Migrants: entre désespoir et résistance
Dans l’espoir qu’on les entendra, qu’on les regardera, qu’on voudra bien parler avec eux, les sans-papiers prennent l’initiative. Lancement d’une caravane et d’un journal pour aller à la rencontre des élus et des gens. OPINION.
Publié le 05-02-2016 à 17h16 - Mis à jour le 05-02-2016 à 17h21
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Répression et haine sans précédents !
Des barbelés en Hongrie et ailleurs. Des projets liberticides en Belgique, visant à précariser l’intouchable statut de réfugié, à durcir les règles du regroupement familial, à lancer un plan d’expulsions massives, à privatiser l’accueil des réfugiés, en bonne entente avec des entreprises de sécurité comme G4S, connue pour son engagement mercenaire dans les Territoires occupés, en Irak, en Afghanistan. En attendant la privatisation des prisons, de l’ensemble des services publics… Une déclaration du gouverneur de Flandre occidentale appelant cyniquement à "ne pas nourrir les réfugiés" . Un projet européen de criminalisation des associations et des touristes qui voudraient venir en aide aux réfugiés. N’en jetez plus. Partout en Europe, et singulièrement chez nous, les réfugiés, les migrants, les sans-papiers, qui ne connaissent que la guerre, la mort, la précarité, la détresse, la traque, sont l’objet d’une répression, d’une haine sans exemple dans l’histoire récente, sinon le sort réservé aux Juifs dans les années 30 et 40. J’exagère ? Bien sûr, il n’y a pas d’extermination. Bien sûr, la Shoah est une catastrophe sans égale dans l’histoire. Mais des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants meurent sur les routes de l’exil. Mais des dizaines de milliers d’entre eux sont humiliés, diffamés, bousculés, contrôlés, affamés, enfermés, sans que personne ne dise rien.
Dans nos villes, nos quartiers, les sans-papiers résistent. Parce que ce sont des êtres humains, comme nous. Ils ont besoin de pain, de paix, de sécurité, de dignité, comme nous. Depuis deux ans, les collectifs de sans-papiers (ils sont huit : les Afghans, les Latinos, Voix des sans-papiers à Molenbeek, Voix des sans-papiers à Liège, le Comité des travailleurs avec et sans papiers de la CSC, le Comité des femmes, le Groupe 2009, le collectif Ebola à St-Josse), à côté de la Maison des Migrants à Ixelles et de la coopérative Collectactif, s’organisent et manifestent.
Ils sont une fois par semaine devant le cabinet de Franken ou l’Office des étrangers, ils appellent régulièrement à de grandes manifestations nationales, ils font des marches sur Anvers et Wavre, et même des fêtes, contre mauvaise fortune bon cœur. Ils apprennent de la lutte qu’ils doivent mener. Ils s’organisent au sein d’une coordination nationale, multiculturelle et démocratique, ils se concertent et développent de nouvelles actions avec leurs soutiens du Front d’action des Migrants, de la Plate-forme de concertation composée du Cire, des syndicats, de la Ligue des Droits de l’Homme, de SOS Migrants et d’autres associations. Ils vont régulièrement témoigner dans les écoles.
Deux rendez-vous
Aujourd’hui, ils lancent deux nouveaux projets. D’une part, l’organisation d’une caravane des migrants, qui sillonnera à partir de février plusieurs villes et communes de Belgique (premiers rendez-vous : Forest, Sint-Niklaas et Liège), où il sera question de rencontrer les élus communaux, les associations locales, les syndicalistes, les élèves, le grand public, dans un effort d’explication et de dialogue. Et d’autre part, la publication d’un journal bimestriel, soutenu par la Communauté française, où les sans-papiers eux-mêmes témoigneront, livreront des infos et des analyses.
Après deux longues années de mobilisation intensive, de recherche d’un dialogue impossible avec ce gouvernement de droite dont nous subissons tous, chômeurs, pensionnés, femmes, malades, travailleurs, chaque jour les méfaits, ils se sont résolus à constater qu’ils n’obtiennent rien, même pas des réponses à leurs courriers.
Ils ont donc décidé, avec leurs soutiens belges, de s’adresser à l’opinion publique, aux jeunes, aux démocrates, aux citoyens qui ont conscience que les migrants sont avant tout des hommes, des femmes, des enfants qui cherchent une protection, une simple vie humaine. Dans l’espoir qu’on les entendra, qu’on les regardera, qu’on voudra bien parler avec eux. L’expérience du parc Maximilien, fruit avant tout de l’incurie volontaire de l’Etat, a montré que des milliers de personnes sont sensibles à ce désastre permanent, et sont prêtes à relever la tête.
Plus que jamais, gens de bonne volonté, écoutez-les, rencontrez-les, soyez humains et solidaires.