Avec la migration, nous devons accepter une autre forme de vivre-ensemble

La migration est un défi permanent pour les pays à revenus élevés. Nous devrons accepter que, définitivement, une autre forme de vivre ensemble va colorier notre société. Il est donc plus que temps de remettre en question notre manière de penser.

Contribution externe
Avec la migration, nous devons accepter une autre forme de vivre-ensemble

Une opinion de Dr Reginald Moreels, chirurgien humanitaire.

L’afflux de réfugiés dans notre pays devient un véritable dilemme de civilisation. Ou bien nous nous noyons dans les slogans populistes et simplistes, ou bien nous parvenons à rester simplement des humains… Avec un cœur pour pouvoir rester accueillant et avec un peu d’intelligence pour pouvoir réfléchir au futur de notre vivre ensemble.

Mais d’abord, mettons quelques points sur les i. Un certain nombre de commentateurs dans les médias affirment encore, de façon claire ou plus discrètement, que notre pays ne fonctionne pas si mal au niveau de l’accueil des demandeurs d’asile. Effectivement, Fedasil, la Croix-Rouge de Belgique et d’autres ONG réalisent un travail d’accueil fantastique. Le secrétaire d’Etat est payé pour faire ce job, mais il est clair qu’il est surtout passionné par une politique de retour plus que par une politique d’accueil. C’est ce que prône d’ailleurs, explicitement, son parti nationaliste de droite. Et personne, je dis bien personne, à gauche comme à droite, conservateur ou progressiste, n’a ouvert la bouche pour dire aux gens : "yes we can" ("nous pouvons le faire"). Et ce, même si le défi est complexe. Ce constat est déjà, en soi, une preuve que nous n’avons plus aucun homme ou femme d’Etat dans ce pays. Et le Roi doit rester coi sur le sujet, sans quoi notre petit monde politique connaîtrait un nouveau tremblement de terre.

Et c’est ainsi que, ces derniers jours, nous sommes progressivement noyés sous une pluie de déclarations "barbares" de la part de nos représentants politiques. En bref : la courbe rentrante du président du SP.A, les déclarations du ministre flamand du Tourisme à propos de la subvention aux sites touristiques, la phrase de trop du gouverneur de Flandre-Occidentale contre les initiatives volontaires de distribution de pain. Le gouverneur n’a même pas présenté d’excuses, mais a persévéré dans une explication confuse sur la manière dont un migrant errant doit introduire sa demande d’asile !

Démission !

Un gouverneur qui démontre un tel mépris à l’égard de la grandeur d’âme de ses concitoyens doit, selon moi, être relevé de ses responsabilités publiques. Pour moi et pour beaucoup de ceux que je rencontre autour de moi, il est clair qu’il n’est plus digne d’être gouverneur et moins encore un citoyen raisonnable. Le gouvernement flamand devrait destituer un tel gouverneur, mais la coalition actuelle ne se risquera certainement pas à prendre une telle décision.

La population, de son côté, ne restera pas silencieuse. En tant qu’Ostendais, une honte supplémentaire m’envahit quand je constate que le conseil communal, bourgmestre en tête, refuse de mettre à disposition un ancien hôpital des mutualités chrétiennes, actuellement vide, pour accueillir environ 250 demandeurs d’asile. Et ceci, sous prétexte qu’un permis de démolition doit être prochainement approuvé par le conseil communal pour transformer cet ancien hôpital en une maison de retraite et de soins. Il faut pourtant constater qu’on est déjà 3-4 mois plus tard et que cette décision de permis n’a toujours pas été votée ! Entre-temps, les personnes se bousculent dans nos consultations de Médecins du Monde, tremblantes de fièvre et accablées de toux de poitrine… Trop est trop.

Nous devons accepter

Il y a 5 mois, je publiais sur mon blog une tribune présentant un plan d’urgence pour une solution d’accueil à court terme, avec délivrance systématique de visas humanitaires dans les "hot spots" aux frontières extérieures de l’Union Européenne, l’établissement d’un quota supérieur et inférieur par pays, un parcours du demandeur clarifié, et une vision possible sur le moyen terme. Le plan européen de sécurité, dont se sont inspirées d’abord la chancelière Merkel et ensuite la présidence néerlandaise de l’Union européenne, n’est pas très différent de cette proposition. Le fait est que nous devrons accepter à l’avenir que définitivement, oui définitivement, une autre forme de vivre ensemble va colorier notre société. Que le débat ne porte plus sur les frontières ouvertes ou fermées, mais sur la vie multiculturelle à mener ensemble ou sur les ponts que nous devons essayer de construire entre nous et les autres.

Un certain nombre de nouvelles thèses et interrogations doivent remettre en question notre manière de penser et notre vote populaire.

Ces réflexions vont-elles continuer?

(1) "L’intégration des étrangers est toujours plus difficile dans les pays ayant une sécurité sociale forte, car elle est considérée par les citoyens comme étant une vache sacrée qu’on ne peut traire indéfiniment" : c’est une assertion incorrecte.

(2) "Les migrants les plus instruits qui contribueront à cette sécurité sociale sont encore les bienvenus mais on accepte aussi que les migrants moins qualifiés assument les travaux sales plutôt que de leur donner une formation supplémentaire" : est-ce une attitude qui est juste ?

(3) "Les secteurs concurrentiels comme l’hôtellerie, les petits métiers d’indépendants tels que les coiffeurs ou les magasins de proximité ne peuvent supporter la concurrence des envahisseurs" : est-ce que de telles réflexions vont continuer ?

(4) "Economiquement, à court terme, l’intégration de centaines de milliers de réfugiés va coûter de l’argent, faire pression sur le marché du logement, encourager le travail non déclaré, mais à long terme cette intégration entraînera une augmentation de la consommation, un effet positif de l’emploi des étrangers sur la croissance de notre PNB, un renforcement des relations personnelles entre notre peuple et les autres peuples" : cela n’est-il pas source d’espoir ?

(5) "Jamais la pression du vieillissement de notre société ni le volume de notre population active ne pourront être compensés par le seul apport de la communauté des migrants plus jeunes, et donc chacun, autochtone comme allochtone, nous devrons travailler plus longtemps" : pouvons-nous nous accepter un tel constat ?

(6) "La capacité d’une société, aujourd’hui encline à la peur et à l’incertitude à l’égard des migrants, se mesure à son dynamisme à changer en stimulant les contacts personnels, en diffusant des informations objectives via les médias et via ses autorités publiques, en organisant le volontariat, en accélérant les procédures d’asile et en renforçant le personnel d’accueil, et en aidant les nouveaux arrivants, après un cours de langue intensif, à accéder au plus vite à un emploi ou un réseau de solidarité, afin de disposer d’un lit, d’un bain, de pain et surtout d’une occupation" : pouvons-nous apprendre à accepter cela enfin ?

Beaucoup de dictateurs et les despotes doivent encore être destitués dans le monde, cela coûtera encore beaucoup de sang et de larmes, cela fera fuir des populations. La migration reste donc un défi permanent pour les pays à revenu élevé, même si nous savons que riches et pauvres peuvent se retrouver maintenant dans tous les pays du monde.

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