs souvenirs ? Ces épreuves sont des instants de partage. L’excès nuit en tout et ces nuits-là en sont parfois tout sauf dénuées, à Gembloux et à Marche ou ailleurs ?

L’appel à la Justice permettra de corriger ces excès une fois commis. Toute imprudence jugée anormale constitue une faute civile et ses auteurs - les organisateurs ou leur assureur- en répondront et la répareront financièrement, en cas de dommage. Comme en toute chose, la vigilance préventive sera la meilleure conseillère. L’entente entre universités de contrôle et les étudiants organisateurs le meilleur partenaire. Le rectorat concerné l’a parfaitement compris. Mais pour rien au monde n’abolissons nos traditions d’adoubements, qui font et inscrivent dans l’histoire, notre indicible patrimoine estudiantin.

Ce n’est pas tout. Parfois, la féminité sentencieuse s’acoquine avec la vanité vertueuse. Notamment lorsque Najat Belkacem s’invite, aux cotés de Ségolène Royal, son mentor, pour compléter et noircir le tableau de l’anti Delacroix. Il y a quelques semaines la Ministre française pour les droits de la femme - pas l’égalité des chances caramba ! - achevait de convaincre Joëlle Milquet de pénaliser les consommateurs de charmes tarifés. La loi vient d’être votée aujourd’hui en France, calquée sur le modèle suédois. A l’heure où un « Eros center » est expérimenté, en mesure-t-on les effets « pervers » : paupérisation des péripatéticiennes librement assumées, commercialisation clandestine et dérégulée des plaisirs, marginalisation et exploitation accentuées des prostitué(e)s, dérèglements des pulsions et passions à défaut d’être purgées contre rétribution ? On en passe et des plus glauques. Plutôt qu’une prohibition sans nuance de la prostitution, appliquons nos lois pénales garde-fous qui en jugulent déjà les abus – telle que la loi sur la traite des êtres humains dont le champ a été étendu - à l’exploitation sexuelle à des fins personnelles entre autres - et les peines aggravées depuis le 2 août 2013.

Que dire enfin de l’interdiction du concours des mini-Miss en faveur de laquelle s’est prononcé notre ministre en charge de l’enfance Jean-Marc Nollet, dans le droit fil du législateur français et de son homologue auditionné il y a quelques jours par la commission des lois de l’Assemblée Nationale ? Si la tenue et la nature du défilé de starlettes s’avèrent trop choquants, le droit actuel y apporte déjà des réponses comme la pénalisation de l’outrage public aux bonnes mœurs et l’invalidation des contrats qui y portent atteinte. « De minimis » non curat preator… ?

Une régulation sociale au cas par cas vaut mieux que la meilleure « loi privative de liberté ». Aux orties le rigorisme janséniste de Port - Ségolène - Royal. Au placard le puritanisme des parangons de vertus de tout poil et féministes aux mains pures ou simples disciples de Narcisse - pas de Bacchus ni du roi Gambrinus. Conservons nos acquis révolutionnaires et constitutionnels, contre vents et marées français.

A chacun sa moralité. Son épanouissement. A tous sa liberté. Ses agissements. Rhabiller les filles aux galipettes tarifées et les nymphettes starifiées d’un soir, les bleu (ette)s sanctifiés, n’apaisera pas la société. Bien au contraire. Bâillonner ses désirs et corseter sa liberté ne peuvent qu’engendrer frustrations et extrémités. Que les clients, parents ou étudiants majeurs se déterminent en âme et conscience. C’est l’un des mots préférés de Sartre : Responsabilité - citoyenne ! C’est ceux chers à Camus dont le discours du Nobel résonne encore en nos cœurs : Vérité et Liberté ! «Il nous faut marcher vers ces (deux) buts, péniblement mais résolument, certains d’avance de nos défaillances sur un si long chemin ». Tout petit trafic d’influence - épistolaire, parlementaire ou inter-ministère - entre amis qui s’écarterait de ce chemin n’est-il pas à proscrire sous peine d’enterrer une seconde fois Eugène Delacroix ?

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