L’Europe est en train de perdre la guerre de l’assistant vocal

Contribution externe
L’Europe est en train de perdre la guerre de l’assistant vocal
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Une opinion de Jean Trzcinski, associate partner au bureau belge de Sia Partners (Consulting 4.0).

En l’absence de solutions propres, les sociétés européennes se retrouvent pieds et poings liés à des groupes américains. Il y a risque de rupture technologique dans l’un des plus grands chantiers d’avenir !
On connaît tous leurs petits noms : Alexa, Siri, Bixby, ou (moins subtil) Google Assistant. Les Gafa (les géants du web, Google, Apple, Facebook et Amazon) font la course en tête sur ce domaine en pleine croissance. L’Europe est loin à la traîne et son retard devient quasi irrattrapable.

En juillet dernier, la RTBF annonçait l’arrivée d’Alexa dans son environnement radio. Une nouvelle société belge quasi obligée de nouer un partenariat avec la puissante Amérique et ses GAFA omniprésentes.

Les marchés américains et asiatiques seraient les plus matures. Plus de la moitié de la population US utiliserait déjà quotidiennement ces assistants vocaux. En Europe, ce chiffre tombe à 20 %. Aujourd’hui, les assistants parlent donc surtout le cantonais, l’anglais et le coréen. Mais ne nous y trompons pas : cet engouement témoigne d’une accélération du déploiement des assistants vocaux au sein de la maison, y compris chez nous.

Le choix des consommateurs est aujourd’hui limité aux produits des Gafa sans que de grands industriels européens ne se positionnent sur ces sujets qui seront clefs dans la guerre commerciale de demain. Les critères différenciant (outre le prix où seul Apple semble se détacher vers le haut) seront basés sur la qualité de l’interface et les réponses fournies par l’intelligence artificielle (bien entendu, la frustration des utilisateurs peut augmenter très rapidement en cas de mauvaise compréhension ou de mauvaises réponses trop nombreuses) et, surtout, sur la capacité à nouer des partenariats pertinents !

Les services offerts doivent couvrir l’univers toujours plus nombreux des besoins des consommateurs : informations du quotidien, les multimédias (VOD, streaming de musique), le shopping, les réservations de moyens de transport ou de logements, mais également la domotique qui va mettre à mal les boxes de nos énergéticiens.

On le constate : pour s’imposer les assistants vocaux devront couvrir un large spectre de services mais le service qui semble se détacher est le shopping en ligne. Par conséquent, le produit d’Amazon et sa force logistique prennent les devants. Alexa est capable de convertir concrètement l’interaction avec l’humain car les désirs du consommateur se matérialisent quelques jours plus tard.

Obligation de partenariat

En l’absence de solutions qui leur sont propres, les sociétés européennes se retrouvent pieds et poings liés à s’associer avec les groupes américains si elles veulent offrir un service de ce type à leurs clients, donnant de facto à Amazon ou Google accès à un portefeuille d’informations commercialement intéressantes.

Pourtant, la multiplicité des langues (singulièrement en Belgique !) aurait pu/dû créer une barrière naturelle à des géants anglophones. Bien que les assistants virtuels existent déjà depuis quelque temps de l’autre côté de l’Atlantique, leur déploiement dans les langues européennes ne débute que maintenant.

L’accumulation de ces partenariats montre l’absence de réaction des sociétés européennes (de la distribution, de l’entertainment ou de l’industrie) et le risque encouru sur cette technologie qui va s’avérer l’une des plus importantes des dix prochaines années.

Cette rupture technologique va également entraîner une refonte des organisations et une automatisation accrue des métiers : les métiers en interaction directe avec les clients seront fortement impactés (information, réservation, commande, service après-vente…)

On peut également s’attendre à une révolution marketing liée à la marque car les produits ou services pertinents remontés au consommateur seront organisés par l’assistant lui-même. Du reste, Amazon ou Google ont démarré une verticalisation de leurs activités couvrant un spectre de plus en plus large de besoins des consommateurs. Ils ne s’arrêteront pas en si bon chemin et remettront en question leurs partenariats lorsque ceux-ci ne leur seront plus indispensables.

Derrière les Américains, les Chinois semblent se réveiller avec des géants tels qu’Alibaba et son assistant AliGenie ou encore Xiaomi… où sont les Européens ?

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