Etudes supérieures: le report de crédits non réussis montre ses premiers défauts (CHRONIQUE)
Publié le 29-01-2018 à 09h41 - Mis à jour le 29-01-2018 à 14h44
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Une chronique de Jacques Laffineur, conseiller aux études à l'UCL.
Le report de crédits non réussis montre ses premiers défauts, comme un solde énorme en fin de parcours.
Pour les étudiants du supérieur, la fin de la session d’examens approche. Et pour ceux dont c’est la première expérience, l’épreuve est d’autant plus préoccupante : ai-je été à la hauteur ? La question inquiète aussi les parents qui cherchent à comprendre les nouveaux critères de réussite introduits par le décret "Paysage". En bref, rappelons qu’un examen est réussi si l’étudiant atteint une note d’au moins 10 sur 20 et que le programme d’une année est pleinement réussi lorsque l’ensemble des crédits de cours qui le composent le sont également.
Attention : en Bac 1 (le programme d’un étudiant primo-arrivant est nécessairement de 60 crédits), tout étudiant ayant réussi un ensemble de cours totalisant au moins 45 crédits est "admis à poursuivre" son cycle de bachelier. Il devra donc inscrire à son programme ultérieur les crédits résiduels non réussis. Son cycle de bachelier ne sera accompli que lorsque les 180 crédits au minimum qui composent ce cycle auront été réussis !
Ce système a notamment l’avantage d’atténuer l’effet couperet qu’avait naguère l’échec inhérent à la division d’un cycle en années, lesquelles devaient être complètement réussies avant de passer à la suite du programme, et de permettre à un étudiant de progresser dans ses études, même en cas d’échecs partiels. S’il est prématuré d’évaluer objectivement les mérites de ce nouveau système, on peut déjà épingler quelques risques dont les observateurs sur le terrain entrevoient les premières manifestations.
Primo : nombre d’étudiants de première année annoncent fièrement qu’ils ont réussi dès qu’ils sont "admis à poursuivre" leur bachelier alors qu’ils n’ont en réalité engrangé que les trois quarts des crédits (45 sur 60); ne nous méprenons pas sur une telle vision de la réalité : s’il reste une quinzaine de crédits de "casseroles à tirer" durant la suite du cycle, on ne peut parler d’une pleine réussite de la première année, laquelle ne demeure en quelque sorte qu’un essai qu’il reste à transformer…
Secundo : la prétendue "réussite" à 45 crédits peut s’avérer lourde de conséquences en raison notamment de l’augmentation de la charge que cela représente pour l’étudiant et des conflits horaires de cours et d’examens qui surgiront inévitablement dans l’accomplissement ultérieur du parcours.
Tertio : le report des échecs étant maintenant autorisé d’année en année, on voit des étudiants arriver progressivement au terme de leurs études universitaires avec un solde accumulé de crédits non réussis très conséquent.
Quarto : force est de constater un accroissement du besoin d’aide à la réussite de la part des étudiants débutants dont la demande se prolonge bien au-delà de la première année…
Les statistiques officielles font encore défaut mais il semblerait que la diminution sensible du taux de réussite de la totalité des 60 crédits au terme du programme de première année résulte du sentiment qu’ont les étudiants de pouvoir désormais "s’en tirer" avec seulement 45 crédits.
Face à ce constat, il faut aussi s’interroger sur la nécessité d’uniformiser les pratiques de délibération des jurys qui, tantôt, permettent à un étudiant de réussir tout son programme annuel en dépit de l’un ou l’autre échec léger et, tantôt, font une application purement mécanique du décret (si pas 10/20 dans chaque unité d’enseignement composant le programme, c’est l’échec !)
Cette courte chronique ne permet guère de nuancer le propos ni d’aborder tous les aspects méritant d’être traités. On songe notamment au régime particulier des établissements d’enseignement supérieur (principalement les Hautes Ecoles) ayant intégré la possibilité d’inscrire à l’intérieur d’une même unité d’enseignement (c’est-à-dire un cours) plusieurs activités d’apprentissage faisant l’objet de notations distinctes également soumises aux contraintes précitées (le seuil de réussite devant être atteint pour toutes ou plusieurs de ces activités…). Certes, le nouveau système gagne en flexibilité et favorise l’adaptation progressive de l’étudiant aux exigences de l’enseignement supérieur mais qu’aura-t-on gagné si, malgré un accroissement de l’aide à la réussite, les taux d’échec continuent à stagner ?