Toxicomanie et islamisme radical en prison: un beau gâchis…

Faute de subsides, l’équipe de "Step By Step" n’apporte plus son aide aux personnes incarcérées souffrant d’assuétudes. Désormais abandonnées à elles-mêmes, ces personnes pourraient succomber à l’islamisme radical.

Contribution externe
Toxicomanie et islamisme radical en prison: un beau gâchis…

Une opinion de Laurence Przyliki - Présidente de la Fedito wallonne, au nom du comité de pilotage du projet "Step By step".

Faute de subsides, l’équipe de "Step By Step" n’apporte plus son aide aux personnes incarcérées souffrant d’assuétudes. Désormais abandonnées à elles-mêmes, ces personnes pourraient succomber à l’islamisme radical. Dans le cadre de la loi de principes du 12 janvier 2005, qui prévoit l’équivalence et la continuité des soins pour les personnes incarcérées, et dans le cadre de la circulaire ministérielle no 1785 du 18 juillet 2006 actant la nécessité d’instaurer une politique drogue au sein des prisons, le SPF Justice a attribué pour cinq années à la Fedito wallonne (Fédération wallonne des institutions pour toxicomanes) un subside lui permettant la mise en place d’un dispositif visant à encourager et à faciliter l’accès aux services spécialisés en matière d’assuétudes pour les personnes incarcérées : le Point central de contact, d’orientation et d’accompagnement, plus communément appelé projet "Step By Step".

En Belgique, comme dans bien d’autres pays, la proportion des personnes incarcérées présentant des problématiques d’assuétudes est très élevée. Sans conteste, le dispositif mis en place dans ce cadre entendait répondre à un réel besoin.

Résultat d’une politique à la belge

Démarré en octobre 2011 et couvrant les treize prisons wallonnes, le projet "Step By Step" est devenu au fil du temps une passerelle entre la personne incarcérée et l’ensemble des acteurs concernés par son parcours et son projet de soins. Durant cinq années de fonctionnement, les six intervenants psychosociaux spécialisés en assuétudes de "Step By Step" ont rencontré plus de 2 500 personnes incarcérées et ont mené plus de 4 000 entretiens. "Step By Step" est devenu un palliatif de l’absence criant des services externes qui travaillaient en prison mais qui n’ont plus les moyens de s’y rendre. Son travail et sa mise en œuvre au sein des prisons ont été plus qu’appréciés et reconnus par l’ensemble du dispositif carcéral encadrant les détenus et par les détenus eux-mêmes.

Après cinq années d’existence, "Step By Step" a dû cesser de fonctionner ce 30 septembre 2016 faute de renouvellement de subside, laissant derrière lui des personnes incarcérées en détresse sanitaire absolue, n’ayant aucune possibilité d’entrevoir sereinement et dignement leur traitement et par conséquence d’organiser leur sortie.

L’équipe de "Step By Step" a apporté son aide tant qu’elle a pu mais faute d’une prise de conscience politique, la population carcérale nécessitant des soins spécifiques liés à la consommation doit se résigner et subir les conséquences d’une politique à la belge, le fédéral et la région se renvoyant la patate chaude.

Combien de temps les usagers concernés, les services d’aide spécialisés et l’opinion publique vont-ils devoir attendre avant que cette question soit tranchée ? Pourquoi une loi ne peut-elle être appliquée ? A qui la faute ? Aux ministres de tutelle qui ne débloquent pas les fonds nécessaires ? Au transfert de compétences qui provoque un imbroglio bloquant toute intervention ? Au public concerné qui ne suscite pas l’attention nécessaire des acteurs politiques ? La réponse du ministre de la Justice Koen Geens lors d’une question parlementaire jointe émanant de Willy Demeyer (PS) et Georges Gilkinet (Ecolo-Groen) de mars 2016 ne laisse aucune équivoque quant au motif bloquant la reconduction d’un projet tel que "Step By Step" : "Il va de soi que nous devons d’abord éclaircir cette question de compétence !"

En attendant que cette question cruciale soit tranchée, les personnes incarcérées ne bénéficient pas des droits et des soins auxquels elles devraient prétendre et n’ont également aucun recours possible pour se faire entendre. Est-ce cela la Belgique des droits de l’homme ?

Le danger de la radicalisation

Pour susciter l’attention de nos élus, peut-être devrions-nous envisager la question des toxicomanes et de la délinquance sous un autre angle ? En effet, depuis quelque temps, ces questions sont supplantées par celles de l’islamisme radical, de la violence qu’il engendre et de sa prévention. La question de sa gestion en milieu carcéral est posée de manière urgente, et notamment celle des risques de contagion de ces idées auprès de populations socialement ou psychologiquement fragilisées, ayant accumulé échecs et rejets, n’entrevoyant plus de perspectives et envahies d’un désespoir mortifère. S’il est bien une catégorie de personnes qui correspond à cette énumération, c’est celle des personnes toxicomanes. En effet, pour bon nombre de personnes souffrant de toxicodépendances, c’est le choix de cette impasse de vie qui s’impose. A défaut de soutien, d’encadrement psychosocial et de perspectives positives, elles peuvent se laisser entraîner vers d’autres dérives qui ne manquent pas de se propager de façon sournoise en milieu carcéral.

Supprimer ce projet novateur n’aidera donc certainement pas à rétablir le fragile équilibre que ces travailleurs sociaux de qualité avaient pu faire naître chez certaines d’entre elles.

Les pouvoirs publics n’ont visiblement pas l’habitude de faire le lien entre les diverses problématiques sociétales auxquelles ils sont confrontés, préoccupés avant tout de demeurer cloisonnés, chacun dans sa propre "compétence". Faute de réflexion sur le long terme et faute d’une politique de prise en charge cohérente, notre société vivra encore très certainement des drames humains.

Accompagner ces personnes dans leur parcours lié à ce statut de toxicomanes et tenter de leur rendre l’espoir étaient bel et bien un moyen de prévenir les dérives possibles liées à leur fragilité et à leur besoin d’être reconnues. L’équipe de "Step By Step" s’y employait jusque-là, ce n’est désormais plus possible faute de décisions politiques prises à temps.

En 2011, le Point de Contact "Step By Step" de la Fedito wallonne a été soutenu dans sa mise en œuvre par un comité de pilotage composé de représentants d’institutions solidement ancrées dans le secteur des assuétudes à savoir Cap Fly à Liège; Sésame à Namur; Alise-Ellipse à Carnières; Trempoline à Châtelet; Phénix à Jambes.

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