La garantie légale est au point mort (OPINION)
Publié le 27-02-2018 à 09h53 - Mis à jour le 27-02-2018 à 11h37
Une opinion de Julie Frère et Jean-Philippe Ducart. Respectivement porte-parole et Manager Public Affairs&Media Relations de Test-Achats.
Le vote sur la garantie légale organisé jeudi dernier au Parlement européen prévoit de protéger de la même façon l’acheteur en ligne ou en magasin. Mais cette garantie légale de deux ans existe ! Alors pourquoi nous présente-t-on cela comme une avancée ?
Suite au vote de jeudi dernier en Commission IMCO du Parlement européen sur la garantie légale, on a pu lire un peu partout dans la presse, et entendre dans la bouche de plusieurs parlementaires européens, que l’Europe aurait progressé en la matière. Qu’il s’agirait d’un vote positif pour les consommateurs.
Vraiment ? Du côté de Test-Achats, on est plus que dubitatifs face à cette victoire autoproclamée.
Nouveau, oui ?
Pour justifier cette “victoire”, on nous explique que le consommateur sera désormais protégé de la même façon, qu’il fasse ses achats en ligne ou en magasin. Que cela serait une bonne chose pour les consommateurs qui achètent de plus en plus sur des sites web étrangers, et qui craignent de ne pas être suffisamment protégés si le produit qu’ils reçoivent présente un défaut de conformité.
Mais une garantie légale de deux ans existe déjà pour ces deux types d’achat, comme pour les achats en magasin ! Pourquoi nous présente-t-on cela comme une avancée, alors ? Parce qu’en 2015, la Commission européenne avait proposé un régime d’harmonisation maximale pour l’achat de biens en ligne uniquement.
Par harmonisation maximale, on entend que les Etats membres sont tenus d’appliquer le niveau de protection prévu dans la réglementation européenne, sans pouvoir descendre en deçà de ce niveau mais également sans pouvoir aller au-delà.
Le projet de l’époque prévoyait de figer la garantie légale à deux ans, partout en Europe, mais seulement en cas d’achat de biens en ligne.
En d’autres termes, cela signifiait qu’un régime différent de garantie légale se serait appliqué en fonction de ce que l’on achète en ligne ou en magasin.
Non à deux régimes différents
Certains pays ont en effet décidé de prévoir une durée de garantie légale plus longue que deux ans. Il aurait donc été plus intéressant dans ce cas pour un consommateur d’acheter en magasin plutôt qu’en ligne où la garantie n’aurait été que de deux ans. Avec pour résultat une confusion dans le chef du consommateur, un marché plus fragmenté et un découragement de l’achat en ligne. Bref, le contraire de l’objectif poursuivi par la Commission.
Il nous semble évident que, ce qui compte, c’est le fait qu’un consommateur achète un bien de consommation auprès d’un professionnel, quelle que soit la voie qu’il choisisse pour l’acquérir. Ce projet prévoyant deux régimes de garantie parallèles et distincts a (heureusement) été abandonné.
Abandonné ? En réalité, il a été étendu. Le projet qui a été voté jeudi prévoit en effet une harmonisation maximale de la garantie, non seulement pour les achats en ligne, mais également pour ceux en magasin. On garde par conséquent une garantie légale uniforme. Mais qu’on ne vienne pas nous faire croire qu’il s’agit d’un progrès ! C’est le maintien d’un statu quo, qui a malheureusement été figé.
Autre prétendue “victoire” : on nous explique également qu’on fige la durée de la garantie légale à deux ans partout, mais que les pays qui ont prévu une durée de garantie légale plus longue pourront la maintenir. Et que cela aussi, cela serait une bonne nouvelle. Mais ce n’est pas le cas de la Belgique !
Exit donc les possibilités de prévoir des durées de garantie légale plus longues, par exemple pour certaines catégories de produits. Cela sera deux ans maximum, aussi bien pour un lave-linge que pour un rasoir électrique.
Enfin, on nous annonce que la période pendant laquelle le défaut de conformité est présumé exister, et pendant laquelle le consommateur ne doit donc rien prouver au vendeur, sera portée de 6 mois à 1 an. Mais le projet de 2015 prévoyait de porter cette durée de 6 mois à deux ans, comme c’est d’ailleurs le cas dans certains pays comme la France et le Portugal !
On a donc reculé par rapport à ce qui avait été initialement proposé. Alors oui, il s’agit d’une petite avancée pour la Belgique qui n’avait jamais étendu cette période. Mais il n’en reste pas moins que, pour disposer d’une réelle garantie légale de deux ans, et pas seulement d’une garantie théorique, la période pendant laquelle le consommateur ne doit pas prouver que le défaut préexistait à l’achat doit être de deux ans. Tout le monde sait à quel point il est impossible de répondre à un vendeur qui nous explique que le défaut du produit est dû à notre mauvaise utilisation et que, si l’on n’est pas d’accord, à nous de prouver le contraire !
Un vote incompréhensible
Aucune avancée donc, simplement le maintien d’un statu quo. On a effectivement empêché que les choses n’empirent mais on a également tout fait pour éviter qu’elles ne s’améliorent.
A l’heure de la lutte urgente contre l’obsolescence programmée, des discours des institutions européennes pour une économie plus verte et durable, ce vote est tout simplement incompréhensible. Il menace grandement le renforcement d’un des droits les plus fondamentaux des consommateurs.
Faut-il rappeler que plus de 7 000 consommateurs belges ont signalé leurs appareils qui sont tombés trop vite en panne sur le point de contact www.tropviteuse.be de Test- Achats ?
Il ne nous reste plus qu’à travailler dur pour que le Conseil ne suive pas la (mauvaise) voie empruntée par la Commission du Parlement. Et pour rapprocher un peu plus l’Europe des citoyens et des consommateurs…
Titre et chapeau sont de la rédaction. Titre original : “Non, l’Europe n’a pas avancé sur la garantie légale, et non, elle ne s’est pas rapprochée du consommateur !”