Autisme et champs électromagnétiques, y-a-t'il un lien ?
Publié le 18-01-2020 à 14h18 - Mis à jour le 18-01-2020 à 14h21
Une opinion de Jacques Lintermans, docteur en sciences et de Jean-Emile Vanderheyden, neurologue (1).
L’autisme est décrit comme un trouble du développement caractérisé par des difficultés de l’apprentissage social et de la communication avec des comportements stéréotypés et répétitifs.
Mal dépisté et longtemps peu connu des professions médicales, l’autisme fut d’abord classé dans le domaine des déséquilibres mentaux relevant d’une thérapie psychanalytique.
Actuellement son origine est attribuée en partie à une anomalie structurelle du cerveau (2), avec une part de prédisposition génétique (3).
Jusqu’à 10-20 ans d’ici, 1 enfant sur 160 dans le monde présentait un trouble du spectre de l’autisme, les garçons étant quatre fois plus nombreux que les filles à en être affectés (4). Cependant, cette prévalence est en augmentation surtout dans nos pays industrialisés, atteignant environ 1% de la population : 1/150 en France, 1/70 aux USA voire 1/40 en Corée…
Cette augmentation considérable de la prévalence de l’autisme, observée singulièrement au cour de la dernière décennie (5), ne s’explique pas uniquement par les progrès de son diagnostic, ni en raison de facteurs génétiques, mais semble bien en relation avec des effets délétères de facteurs environnementaux (1,6). De nombreuses hypothèses étiologiques sont actuellement étudiées : il faut donc envisager d’abord des facteurs récents de causalité environnementale, liés à l’évolution de la technologie moderne, comme la large exposition de la population aux champs électromagnétiques (CEM), notamment ceux de radiofréquence, mais aussi à un large éventail de produits chimiques, incluant spécialement les perturbateurs endocriniens ou neuronaux. L’exposition de l’enfant peut, selon le mode de vie maternel, avoir lieu in utero – comme dans les cas d’infection virale ou de toxiques passant la barrière placentaire - ou de manière post-natale. D’autres facteurs de risque sont également évoqués comme un microbiote maternel spécifique transmis par les voies génitales à l’accouchement, sauf bien entendu en cas de naissance par césarienne.
Autisme et champs électromagnétiques
L’accroissement de prévalence de l’autisme a été comparé avec l’accroissement gigantesque du nombre et de l’intensité des sources d’émission des champs électromagnétiques (CEM) auxquels la population est massivement exposée.
Existe-t-il un lien de cause à effet entre CEM et autisme ?
Les CEM exercent sur certaines fonctions organiques des effets qui sont objectivement démontrés, à savoir un affaiblissement du système immunitaire (7), une ouverture des barrières placentaire (8) et hémato-encéphalique (9), un dysfonctionnement des canaux calciques au niveau de la paroi cellulaire (10).
On peut admettre que les causes de l’autisme chez un sujet sont premièrement à rechercher au moment de sa vie prénatale.
La maintenance d’un gradient physiologique d’oxygène entre la circulation utérine et fœtale est essentielle pour les fonctions placentaires. Au niveau cellulaire, les microondes peuvent altérer la fonction mitochondriale avec production excessive des espèces actives de l’oxygène (11). Il se crée alors un stress oxydatif pathophysiologique (12). Le manque d’apport adéquat d’oxygène au fœtus causera un retard de croissance intra-utérin, ultérieurement suivi de troubles neuro-développementaux (13) dont l’autisme pourrait être une des conséquences.
Du degré de proximité entre une femme enceinte et un système émetteur de microondes dépendra une exposition plus ou moins intense du fœtus aux CEM, favorisée par l’ouverture de la barrière placentaire sous l’effet de cette irradiation. Une telle situation se produisant de manière répétitive au cours du premier trimestre de la grossesse et donc au stade précoce de développement du fœtus, peut conduire à l’autisme par aberration épigénétique (14,15), c'est-à-dire par une altération du mécanisme naturel régulant les réactions biochimiques qui modifient les gènes en fonction de leur activité, sans changement de la séquence nucléotique de l’ADN.
Une autre cause pouvant conduire à l’autisme au cours du développement in- utero est l’infection virale (16). L’origine virale de l’autisme a été prouvée sur modèle animal (17) et observée cliniquement, notamment dans les cas de rubéole et de contamination par cytomégalovirus (18) chez la mère pendant la période de gestation. Les CEM peuvent aggraver les effets des infections chez la femme enceinte d’une part en affaiblissant son système immunitaire, et d’autre part en provoquant l’ouverture de la barrière placentaire.
Le problème, cependant, ne se limite pas à une agression intra-utérine.
Il a été observé que, de plus en plus, des enfants en bas-âge, considérés d’abord comme normaux, présentaient un profil de développement régressif, associé à un syndrome autistique.
Il est fortement suspecté que dès la naissance et pendant la prime enfance, une exposition d’un sujet aux CEM peut causer l’autisme en créant une ouverture des canaux calciques des parois cellulaires, provoquant un afflux excessif d’ions calcium dans les neurones et perturbant le mécanisme de formation des synapses (19-20).
Une hypothèse étiologique de l’autisme qui mérite une attention particulière est la stimulation non-allergique des mastocytes dans le système nerveux central, engendrant une libération de substances inflammatoires (21). Ce mécanisme parait plausible puisque sous l’action des CEM une telle stimulation est observée au niveau des mastocytes cutanés (5). Chez les enfants, il serait favorisé par la petite dimension anatomique du crâne, qu’il est facile aux microondes de traverser en se diffusant dans la matière cérébrale.
Une contamination par le mercure compte parmi les facteurs responsables de l’autisme. Lorsque cette contamination est avérée, il a été montré qu’une détoxification est facilitée par une réduction concomitante des CEM composant l’environnement du malade (22). C’est, dans ce cas, une preuve directe du rôle délétère des CEM dans la pathologie de l’autisme.
Il en résulte que la proximité d’émetteurs d’ondes comme tablette, téléphone portable, Wifi, DECT serait à proscrire chez les femmes enceintes et que, quelles que soient les sources d’irradiation des CEM, la meilleure façon d’éviter leurs effets sur les enfants est d’en limiter le type, le nombre et l’intensité.
Conclusions
D’autres études de confirmation sont importantes à réaliser afin de mieux comprendre les divers aspects de la problématique et étayer les hypothèses développées ci-dessus.
Il est aussi important de mieux pouvoir identifier avant la mise à disposition des consommateurs, les produits chimiques ou les ondes comportant du danger pour la santé humaine. Des programmes de recherche dans ce sens comme l’européen ‘Reach’ (23) devrait donc être mieux soutenu et amplifié, pour être plus performant.
Références
Cet article s’appuie sur une publication récente des mêmes auteurs dans la revue belge Neurone adressée particulièrement aux neurologues et psychiatres (1).
Lintermans J. Vanderheyden JE. L’autisme, une pathologie victime de l’environnement moderne? Où en est-on en 2019? Neurone 2019 ; 24(9) : 60-64.