La Religion dans la Cité
Le cerveau humain compte deux hémisphères : le droit prime quant à notre orientation religieuse alors que le gauche fait battre le cœur de la démocratie. Le regard du prêtre.
Publié le 04-04-2016 à 12h54 - Mis à jour le 04-04-2016 à 13h24
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Le regard du prêtre Éric de Beukelaer.
Le cerveau humain compte deux hémisphères : le droit prime quant à notre orientation religieuse alors que le gauche fait battre le cœur de la démocratie. Etonnant. En 2008, un sondage sur la religion dénombrait 43 % de catholiques en Belgique francophone, dont 4 % de pratiquants. Fin janvier 2016, l’ULB réitéra l’étude (Ipsos-Orela-RTBF-Le Soir) et - cette fois - jusque 63 % des Belges francophones se déclaraient catholiques et 20 % pratiquants. Or - tout curé en témoignera - malgré une légère augmentation de la pratique catholique, il n’y a pas 20 % de la population chaque dimanche à l’église. Alors, quid ? Si on exclut la marge d’erreur, la différence s’explique par une évolution de la perception du rapport au catholicisme. Nombre de nos concitoyens, qui se déclaraient - il y a quelques années encore - sans religion, se disent désormais "catholiques" et un pourcentage sensible de personnes peu pratiquantes (n’allant à la Messe qu’aux grandes fêtes ou pour des mariages/funérailles) se reconnaît à présent "pratiquant".
Ce qui a changé ? Côté pile, sans doute - l’effet pape François et son discours accessible et pertinent sur la foi et la société. Côté face, hélas - la peur de l’islam, qui pousse nos compatriotes de souche chrétienne à se réfugier dans une identité religieuse. Ceci illustre que le rapport à la religion est avant tout une question de perception, avec pour moteur le désir et l’émotion. La réflexion n’est pas absente des églises - toute la tradition philosophique et théologique du catholicisme est là pour l’illustrer - mais elle est seconde. Du point de vue psychologique, ce qui détermine qu’un humain se dise "croyant", "agnostique" ou "athée" est avant tout l’intériorisation de son rapport intuitif et émotionnel à l’éducation reçue et aux expériences vécues. Le cerveau humain compte un hémisphère gauche, qui décompose les problèmes et les analyse de façon critique et un hémisphère droit, qui appréhende le réel de façon intuitive et créatrice. Pour la Grâce, c’est bien l’hémisphère droit qui prime, quant à notre orientation religieuse.
Il en va autrement en politique. Non que l’émotion n’y joue aucun rôle. Le nationalisme/patriotisme, le fait que certains milieux sociaux se disent plus volontiers "de droite" ou "de gauche", ou encore une institution comme la monarchie, illustrent le côté affectif du rapport au politique. Il n’empêche, c’est la raison critique - et donc le cerveau gauche de l’homme - qui fait battre le cœur de la démocratie. "L’homme est un animal politique", enseignait Aristote, "parce qu’il est un animal qui raisonne". (Politiques, I 2). La philosophie des Lumières a rappelé l’héritage des anciens Grecs - soit que le seul langage capable de fonder une démocratie est le langage de la raison. Sa grammaire logique et sa visée critique font en sorte que la raison offre à des personnes de convictions différentes d’écouter l’autre sans a priori, afin d’arriver à prendre avec lui une décision commune au bien de la cité. C’est la raison qui donne, non pas de voir en l’autre d’abord le "juif", le "chrétien", le "musulman", ou le "libre-exaministe", mais bien le citoyen qui défend son point de vue avec des arguments accessibles à toute personne normalement intelligente, quelle que soit sa conviction religieuse ou philosophique.
Dès lors - comment combattre l’hydre fondamentaliste, qui menace la démocratie ? Au nom de la pureté laïque, d’aucuns prônent de bannir toute expression religieuse de l’espace public, afin que triomphe la raison. Mortelle impasse pour la société. Chassez l’émotion… Apprenons plutôt à apprivoiser - dès l’enfance - tant le désir spirituel que la raison politique. Donc, "oui" à la philosophie à l’école, mais "non" à la suppression pour ce faire des cours de spiritualité engagée. Le cerveau est composé de deux hémisphères. L’humanité se construit, tant par l’apprentissage de la réflexion critique que par l’intériorisation émotionnelle de la quête de sens.
Blog : http://minisite.catho.be/ericdebeukelaer