Cinq minutes de courage politique devraient suffire à régler l'affaire Emir Kir
Cinq minutes de courage politique devraient suffire au PS pour régler le cas Kir. L'ami des ultra-nationalistes turcs ne sera sans doute pas exclu du parti. Il pourrait cependant être mis sous tutelle par le PS bruxellois.
Publié le 16-01-2020 à 11h34 - Mis à jour le 17-01-2020 à 22h27
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Une opinion de Claude Demelenne, essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche.
Cinq minutes de courage politique devraient suffire au PS pour régler le cas Kir. L'ami des ultra-nationalistes turcs ne sera sans doute pas exclu du parti. Il pourrait cependant être mis sous tutelle par le PS bruxellois.
Le président du parlement bruxellois, Rachid Madrane, a donné le ton. Il a affiché sa "solidarité" avec Emir Kir. Tragique erreur. La pression est ainsi mise sur la commission de vigilance du PS. Faute d'unanimité – ni peut-être de majorité - dans le parti à Bruxelles, pour l'exclusion d'Emir Kir, l'affaire semble entendue. Une sanction "a minima" est probable. Vu la gravité des faits, ce scénario soft est pourtant difficilement tenable. Faute de courage politique suffisant pour écarter Kir, une autre voie doit être explorée. A situation exceptionnelle, une mesure exceptionnelle de mise à l'épreuve d'Emir Kir s'impose.
En toute logique, le député-bourgmestre de Saint-Josse devrait être exclu du PS. Son copinage prolongé avec des élus turcs d'extrême droite met en cause la crédibilité globale du PS. C'est son ADN – la lutte contre l'extrême droite - qui est piétiné, et pas seulement à cause de la réception officielle, à la maison communale de Saint-Josse, le 4 décembre dernier, d'une délégation de maires turcs, dont deux font partie d'une formation d'extrême droite. Il y a plus grave : c'est depuis 2015, au moins, qu'Emir Kir copine avec des ultra-nationalistes turcs, notamment à l'occasion de ses fréquents voyages en Turquie.
Le mea culpa de Kir : une mascarade
Le mea culpa d'Emir Kir, ce 14 janvier, est une mascarade. L'homme fort de Saint-Josse concède une simple "erreur d'appréciation". On croit rêver. Si la commission de vigilance et la direction du PS se contentent de ce mea culpa du bout des lèvres, elles perdent la face. D'autant plus qu'Emir Kir n'évoque à aucun moment, dans sa mise au point, ses fréquentations douteuses lorsqu'il se rend en Turquie.
On sent bien que bon nombre d'élus socialistes bruxellois ont envie de jouer l'autruche. Et de tourner rapidement la page. Emir a commis une faute, on lui tapotera gentiment les doigts. Il sera peut-être même privé de dessert pendant quelques jours. Et puis... the show must go on.
Les socialistes wallons au bord de la crise de nerfs
Le scenario soft tient la corde. A tout le moins, à Bruxelles. Car les socialistes wallons, eux, sont ulcérés. Ils ne comprennent pas la mansuétude de leurs camarades bruxellois à l'égard du trublion de Saint-Josse. Ils connaissent bien sûr l'arithmétique électorale. Ils n'ignorent pas que si Kir est exclu, entraînant peut-être le départ d'un ou deux autres parlementaires socialistes d'origine turque, le PS perd sa place de premier parti à Bruxelles. Faut-il pour autant se satisfaire des fausses "excuses" d'Emir Kir ? La plupart des socialistes wallons ne le pensent pas. Ils le pensent d'autant moins que leurs militants et électeurs n'arrêtent pas de les interpeller, depuis le début de l'affaire Kir. La tonalité de leurs interpellations, sur les marchés, dans les réunions de sections, est sans équivoque et peut se résumer en une question : "Nos camarades bruxellois sont-ils tombés sur la tête pour conserver leur confiance à une personnalité aussi borderline qu'Emir Kir ?".
Emir Kir mis sous tutelle ?
La pression des socialistes wallons ne suffira sans doute pas pour écarter Emir Kir. Mais elle pourrait remettre en question le scénario soft d'un simple blâme ou d'un rappel à l'ordre poli. La piste la plus crédible est celle d'une mise sous tutelle d'Emir Kir jusqu'à la fin de la législature, par le PS bruxellois. La direction de celui-ci se chargerait de vérifier régulièrement le respect par Emir Kir de la feuille de route stricte qui lui sera imposée, excluant notamment tout contact avec certains milieux nationalistes turcs peu en phase – c'est le moins qu'on puisse dire – avec l'idéal socialiste.
Paul Magnette en brûle d'envie
La mise sous tutelle d'un élu n'est pas formellement prévue par les statuts du PS ? Certes, mais à situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. A défaut d'exclusion, une mesure forte s'impose. Mais l'exclusion est-elle, à ce stade, inenvisageable ? Probablement, sauf si Paul Magnette décidait de frapper un grand coup. Avec l'exclusion d'Emir Kir, le successeur d'Elio Di Rupo poserait un acte fondateur de sa présidence : après la mise au pas des "parvenus" (Moreau & Co), la mise à l'écart de ceux qui, comme Kir, se soucient peu de l'éthique socialiste. Jouable ? Douteux, car en se séparant de Kir, le président du PS – qui en brûle d'envie – se mettrait à dos une bonne partie du PS bruxellois. Inconfortable, voire suicidaire, dans un contexte politique par ailleurs chaotique.
Logiquement, cinq minutes de courage politique devraient suffire pour régler le cas Kir. Le poids électoral du député-bourgmestre de Saint-Josse et la complaisance d'une partie du PS bruxellois, ont brouillé les cartes. Il ne sera pas simple, pour le PS, de sortir par le haut de cette lamentable affaire Kir.