Mes réserves sur les cours d’arabe à l’école (OPINION)
Publié le 20-02-2018 à 10h05 - Mis à jour le 20-02-2018 à 15h27
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Une opinion d'Hamid Bénichou, administrateur du Centre citoyen belge musulman laïque.
Pourquoi singulariser la langue arabe et, d’amalgame en amalgame, pointer du doigt les musulmans du pays ?Pourquoi, sous prétexte qu’une partie de la population est issue de pays dits "arabes" et que des problèmes se posent dans plusieurs quartiers ghettos (mais avec une population multiethnique dans les faits), certains, après avoir estimé nécessaires des cours sur l’Islam à l’école de police, préconisent à présent des cours d’arabe dans les écoles ?
Une reconnaissance oui, mais...
La proposition est évidemment intéressante. Chez des enfants qui ne parlent ni le français ni le néerlandais à la maison, consolider la langue maternelle dans les petites classes peut faciliter l’apprentissage des langues officielles du lieu. Quelques notions de la langue de ses origines peut certainement motiver l’enfant, se sentant ainsi pris en considération dans son environnement familial, pour l’ensemble de ses apprentissages, comme le ferait tout signe de reconnaissance de n’importe quelle langue. C’est démontré, et c’est vrai pour tout allophone.
Cela devrait donc être proposé non seulement pour l’arabe, mais également pour d’autres langues rencontrées dans de nombreuses familles d’origine immigrée. Par ailleurs, proposer un enseignement de la langue arabe dans les grandes classes serait une option intéressante : l’arabe est une des langues les plus parlées au monde.
Pourquoi cette singularisation ?
Mais pourquoi insister sur ce point ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi en singularisant la langue arabe et donc, d’amalgame en amalgame, en pointant du doigt les musulmans du pays, dont on semble ainsi faire la source de nos principaux problèmes ? Pourquoi ne pas évoquer dans le même propos les autres langues parlées dans de nombreuses familles belges ? Si 18 % des Bruxellois connaissent l’arabe, 82 % ne le connaissent pas. Et quid du berbère, 9e langue la plus connue parmi les Bruxellois ? Et, tant qu’à faire, l’espagnol et le mandarin sont également de grandes langues internationales.
Singulariser ainsi, comme trop souvent, une langue ou une culture ou un groupe, n’est-ce pas souffler sur les braises de la division de notre société en communautés distinctes ? N’est-ce pas donner des arguments faciles à la droite extrême qui mise sur les peurs de la population face à l’étranger, singulièrement "l’arabe" ? N’est-ce pas donner du poids à ceux qui pensent que l’origine nationale et l’appartenance religieuse de la famille sont plus importantes que l’intégration citoyenne dans le pays où l’on vit ? N’est-ce pas occulter la réussite de ces nombreux jeunes dont l’appartenance musulmane va de pair avec de magnifiques réussites sociales et professionnelles? Réussites obtenues en contournant si c’est nécessaire les obstacles érigés par une société inéquitable.
Plus de propositions concrètes
Alors, oui, revoir la politique de l’apprentissage des langues à l’école, cela peut-être une bonne chose, mais pas en singularisant ni victimisant un groupe de population particulier.
Et, surtout, surtout, apporter dans le même temps des propositions pour que les parents des élèves allophones et les divers acteurs les influençant retrouvent leur rôle d’intégrateurs dans la société, afin que ces jeunes aient plus de chances pour leur avenir.