Nathalie Maleux : “Je suis une fille des champs, j’ai besoin de mes arbres”
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Publié le 14-07-2019 à 08h00 - Mis à jour le 26-07-2019 à 15h20
Cet été, chaque samedi, nous vous proposons une série de portraits de huit femmes. Femme sportive, femme artiste, femme de média, femme politique, femme engagée dans la société civile. Cette semaine, Nathalie Maleux, journaliste, présentatrice du JT de 13 heures et des soirées électorales avec François De Brigode.
Nous sommes le mardi le 11 juin. Nathalie Maleux présente le Journal télévisé de 13 heures, à la RTBF. Avec rigueur et précision. Comme à son habitude. Les téléspectateurs ont appris à aimer ses JT depuis qu’elle a été titularisée à ce poste. Il y a de la bienveillance dans son regard. Elle fuit la condescendance, ne déteste pas l’impertinence. Quand elle reçoit des invités politiques, ses questions sont toujours écrites au cordeau, incisives. Elle prépare activement ses rencontres, interroge les amis et les adversaires de ses invités, visionne les entretiens passés, lit et relit les portraits déjà rédigés. Face à eux, elle n’a pas froid aux yeux. Ils ne répondent pas ? Elles les relance, fait mine d’abandonner, revient à l’interrogation à laquelle elle n’a pas eu de réponse satisfaisante. On la remballe : et vous qu’en pensez-vous ? Le piège est connu des professionnels de l’interview. Elle veut sa réponse. Pas pour elle. Mais pour les gens.
“C’est pour eux que je travaille, pour eux que je pose des questions. Je reste guidée par l’intérêt du téléspectateur. Un invité ne vient pas pour se vendre, pour vendre un produit ou sa politique. Il vient parce que le téléspectateur, à travers moi, a des choses à lui demander. Le citoyen qui regarde le Journal télévisé veut des réponses. Je suis là pour obtenir les réponses qu’il attend.” Sensible, émouvant mais sans pathos
Ce mardi 11 juin, ce n’est pas un sujet politique qu’elle doit lancer. Mais une belle histoire au cœur d’un reportage de France 2 diffusé à l’occasion des 75 ans du Débarquement. Parties à la rencontre d’un vétéran américain, K.T. Robbins, les équipes de la chaîne ont découvert son amour de jeunesse, une Française qu’il n’avait plus revue depuis 1944. Grâce à la photo précieusement conservée par le soldat américain et à son nom, la journaliste Maryse Burgot a réussi à retrouver la jeune femme. Aujourd’hui âgée de 92 ans, Jeanine Ganaye vit dans une maison de repos en Moselle. France 2 a filmé les retrouvailles des anciens amants.
Quand elle reprend l’antenne, Nathalie Maleux éprouve beaucoup de mal à retenir son émotion. Elle réussit à dire “Et voilà pour ce superbe moment”. Elle tente de lancer le sujet suivant. Les larmes l’en empêchent. La transition est difficile. Le reportage suivant parle de la manifestation du personnel infirmier… Elle dit deux mots. Les larmes reviennent. Elle incline la tête. Et parvient à reprendre le fil de son journal. Un joli moment de télévision. Sensible, émouvant mais sans pathos.
Il faut du cran pour rebondir après une telle émotion. Il faut surtout faire preuve d’un grand professionnalisme. Une qualité que Nathalie Maleux affiche et ce, depuis ses débuts.
Une petite fille calme, sage
Retour sur les terres de son enfance. Celles qu’elle n’a jamais pu quitter. “Je suis une fille des champs bien plus qu’un rat des villes. Je suis attachée à la nature qui m’entoure, ma nature, aux grands arbres, à ce ciel bleu. J’en ai besoin. Quand je dois passer quelques jours à Bruxelles, j’étouffe un peu.” Elle est née à Waremme et a vécu toute son enfance dans cette belle Hesbaye profonde, dans ce village qui fleure bon les moissons et les éteules dorées : Fexhe-le-Haut-Clocher. Un papa ouvrier puis employé à Cockerill. Une maman infirmière qui faisait des gardes. Une enfance heureuse avec son frère, plus jeune : “J’étais une petite fille sage, calme, sans heurt ni malheur”. La petite Nathalie a du caractère, elle est cheftaine louveteaux très jeune, à 14 ans. Cela forme son groupe d’amis à l’adolescence.
Petite, elle voulait être trapéziste. Puis vétérinaire parce qu’elle vivait entourée d’animaux. Adolescente, ses envies s’affinent. Professeur de français ou journaliste ? Ses professeurs connaissent son tempérament : ils lui conseillent le journalisme, plus créatif. Elle aime aussi les exercices oraux, réciter des textes. Va pour le journalisme. Études à l’ULB où très vite elle anime les matinales de Radio campus. Une expérience utile qui lui permet d’affiner ses textes, de poser sa voix. Diplôme en poche, elle fait quelques piges à la RTBF Liège, puis à Radio Contact à Malmedy. Elle revient ensuite sur les bords de Meuse pour présenter Liège matin où elle réalise aussi de nombreux reportages de terrain. À l’époque, on encourage les journalistes à toucher aux deux médias, radio et télévision : “J’ai goûté au pouvoir de l’image. Pas la mienne, mais celle qu’on va pêcher et qui donne de la force au contenu.” Elle choisit la télévision et est remarquée par le rédacteur en chef de l’époque, Michel Konen, grand découvreur de talents, lors d’un reportage en direct sur la catastrophe de Stavelot. Il lui propose de rejoindre la rédaction bruxelloise et de présenter des JT soir. Elle devient rapidement le “joker” des présentateurs de l’époque dont Fabienne Vande Meerssche. Quand l’autre présentatrice, Anne Delvaux, choisit de s’investir en politique, Nathalie Maleux est titularisée au Journal télévisé.
Son modèle de présentateur en Belgique ? Nathalie Maleux cite d’emblée Françoise Van De Moortel, une grande dame du JT, trop tôt emportée par un cancer. Elle était une forme de rigueur incarnée, claire et précise. “J’aime aussi le côté naturel d’Elise Lucet. Je ne dis pas que je veux faire comme elle, mais j’apprécie son travail. Pour moi, un bon présentateur est celui, celle, qui arrive à mettre en évidence le travail des journalistes de terrain et à donner envie aux téléspectateurs de voir ce travail pour mieux comprendre l’actualité.” Tout est dit.
Passer les plats, cela reste un art
Mais le travail de présentateur n’est-il pas un peu frustrant, se limite-t-il au rôle de passeur de plats ? Elle corrige : “Passer les plats, cela reste un art, je ne considère pas cela comme négatif. Le plat, vous devez l’agrémenter pour qu’il plaise. Il faut y mettre sa touche. Je mets beaucoup de soin à rédiger les textes de présentation. Chacun les rédige avec sa personnalité, son ton. Un présentateur n’est pas l’autre. Prendre le téléspectateur par la main, c’est aussi un vrai travail”.
Reste peut-être une frustration : le manque de travail de terrain. Nathalie Maleux a dû le laisser tomber. Mais elle assure désormais la présentation des soirées électorales. Quand elle en parle, avec cet engouement joyeux, on devine l’adrénaline qui rend l’exercice passionnant. Avec François De Brigode, elle forme un duo percutant. Pas de rivalité entre eux, juste une saine complicité. Elle le retrouve aussi, désormais, lors des Jeudi en prime : un rendez-vous qui met sur la sellette des invités politiques. Apprécié autant que redouté. “Entre le Journal de 13 heures que je présente et celui de François à 19 heures 30, il y a une vraie continuité. Nous avons, lui et moi, la même vision de l’information, c’est la force de notre tandem. Mais le JT, ce ne sont pas que les présentateurs. C’est un vrai travail d’équipe, avec les éditeurs et l’ensemble des personnes qui le réalisent.”
À 200 km/h à Francorchamps
Bien installée dans son 13 heures, va-t-elle y rester ? “Je n’ai pas de plan de carrière. Je me suis chaque fois laissée guider. J’ai eu des propositions qui m’ont ouvert d’autres horizons. Mais quand j’occupe un poste, je m’y investis totalement.” Sa force, c’est peut-être aussi de rester les pieds sur terre et de ne pas “avoir la grosse tête”. “
En Belgique, les présentateurs de JT ne sont pas des stars. Un jour, dans une grande surface, une adolescente m’a lancé : mais vous faites vos courses… ! C’était très mignon. Nous présentons un JT pour les gens de la Fédération Wallonie Bruxelles. Nous ne sommes pas, comme en France, face à des millions de téléspectateurs. Nous travaillons avec des salaires d’agents de la Fédération. Il n’y a pas de star-system et c’est très sain, très bien ainsi. Le côté strass et paillettes, paparazzi, nous sommes épargnés de tout cela".
Si notoriété il y a, c’est au service de bonnes causes qu’elle utilise. Il y a quelques années, elle a passé son brevet de pilote pour participer, au profit de Cap 48, aux 25 heures de la Fun Cup à Francorchamps. “Gamine, je suivais les courses automobiles avec mon père. La vitesse, j’adorais cela. Piloter une voiture à 200 à l’heure sur un circuit, j’ai trouvé cela très amusant. Mais avec les années, je suis devenue moins franche et j’ai plus peur de la vitesse.”
La politique? Non. Au niveau communal ? Pourquoi pas
Beaucoup de journalistes se sont laissés tenter par la politique. Envie de passer de l’autre côté du miroir ? “Je trouve tellement intéressant d’analyser, de décrypter le jeu politique que je n’ai pas envie d’intégrer ce monde-là.” Jamais au grand jamais ? Elle nuance, quand même : “J’ai toujours dit que je ne le ferais pas. Mais je trouve très intéressant l’investissement au niveau de la politique locale, là où il y a action-réaction, contact direct avec les gens. À nouveau, cela n’est pas mon plan de carrière. Mais je ne peux l’exclure à 100 %”.