François et les prêtres mariés
Auprès de tous et partout, le pape François tient un rôle vedette. Mais les attentes que tant de chrétiens placent en lui ne sont pas rencontrées en ce qui concerne les prêtres mariés et l’intégration des femmes. Réaction.
Publié le 24-01-2016 à 16h42 - Mis à jour le 25-01-2016 à 17h11
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Une réaction de Paul Pirot, Professeur retraité de religion catholique dans l’enseignement secondaire (Institut Saint-Michel à Neufchâteau) et ancien animateur de messe à Neufchâteau.
Récemment, La Libre s’est fait l’écho d’une association qui regroupe des prêtres qui se sont mariés et ont donc quitté l’Eglise, mais sont restés chrétiens : "des rebelles fidèles à l’Evangile", selon l’article, qui ont cru que l’ouverture entamée avec le concile Vatican II irait jusqu’à autoriser qu’ils se marient, ce qui n’a pas du tout été le cas, puisqu’au contraire, l’Eglise s’est "repliée frileusement sur ses convictions". Ils ont donc dû abandonner leur ministère, en obtenant la dispense du célibat, ce qui était une façon de les exclure. Parmi ceux qui sont restés, certains ont été obligés de vivre dans une sorte de conjugalité clandestine.
La plupart de ces "Hors-les-Murs" n’ont pas versé dans l’anticléricalisme, mais ont gardé la foi, et se sont souvent retrouvés dans des communautés chrétiennes dynamiques. Ils viennent de lancer un "Appel au peuple de Dieu", où ils soulignent le droit de ces communautés "d’avoir les ministres dont elles ont besoin et dont elles manquent aujourd’hui ". Ils ajoutent que "le modèle dominant et répandu du christianisme est obsolète "et qu’il "est souvent un obstacle pour vivre les valeurs évangéliques".
La conclusion de l’article était la suivante : il faudrait évoluer vers un pluralisme des modèles en fonction des communautés concrètes. Et, dans cette optique, "il s’impose d’urgence d’intégrer aussi davantage les femmes et de donner plus de pouvoir à des personnes qu’elles considèrent comme préparées et jugées aptes à cela, sans distinction de sexe ou de statut". Que voilà des paroles rafraîchissantes !
Seulement, le pape François peut-il être l’espoir de ces prêtres mariés, comme le laissait entendre le titre ("François, l’espoir des prêtres mariés") et l’introduction de l’article ? Permettez-moi de m’interroger.
"Cauchemar" de l’Eglise hiérarchique
Auprès de tous et partout, François tient un rôle vedette. Sans doute cela reflète-t-il les attentes que tant de chrétiens placent dans l’actuel Pape ? Mais ont-ils raison ? Qu’est-ce qui peut leur faire croire cela ?
Ce qu’a fait François jusqu’à présent ? Les réponses qu’on me donne généralement, quand je pose la question autour de moi, c’est qu’il a choisi un style de vie plus "pauvre" que ses prédécesseurs, qu’il prêche pour la paix dans le monde, et surtout qu’il a "tancé" la Curie ! Comme si les citoyens se félicitaient de la réorganisation de son cabinet par le Premier ministre…
Bref, aucun changement majeur par rapport à la "politique" de Jean-Paul II et Benoît XVI : François n’a pas d’innovation à mettre à son actif, particulièrement dans le domaine de la sexualité, "cauchemar" de l’Eglise hiérarchique. Il est vrai qu’elle s’est toujours invitée dans la chambre des catholiques, comme si Dieu (serait-il mesquin ?) était particulièrement susceptible dans ce domaine-là : rejet de la pilule contraceptive, du préservatif, de l’homosexualité à la masturbation et autres pratiques "mauvaises", interdiction de la sexualité avant le mariage, exclusion des sacrements pour les divorcés remariés, mise à l’écart des prêtres mariés et, last but not least, des femmes pour les ministères importants.
Prêtres pétris de traditionalisme
La requête présentée par l’association "Hors-les-Murs", "évoluer vers un pluralisme des modèles en fonction des communautés concrètes", serait une excellente façon pour le Pape actuel de rencontrer le désir des chrétiens de nos pays d’avoir des pasteurs locaux, en prise avec la mentalité des Occidentaux qui ont mis leurs espérances dans l’aggiornamento que leur a fait miroiter le concile Vatican II.
Pour l’instant, vu la pénurie de pasteurs indigènes, ce sont des Polonais et des Africains que les évêques nomment dans les paroisses. Souvent marqués par un traditionalisme qui ne correspond pas à l’esprit d’ouverture et de renouveau que souhaitent beaucoup de chrétiens, ils ont tendance à faire leur "métier" comme des fonctionnaires, bénéficiant du statut pécuniaire privilégié que leur offre le ministère de la Justice en Belgique
Ce serait un premier pas pour une véritable évolution de la conception des pasteurs dont a besoin le peuple de Dieu. On pourrait dire alors que François prend au sérieux, en actes et pas seulement en belles paroles, le Jubilé de la Miséricorde qu’il a décrété pour 2016. Quelle magnifique occasion pour lui !
Par ailleurs, plutôt que de se focaliser sur les questions de morale sexuelle, le Pape devrait d’abord rappeler inlassablement le message de la Bonne Nouvelle : Dieu nous aime inconditionnellement et nous propose, "par lui, avec lui et en lui" (son fils Jésus, ressuscité et vivant aujourd’hui) d’éterniser le bonheur que nous vivons ici-bas encore imparfaitement, avec ceux que nous aimons et tous nos frères humains. En nous laissant libres de le choisir ou pas, sachant que lui est "heureux quand nous le sommes, même si c’est sans lui" (Jacques Vallery).