Gouvernement d'ouverture, de cohabitation ou de coalition : Félix Tshisekedi devra désigner un informateur
Publié le 31-03-2019 à 09h59 - Mis à jour le 31-03-2019 à 10h00
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Une opinion de Isidore Kwandja Ngembo, politologue et analyste des politiques publiques, ancien conseiller à la Direction d'Afrique centrale et occidentale du Ministère canadien des Affaires étrangères.
Deux mois depuis son investiture, le Président Tshisekedi tarde à former le gouvernement. D'aucuns commencent à se demander pourquoi la désignation d'un informateur prend autant de temps, alors que tout le monde sait bien qu'aucun parti n'a obtenu la majorité requise pour former seul le gouvernement.
L'article 78 de la Constitution est clair là-dessus, lorsque les résultats des élections législatives ne permettent pas de dégager une majorité claire, le Président de la République désigne un informateur pour identifier une majorité parlementaire en vue de la formation du gouvernement. C’est une procédure courante héritée de la tradition du système politique belge.
On se souviendra que, même au plus fort du régime de Joseph Kabila, qui avait le contrôle de toutes institutions de la République, il avait désigné Antoine Gizenga, en 2006, comme informateur, avant de le nommer ensuite comme premier ministre. En 2011 mêmement, il avait désigné Charles Mwando Simba comme informateur pour identifier une coalition majoritaire à l’Assemblée nationale.
Nommer un formateur du gouvernement
Il y a quelques jours, le Front commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila et le Cap pour le changement (CACH) de Félix Tshisekedi, avaient publié un communiqué conjoint dans lequel ils déclaraient vouloir former un gouvernement de coalition pour gouverner le pays durant les cinq prochaines années. Ils ont, par la même occasion, demandé à Félix Tshisekedi de nommer, non pas un informateur, mais un formateur du gouvernement.
Nous n'avons cessé de dire que le FCC et le CACH ne sont pas des regroupements politiques, mais bien des plateformes électorales constituées pour l’élection présidentielle. Ils ne sont donc pas des sujets de droit électoral pour prétendre détenir la majorité parlementaire.
Les alliés circonstanciels ne doivent pas induire Félix Tshisekedi en erreur. En effet, si le FCC croit détenir la majorité absolue, pourquoi est-il réticent à l'idée de désigner un informateur? Celui-ci ne pourra que constater cette évidence et cela prendrait moins de temps que prévu.
S'acquitter de ses obligations
Il est évident que, même s'il y a un compromis politique entre FCC et CACH, cela ne dispense en rien le Président de la République, garant de la Constitution, de s'acquitter de ses obligations de veiller au respect strict des procédures, conformément aux normes établies. Il sied de rappeler que le respect de la Constitution est primordial pour un État qui se veut démocratique.
D'ailleurs les citoyens lambda ne comprennent pas pourquoi le FCC, qui revendique la majorité absolue de 300 sur les 485 élus nationaux, veuille absolument s'associer avec le CACH pour former une coalition gouvernementale. Il y en a qui pensent que c'est un jeu à l'intrigue machiavélique de l'autorité morale du FCC, dont le régime autoritaire a été tant décrié, de vouloir s'allier à Félix Tshisekedi pour rebâtir la confiance des Congolais, afin de mieux rebondir en 2023.
Toutefois, dans des systèmes politiques comme celui de la RDC où l'on retrouve plusieurs partis politiques représentés au Parlement, on devrait s'habituer à voir de plus en plus des gouvernements constitués de différents partis politiques.
Mais à l'allure où vont les choses, la lune de miel de la coalition FCC-CACH risque d'être de courte durée, parce que les deux ne voient pas du tout les choses de la même façon. Le FCC est dans une logique de continuité, tandis que le CACH s'inscrit dans la logique du changement, tel que voulu par le peuple congolais qui ne cesse de rappeler à Félix Tshisekedi : "Papa avait dit, le peuple d'abord".
Pour une cohabitation harmonieuse
Félix Tshisekedi a été élu sur la base d'un programme politique essentiellement axé sur la justice sociale, la bonne gouvernance et la promotion des droits humains. En voulant s'allier au FCC dont la gestion a été sévèrement décrié par sa population, il accepte d'être comptable de tous les actes qui seront posés par le gouvernement dont il n’aurait certainement pas le plein contrôle.
Nous sommes de ceux qui pensent que Félix Tshisekedi ferait mieux d'opter pour une cohabitation harmonieuse, dans un esprit d'ouverture, de transparence et de reddition de comptes, et non pour une coalition gouvernementale. En effet, la cohabitation est une forme de coexistence institutionnelle, avec un Exécutif bicéphale partagé entre le Président de la République et le Chef du gouvernement issu de la majorité parlementaire antagoniste, dont la légitimité populaire repose sur des assises distinctes : élection présidentielle et élections législatives.
Peu importe le type de gouvernement qui sera mis en place, le souhait du peuple congolais est que le pays retrouve le chemin de la paix et de la stabilité politique pour relever les défis socio-économiques et améliorer les conditions de vie de la population. Les acteurs politiques doivent prendre conscience de leurs responsabilités et œuvrer ensemble sur des questions d'intérêt commun, dans un esprit de collaboration et de consensus.