Des champs de blé… aux champs de bataille !
A la veille de l’ouverture de l’édition 2016 de la prestigieuse Foire agricole de Libramont, nous voulons dénoncer plusieurs signes de soumission aux lobbies de l’agrobusiness, tout en faisant valoir un savoir paysan ouvert à la modernité. Opinion.
- Publié le 22-07-2016 à 13h17
- Mis à jour le 22-07-2016 à 13h19
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Une opinion d'un collectif de signataires, membres de la coalition luxembourgeoise pour la Paix.
L’ Etat belge nous trompe" , dénonçait récemment SOS Faim dans un dossier qui dévoilait l’ampleur des fonds octroyés par notre gouvernement à la Banque mondiale. Or avec une contribution annuelle de 130 millions d’euros, notre gouvernement qui, dans ses déclarations, prétend soutenir l’agriculture paysanne fait de cette institution le principal bénéficiaire de sa coopération au développement (1).
La Banque mondiale soutient pourtant un modèle d’agroproductivisme préjudiciable aux agriculteurs soucieux d’une production rentable et respectueuse de l’environnement ainsi qu’aux citoyens préoccupés par la qualité de leur alimentation et une répartition équitable de la nourriture dans le monde. Mais quel lien entre ce constat, certes fort regrettable et notre engagement au sein d’une Coalition luxembourgeoise pour la Paix ? La réponse se trouve dans quelques faits que nous tenons à rappeler à la veille de l’ouverture de l’édition 2016 de la prestigieuse Foire agricole de Libramont.
Soumission aux lobbies de l’agrobusiness
Malgré les déclarations d’intention des organisateurs - à l’exemple de notre gouvernement - qui présentent ce show gigantesque comme une "vitrine exceptionnelle de la ruralité", il saute aux yeux que la plus grande surface du champ de foire est investie par l’agriculture industrielle, la mécanisation à outrance, l’agrochimie et tout l’éventail des pratiques hyperproductivistes. Il y a un autre nom pour désigner cette soumission aux lobbies de l’agrobusiness : la guerre économique .
Elle est longue la liste de ses victimes, que ce soit chez nous, avec la disparition chaque année de centaines d’agriculteurs ruinés, ou dans les pays du Sud avec la migration forcée de millions de paysans au sein de leur propre pays ou vers les pays du Nord, sans parler des conflits armés qui accompagnent fréquemment l’accaparement des terres vivrières par les multinationales du grand commerce international, impliquant nos propres chaînes de distribution alimentaire.
Alternatives de production
Fort heureusement certaines communautés paysannes n’ont pas attendu la politique des TTIP et autres traités de "libre-échange" pour mettre en œuvre des alternatives de production. Aurions-nous oublié que les premières grandes crises agricoles remontent au XIXe siècle avec l’ouverture des marchés aux céréaliers américains ? Les alternatives agroécologiques que proposent ces mouvements paysans répondent aux enjeux sociétaux actuels grâce à une agriculture relocalisée, rémunératrice et porteuse d’emplois, capable de nourrir le monde à travers une politique de souveraineté alimentaire bien comprise, et sans pour autant détruire la planète comme on le constate aujourd’hui avec l’épuisement des sols, la pollution des eaux et de l’air et les désordres climatiques.
Un savoir paysan ouvert à la modernité
Ce n’est donc pas un hasard si, face à la traditionnelle "Grande foire" de Libramont, la dénommée "Petite foire" (2) présentera aux mêmes dates sa 6e édition dans une vraie ferme à Semel (Neufchâteau). Nous tenons à exprimer notre soutien à cette authentique vitrine de la ruralité, avec son patrimoine de savoir-faire paysan, capable aussi de recourir aux idées novatrices d’une modernité éclairée, tout en échappant au grappin de l’esclavagisme industriel et mercantiliste (3).
Si nous voulons la paix dans le monde, nous pouvons et nous devons dénoncer nos implications dans les guerres actuelles, avec toutes les conséquences que nous déplorons aujourd’hui, y compris chez nous. Dans la même logique, nous ne cesserons de nous mobiliser contre un modèle de société basé de plus en plus sur la compétition, la guerre économique et cette "démocratie des lobbies" qui commence par dicter sa loi sur les champs de blé avant de terminer en désastres sur les champs de bataille.
(1) http://www.sillonbelge.be/node/29062.
(2) 23 et 24 juillet. http://lapetitefoire.lemap.be
(3) Signataires : Agir pour la Paix, Cellule Accueil Réfugiés, Centre d’Animation globale Luxembourg, Centre d’Action laïque du Luxembourg, Centre culturel de Bertrix, Centre de Développement rural, Centre des Immigrés Namur-Luxembourg, Communauté des Frênes, Entraide et Fraternité Luxembourg, FGTB Luxembourg, Ferme Arc-en-Ciel, Ferme du Hayon, Le Gletton, Maison luxembourgeoise de l’Ecologie, MOC-Luxembourg, Mojoca, Mouvement d’Action paysanne, Oxfam-Magasins du Monde Luxembourg, Périple en la Demeure, Service civil international.