Les cours massifs et ouverts à tous, dans la tourmente ?
L’acronyme "MOOC", utilisé pour les décrire, est mort. Ce n’est pas le cas des transformations dont ils sont révélateurs dans le secteur de l’éducation et de la formation.
Publié le 12-06-2019 à 17h30 - Mis à jour le 12-06-2019 à 17h45
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Une opinion de Dominique Verpoorten, responsable académique de E-campus, la cellule d'e-learning de l'ULiège.
L’acronyme "MOOC", utilisé pour les décrire, est mort. Ce n’est pas le cas des transformations dont ils sont révélateurs dans le secteur de l’éducation et de la formation.
Pour rappel, les MOOCs (Massive Open Online Courses) sont des cours gratuits proposés en ligne sur tous les sujets imaginables : de la littérature jeunesse au langage Python, de l’histologie à la science politique et des fondamentaux de la chimie à l’économie des couples.
11 000 cours
Depuis le temps où le "New York Times" titrait : "2012 : l’année des MOOCs", le nombre d’inscrits à ces "cours massifs ouverts à tous" a passé le cap des 100 millions. L’offre représente 11 000 cours proposés par près de 1000 universités. Malgré (ou à cause de) ce succès, le terme "MOOC" n’est-il pas dépassé ? À la conférence EMOOCs 2019 qui vient de s’achever à Naples, il est en tout cas apparu fragilisé. Les ténors de l’événement - Anant Agarwal, patron de edX, Simon Nelson, patron de Futurelearn et Dil Sidhu, responsable chez Coursera - l’ont employé avec parcimonie, préférant axer leurs discours sur la numérisation de l’éducation au sens large et présenter leurs entreprises moins comme des hébergeurs de MOOCs que comme des plates-formes éducatives sophistiquées, agissant à l’échelle mondiale pour réinventer la relation entre apprenants, opérateurs de formation (dont les universités) et marché du travail. Que s’est-il donc passé ?
Rivrements
Les attestions de réussites MOOCs certifiées (dont le prix s’élève à 50 $) ont généré des revenus insuffisants, en dépit de la croissance exponentielle des inscriptions. Dans un mouvement non concerté mais remarquablement convergent, les plates-formes ont mué pour survivre. Alors qu’à l’origine les MOOCs portaient l’utopie d’un accès gratuit de tous à l’enseignement supérieur, des limitations sont apparues ici et là : payer pour s’inscrire à un cours, bénéficier d’un accès permanent à son contenu ou en passer l’examen final. Certes, les CEO déclarent la main sur le cœur que ces barrières demeurent modestes et qu’ils restent attachés à l’idéal de gratuité. Les contenus gratuits n’en sont pas moins convertis subrepticement en produits d’appel pour du payant. Cette monétisation rampante (from free to fee) prend la forme de "MicroMasters" ou de "Specializations" : quelques MOOCs agrégés en un "mini-programme" d’étude cohérent, réclamant un travail intensif et donnant lieu, en cas de réussite, à une forme de diplomation en mode mineur, pour quelques centaines de dollars. Le continuum ne s’arrête pas là puisque les micro-masters peuvent désormais être conçus comme les pièces détachées d’un diplôme universitaire en bonne et due forme. Coursera affiche 14 et edX 15 Masters complets en ligne patronnés par des universités prestigieuses pour un prix extrêmement compétitif comparé aux minervals américains.
Tout petit
Ainsi s’opère un fondu-enchaîné des cours massifs dans une problématique qui les domine : la création d’une offre inédite de formations flexibles, modulaires, cumulatives, just-in-time. C’est du lourd, à côté duquel le vilain acronyme "MOOC" apparaît aujourd’hui tout petit. Il rétrécit encore lorsqu’on apprend, voici un mois, que le site de recherche d’emploi Seek (190 millions de CV et 900 000 employeurs) a acquis 50 % des parts de FutureLearn et une participation minoritaire dans Coursera, au titre que ces deux acteurs ont démontré leur savoir-faire pour connecter des millions d’apprenants à des centaines d’universités. Via ses nouveaux partenaires, Seek prend pied directement dans une formation initiale et continue qui se profile comme l’élément déterminant de la mobilité professionnelle, qu’elle concerne des travailleurs tenus de rester à la page, menacés par l’automatisation ou nécessaires par exemple à l’instruction des 14 millions de nouveaux étudiants qui se présenteront chaque année jusque 2030 ! Le coup d’accélérateur porté par les MOOCs au train (-train) de l’éducation met les universités à la croisée des chemins. Les vénérables institutions se découvrent soudain bien plus riches de leurs savoirs et de leurs pédagogies qu’elles ne l’imaginaient, à condition cependant qu’elles soient désireuses de se renouveler pour rester pertinentes.