Un mauvais conte budgétaire qui explique l'impasse gouvernementale...
Publié le 16-01-2020 à 10h08 - Mis à jour le 16-01-2020 à 10h12
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Il était une fois un loup édenté qui fut accusé d’avoir égorgé l’agneau et que son égo de loup interdit de se défendre. Une chronique d'Etienne de Callataÿ (1). Ce conte, vous ne l’avez ni lu, ni entendu, mais vous l’avez vécu et le vivez encore ! Car, en effet, ces quelques mots résument le débat politique actuel en Belgique. Expliquons-nous.
L’opposition reproche à la coalition sortante d’avoir déchiqueté le tissu social belge comme aucun gouvernement auparavant, et d’avoir mené une politique dogmatique d’austérité budgétaire. Mais est-ce que la réalité correspond à ce narratif ? Il y a de quoi en douter.
En 2014, la coalition mise en place tranchait spectaculairement par rapport à ce que le pays avait connu pendant un quart de siècle, laissant augurer une inflexion significative dans la conduite des affaires socio-économiques du pays, et cela "vers la droite". Or, ce que le Belge ordinaire semble avoir ressenti, et en particulier en Flandre, c’est nettement moins le changement que… l’absence de changement ! C’est ainsi que l’on peut d’ailleurs décrypter la sanction électorale infligée aux gouvernants sortants. Si la gauche tire à boulets rouges sur des changements que l’opinion n’a pas largement ressentis, l’erreur de communication politique se dédouble en ce que la droite ne peut pas contester l’accusation, sous peine d’admettre son échec à réformer. Il y a bien sûr l’une ou l’autre voix dissonante. Ainsi en est-il de celle d’Herman De Bode, qui a été le chef de cabinet du chef de file de la N-VA dans ce gouvernement, avouant ne RIEN pouvoir citer comme exemple de changements en profondeur réalisés au cours de la législature écoulée ("Wat heeft de N-VA tijdens de vorige legislatuur ten gronde veranderd ? Ik kan niets opnoemen", De Standaard, 21 décembre 2019).
Malentendu
Des réformes structurelles, passons à l’orientation de la politique budgétaire. Ici aussi, il y a un énorme malentendu. Les partis de gauche appellent à mettre un terme à une politique d’austérité qui a gravement nui à l’économie… alors que le gouvernement de droite sortant a fait tout sauf mener une politique d’austérité. De manière agrégée, le solde budgétaire hors charges d’intérêt et corrigé pour l’influence à la fois de la conjoncture et de facteurs non récurrents est passé de 0,5 % en 2013 et 0,4 % en 2014 à… 0,5 % en 2019 (source : FMI, Fiscal Monitor, octobre 2019 tableau A4). Voilà qui est donc une austérité qui n’en est pas une ! Ceci ne veut évidemment pas dire qu’aucune mesure restrictive n’a été adoptée au cours des années 2014-2019 mais, globalement, et notamment en raison de réformes fiscales mal ciblées, au financement farfelu et de la hausse du montant moyen des pensions, le gouvernement Michel n’a de facto pas serré la vis budgétaire. Ici aussi, donc, la gauche critique le gouvernement de droite pour ce qu’il n’a pas fait… mais ce dernier ne s’en défend pas car il devrait avouer un bilan budgétaire médiocre aux yeux de ses électeurs !
Au total, nous sommes confrontés à un triste jeu de rôle, où les partis de droite doivent assumer des critiques inappropriées venant de partis de gauche sous peine de se décrédibiliser. Cela pose deux graves problèmes. Le premier est que cela mine la qualité du débat politique. Le second est que cela rend la formation d’une nouvelle coalition particulièrement difficile. L’opinion s’entend dire que les efforts de réforme et de budget ont été faits… mais ils restent à faire. Quel est le parti qui va se presser au portillon s’il s’agit de devoir mener une politique structurelle et budgétaire antipathique, qui, de plus, prendra l’électeur à froid ? Le mauvais conte budgétaire alimente les mauvais comptes budgétaires.
(1) Université de Namur - etienne.decallatay@orcadia.eu
Le titre et intertitre sont de la rédaction. Titre original : "Le mauvais conte budgétaire".