Pourquoi il faut se préparer aux métiers numériques de demain

Contribution externe
Pourquoi il faut se préparer aux métiers numériques de demain
©Philippe Joisson

Si nous ne faisons rien pour que ces emplois soient correctement desservis, les conséquences seront dramatiques pour l’économie belge. Il faut s’y préparer, notamment en créant de meilleures structures de formation continue. Une opinion de Pascale Van Damme, Vice-présidente et directrice générale de Dell Technologies Belux et présidente du comité ICT d’Agoria.

La qualité de notre enseignement est au cœur des discussions depuis des semaines. À mes yeux, ce thème doit occuper une place centrale dans les futurs débats politiques. Dans la mesure où les compétences numériques seront un important critère de réussite sur le marché du travail, l’enseignement doit aussi y jouer un rôle. Je constate qu’actuellement, les entreprises sont encore obligées de remédier aux carences numériques des jeunes diplômés. Autre défi : la nécessité croissante de former les collaborateurs aux nouveaux métiers numériques. La technologie et la numérisation sont souvent pointées du doigt comme origines de ces bouleversements. Toutefois, si nous utilisons à bon escient la technologie afin de jeter des ponts entre enseignement, pouvoirs publics, entreprises et individus, elle devient davantage la solution que la cause.

Faire les bons choix

Des sociétés telles qu’Amazon nous le prouvent sans cesse : “Ce n’est pas la technologie la source de disparition d’emplois. Elle nous permet de faire des choses qui étaient jusque-là impossibles. Les emplois disparaissent surtout en raison des décisions à court terme des entreprises qui n’ont recours à la technologie que pour réduire les coûts et gonfler les bénéfices.” La numérisation est souvent présentée comme une arme à double tranchant qui met le marché du travail sous pression tout en nous offrant des opportunités sans précédent. Si nous voulons réellement exploiter ces opportunités, il est temps de passer à l’action.

Dans le cadre de son étude “Be the Change”, Agoria a traduit en chiffres les conséquences qu’aurait l’immobilisme. À savoir : plus de 584 000 postes vacants à l’horizon 2030 et des emplois ne trouvant pas preneur dans le secteur des soins de santé, de l’IT et de l’enseignement. Nous courons le risque que la population active ne soit plus en mesure d’assumer les nouveaux métiers. N’oublions pas que, pour chaque emploi qui disparaîtra en raison de la numérisation, 3,7 nouveaux seront créés. Si nous faisons en sorte que ces emplois soient correctement desservis, l’économie belge en récoltera les fruits. Parmi les défis qui nous attendent : la formation continue. Le fait est que d’importants obstacles subsistent, comme trouver et aménager le temps et les moyens nécessaires aux reconversions. Quiconque veut allier apprentissage, famille et métier doit tout d’abord mettre de l’ordre dans son planning. Il revient aux pouvoirs publics d’accélérer leurs projets visant à créer de meilleures structures de formation continue. Les enjeux sont énormes en cas d’échec. Non seulement les annonces de licenciements collectifs se succéderont à un rythme soutenu mais l’indispensable diversité sur le lieu de travail en pâtira également.

À l’heure actuelle, les entreprises tirent encore insuffisamment parti de toutes les compétences que possèdent leurs collaborateurs. Cela vaut également pour les compétences numériques et soft (NdlR: compétences comportementales) qui gagneront encore en importance à l’ère du numérique. Parmi elles, citons un sens critique, une approche en mode résolution de problème, des compétences en communication, de l’adaptabilité, de la créativité et la prise de responsabilité. Il faut cultiver la diversité. Nous avons besoin d’un skill set (NdlR : un ensemble de compétences) varié que les entreprises se doivent d’alimenter et de développer.

Apprendre autrement

Les réponses ne doivent pas uniquement venir de l’enseignement. Nous devons construire un écosystème solide impliquant enseignement, pouvoirs publics, entreprises et individus. Du côté des entreprises, le défi consiste à mettre en œuvre une politique forte en matière de blended learning (NdlR : apprentissage mixte). Cinq générations se côtoient aujourd’hui dans le monde du travail ; il n’y a donc pas qu’une seule réponse pour résoudre les défis de la formation continue. Une chose est sûre : la technologie peut faire la différence. Il s’agit d’exploiter davantage les potentiels de l’apprentissage en ligne et virtuel (à l’aide de l’intelligence artificielle et du gaming), en plus des modes traditionnels d’apprentissage collectif. Ils procurent la souplesse nécessaire permettant aux individus de se former où et quand ils le désirent.

Dans le cadre de l’étude “Be the Change”, Agoria a calculé que si nous ne parvenons pas à assurer la reconversion des chercheurs d’emploi et des personnes actives, les pertes d’emplois, à l’horizon 2030, risquent de représenter 35 milliards d’euros, en termes de PIB.

À ère nouvelle, nouveaux modèles

Fini le traditionnel parcours linéaire études – vie professionnelle – pension. Toutefois, les nouveaux modèles, où les périodes d’apprentissage et de travail se succèdent, éprouvent des difficultés à s’implanter. Ni les entreprises, ni les pouvoirs publics ne sont préparés à accueillir des collaborateurs qui travaillent au gré de périodes aléatoires. Il n’y a pas de réponse claire à cette situation mais si nous voulons progresser, il faudra prendre des mesures et évaluer la manière dont la technologie peut permettre d’en faire davantage que par le passé. Si l’on met la technologie à contribution de manière optimale afin d’accroître la productivité des collaborateurs, elle sera à même de réduire les besoins en nouveaux jobs. Selon l’étude Be the Change, une augmentation sensible de la productivité par le biais de l’automatisation et de la numérisation peut permettre de réduire de 208 000 unités l’accroissement de la demande d’emplois supplémentaires à l’horizon 2030.

Une enquête récente de Jump, initiative belge dédiée à l’égalité des genres, indique que 95 % des femmes actives sont conscientes qu’elles doivent développer leurs compétences numériques, 85 % se disent prêtes à le faire mais la moitié se sent entravée par un manque de temps et de soutien de leur entreprise. Seules 8 % disent recevoir le soutien nécessaire dans leur société. Cette enquête se limite aux femmes mais elle n’en indique pas moins une tendance éloquente.

À l’heure de la guerre des talents, chaque entreprise devra mettre ses atouts sur la table afin de faire valoir son attractivité en tant qu’employeur. L’accès à l’apprentissage est un de ces atouts. Il peut être accéléré grâce à la technologie, selon une démarche sur mesure correspondant aux besoins de chaque individu. La technologie est le catalyseur qui permettra d’en faire davantage que par le passé et d’accélérer l’avènement de la formation continue dans l’environnement de travail.

Titre et chapô sont de la rédaction. Titre original : “Qu’arrivera-t-il si nous ne nous préparons pas, dès aujourd’hui, aux nouveaux métiers numériques de demain ?”

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