La Bible est-elle de droite ou de gauche ?
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Publié le 21-01-2020 à 09h55 - Mis à jour le 21-01-2020 à 09h56
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L'ouvrage "Dieu compte sur l'humanité" est une rigoureuse synthèse qui éclaire ce que l’Ancien et le Nouveau Testament disent de l’argent, de l’économie et du marché. Recension. L’économie de marché est-elle compatible avec la foi chrétienne ? La question est périlleuse, mais c’est avec elle que l’économiste belge Étienne de Callataÿ lance la préface de l’ouvrage Dieu compte sur l’humanité.
Menée par Jean-François Steurs (maître en gestion fiscale et expert comptable) et le Frère bénédictin de l’abbaye de Maredsous Ferdinand Poswick, cette somme recense tout ce que la Bible dit de l’argent. Elle nous emmène à travers un lexique précis et contextualisé dans ce que cet ensemble de livres souligne de la possession, du budget, des cadeaux, du commerce, du luxe, du don… On y découvre alors l’importance avec laquelle ce thème traverse la Bible.
Inutile cependant de chercher un modèle d’organisation économique : le christianisme n’est pas une idéologie, et la rencontre à laquelle il invite ne pourra jamais être réduite à une ligne politique. De surcroît, les réponses que Jésus offre aux économistes, entre la parabole des talents qui engage à les faire fructifier, et l’invitation permanente au don, peuvent apparaître a priori contradictoires, souligne encore Étienne de Callataÿ. Néanmoins, c’est peut-être justement parce qu’il est une invitation à la rencontre, que le christianisme offre un regard particulier sur l’économie.
Le don sans réserve, secret de la vie
Avant tout, on découvre à quel point les pratiques commerciales sont traitées avec précision dans l’Ancien ou le Nouveau Testament. De même, à l’encontre de certains clichés, Ferdinand Poswick rappelle que Jésus et ses apôtres "sont parfaitement au courant des pratiques économiques, commerciales et financières de leur époque", et combien "ils ne sont pas des paumés démunis ou des pauvres volontaires". Joseph, le père de Jésus, était un entrepreneur en construction de bois, et sa famille est d’ascendance royale. De leur côté, les premiers disciples "sont en majorité des patrons pêcheurs du lac de Galilée". "Ce milieu n’est donc pas un milieu d’esclaves ; c’est un milieu d’hommes libres, d’indépendants."
Par la vie de Jésus, on comprend que le Dieu de la Bible attend de l’humanité qu’elle fasse fructifier le patrimoine reçu ; mais pas n’importe comment. En envoyant son fils sur la terre, Dieu n’a pas maintenu son patrimoine auprès de lui, explique Ferdinand Poswick. "Il s’est investi pour faire fructifier l’humanité". Cela "implique un mode de gestion dans lequel la désappropriation, le transfert des valeurs vers les autres, vers tout ce qui constitue l’humain et son environnement (tout le créé), est la règle première pour accroître le patrimoine et faire fructifier les valeurs".
Cette vision d’une économie qui s’appuie sur le don est un rappel redoutable à notre expérience économique d’aujourd’hui "fondée sur le calcul comptable, qui connaît les catégories du ‘plus’ et du ‘moins’, mais ne connaît pas celle du ‘suffisant’", insiste encore l’auteur, en citant André Gorz. Or, "la grande crise financière, économique, et bientôt sociale, que nous traversons tient à cet aveuglement d’un capital géré selon les seules lois du marché et des plus-values comptables". Un marché incapable de dépasser l’impérialisme du calcul, cette "technique qui dispense le sujet de donner du sens à la décision et de l’assumer comme sienne".
Notre monde à la recherche d’un nouveau sens, soulignent les auteurs, pourrait dès lors se plonger dans le regard que la Bible porte sur l’argent ; un regard qui vilipende l’obnubilation du profit, l’oubli de l’autre et de la gratuité alors que "le don sans retour, sans ‘réserve’, est le secret de toute vie authentique".
Au-delà d’une ligne politique, le Nouveau Testament se présenterait donc comme un appel à la gratuité du bon Samaritain, à celle du père prodigue qui accueille sans réserve le fils qui a gâché son patrimoine. Sans doute cela demande-t-il le cadre d’une économie connectée aux vrais besoins humains, au contraire d’une économie qui ne se donne d’autres finalités que l’accumulation et l’intérêt. Seule une telle économie ancrée dans la réalité est à même de rester liée à ce qui est spécifiquement humain, et d’offrir un cadre propice au don, à la gratuité, et à la recherche du bien commun.
L’ouvrage fera l’objet d’une conférence/débat en présence des auteurs ce mercredi 22 janvier à 18 heures à la libraire UOPC à Bruxelles. Entrée gratuite. Réservation souhaitée par mail via event@uopc.be. Infos : uopc.be