Une employée de la CSC tuée par un chômeur en colère? Les relations pourraient encore s'aggraver (OPINION)
Publié le 10-10-2017 à 08h29 - Mis à jour le 10-10-2017 à 14h18
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Une opinion de Cédric Leterme pour le collectif Riposte.Cte.
Il y a une tension extrême entre les hors-emploi et les travailleurs sociaux auxquels ils ont affaire.
En tant que membres d’un collectif qui organise les travailleurs hors-emploi, nous lançons un appel aux travailleurs auxquels nous sommes régulièrement confrontés, que ce soit au Forem, aux CPAS ou aux services "chômage" des syndicats. Nous sommes en effet inquiets de la détérioration de nos relations qu’un incident comme le meurtre récent d’une employée de la CSC de Diest par un chômeur en colère ne pourra qu’aggraver. C’est que ce dernier pourrait bien renforcer le sentiment, déjà largement répandu chez bon nombre de travailleurs ayant affaire à des hors-emploi, que ceux-ci deviennent de plus en plus agressifs. Pourtant, cette montée en agressivité ne vient pas de nulle part. Elle découle directement des attaques croissantes dont les hors-emploi font l’objet depuis au moins 10 ans de la part des gouvernements successifs et qui rendent leur quotidien de plus en plus invivable.
D’un côté, en effet, on les somme de "s’activer" en multipliant les contrôles et les exigences qui visent à s’assurer qu’ils passent bien leur temps à chercher un emploi pourtant largement inexistant. En psychologie, ce type d’injonction paradoxale, "fais pour ton bien ce que je te dis même si cela ne (te) sert à rien", cela s’appelle de la perversité. De l’autre côté, on ne cesse de durcir les conditions d’accès aux allocations, d’en limiter les bénéfices (en termes de montants ou dans le temps), ce qui accroît mécaniquement le nombre de personnes en situation de précarité (ou sur le point d’y basculer), et d’autoriser les intrusions de plus en plus nombreuses dans la vie privée de celles-ci sous couvert de lutte contre la "fraude sociale"… Dans ce contexte, et au risque de choquer, on peut dès lors s’étonner qu’il n’y ait pas plus d’incidents violents impliquant des hors-emploi tant la violence qu’ils subissent est inédite.
Cela ne signifie évidemment pas que nous souhaitons voir des drames comme celui de Diest se multiplier. Nous savons trop bien qui sont les vrais responsables de cette situation et vers qui notre révolte doit donc se diriger en priorité. Mais cela ne doit pas pour autant empêcher les travailleurs qui "s’occupent" des hors-emploi de s’interroger sur leur rôle dans la perpétuation de leur calvaire.
Il y a quelques semaines, le nouveau ministre wallon de l’Emploi, M. Jeholet, accusait ainsi les travailleurs du Forem d’être laxistes en les exhortant à être encore plus fermes dans leur contrôle des chômeurs. Du côté des CPAS, la généralisation récente du Projet individualisé d’intégration sociale (PIIS), avec ses pressions à accepter de travailler gratuitement en échange d’un revenu social de subsistance (RIS), est également de nature à envenimer les relations entre usagers et travailleurs sociaux. Enfin, on peut craindre que la mise en cause récurrente du rôle des syndicats dans le paiement des allocations de chômage ne soit de nature à les rendre de plus en plus intransigeants vis-à-vis de leurs affiliés hors-emploi…
Nous sommes pourtant persuadés que l’extrême tension qui se cristallise peu à peu découle en partie d’une méconnaissance réciproque et entretenue. Méconnaissance, d’un côté, de nos situations de vie quotidienne, à nous, hors-emploi, et de nos aspirations à exister dignement en étant reconnu pour ce que nous sommes et apportons à la société. Et méconnaissance, de l’autre côté, des situations que subissent ceux que l’on enjoint de "faire le sale boulot", parfois contre leur gré.
Sans réaction de part et d’autre, on ne pourra toutefois que voir se prolonger le cercle vicieux actuel de méfiance, de colère et de peur, dont les seuls bénéficiaires sont nos dirigeants et le patronat dans son ensemble. À l’inverse, l’ouverture de ponts entre travailleurs hors-emploi et ceux qui les accompagnent et/ou les contrôlent pourrait non seulement être bénéfique aux deux, mais aussi à l’ensemble des salariés, car les attaques que vivent les hors-emploi visent avant tout à intimider et à discipliner tous ceux qui ont (encore) un job.
--> Le collectif Riposte.Cte a été créé en 2012 à l’initiative de personnes menacées par des mesures attaquant frontalement les droits au chômage. Info : www.riposte-cte.org