Pour être solide, le budget de l’Union doit se concentrer sur des investissements qui améliorent la vie de la population dans les villes et dans les régions

Contribution externe
Pour être solide, le budget de l’Union doit se concentrer sur des investissements qui améliorent la vie de la population dans les villes et dans les régions
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Une opinion de Apostolos Tzitzikostas, président du Comité européen des régions.

La bataille qui vient de s’engager au sujet du prochain budget de l’Union entre les chefs d’État et de gouvernements européens risque de fragiliser et de déstabiliser gravement l’avenir de l’Union européenne. Si cette dernière a tiré les leçons d’une décennie marquée par l’enchaînement de crises les plus sévères de l’après-guerre, et si elle souhaite effectivement rétablir le lien avec les nombreux citoyens qui ont perdu toute foi en elle, il faut qu’elle dispose des moyens nécessaires. L’Europe a besoin d’un budget citoyen qui soit en mesure d’améliorer la vie quotidienne de la population, tout en permettant de faire face aux défis futurs.

Durant la crise financière, ce sont les collectivités locales qui ont le plus chèrement payé le prix de l’austérité, tandis que les citoyens subissaient de plein fouet la réduction des services et des aides publiques. La crise migratoire a fait apparaître les limites de la solidarité européenne et, dans de nombreux endroits, les populations se sont retrouvées abandonnées, au moment même où elles avaient le plus besoin d’Europe. Cet état de fait a conduit à une radicalisation de l’euroscepticisme, ainsi qu’au déplorable retrait du troisième plus grand État membre de l’Union. L’Europe doit en tirer tous les enseignements, se ressaisir, et répondre sans délai à la crise institutionnelle et démocratique où elle se trouve aujourd’hui plongée.

Pour une Europe capable d’écouter et de changer

Le Brexit n’a pas été la sonnette d’alarme que beaucoup attendaient. La déception et la division qui sont apparues lors des négociations sur le budget de l’Union n’ont fait, une fois de plus, que mettre un coup de projecteur sur le fonctionnement bidimensionnel de la politique européenne – les institutions européennes d’un côté et les gouvernements nationaux de l’autre –, qui empêche de répondre aux besoins réels des populations. Beaucoup trop de gens se sentent aujourd’hui incompris et ignorés.

Si l’Europe veut apprendre de ses erreurs passées et aller de l’avant, elle doit dès maintenant prouver qu’elle est capable d’écouter et de changer. Pour être solide, le budget de l’Union doit se concentrer sur des investissements qui améliorent la vie de la population dans les villes et dans les régions. Il doit soutenir et préserver les politiques qui rapprochent à la fois l’Europe des citoyens, et les citoyens de l’Europe. Les négociations ne doivent pas négliger le fait que, pour la majorité de nos États membres, le financement européen des fonds régionaux (politique de cohésion), de l’agriculture et du développement rural représente environ 50 % de l’investissement public total. Ce financement témoigne non seulement de la solidarité européenne en action, mais il dope aussi la croissance durable, crée des emplois et renforce le marché unique, ce qui nous est profitable à tous.

Il faut que l’argent des contribuables continue de s’investir au profit des collectivités locales, et de bénéficier ainsi tant aux contributeurs nets qu’aux bénéficiaires nets du budget de l’Union. Réduire les financements européens destinés aux hôpitaux et aux écoles, aux transports locaux, à l’environnement, aux universités ou aux petites entreprises constituerait un échec vis-à-vis des populations et un cadeau pour les populistes.

Gare à la "géographie du mécontentement"

Il ne s’agit nullement de défendre les "vieilles politiques européennes". Au contraire, nos concitoyens demandent à l’Europe – et aux gouvernements nationaux – de mieux comprendre les transformations profondes qu’impliquent les actuelles révolutions verte, numérique et démographique, et de leur apporter des réponses. Les politiques de cohésion et développement rural de l’Union européenne sont conçues pour prendre à bras-le-corps ces différents défis sur le terrain, dans nos collectivités. Le succès ou l’échec du pacte vert pour l’Europe proposé par la Commission pour faire en sorte que l’Europe devienne neutre en carbone à l’horizon 2050 se décidera au niveau des régions et des villes. C’est en effet à cet échelon que sont mises en œuvre 70 % des mesures destinées à limiter les effets du changement climatique et 90 % des actions d’adaptation au changement climatique. La stratégie européenne doit s’appuyer sur leur expérience et répondre à leurs besoins.

La fracture numérique qu’on observe dans nos régions exacerbe également les disparités et précipite le déclin des campagnes, tout en compromettant nos ambitions en matière d’énergie et de climat. Pour combler cet écart et favoriser l’innovation partagée, encourager les investissements dans les jeunes entreprises innovantes ou les technologies intelligentes, il faut se doter d’une approche européenne assortie d’un financement européen. Plus de 40 % des régions européennes perdent leur population, des centaines de milliers de villes petites et moyennes courent le risque du dépeuplement et du déclin. Si nous réduisons les investissements européens destinés à permettre un rééquilibrage, nous risquons de consolider une"géographie du mécontentement", celle des gens qui vivent dans des zones en déclin et tournent le dos au système établi et à l’Europe.

La décision qui sera prise sur le prochain budget européen traduira la voie que nous entendons prendre. Si nous ne voulons pas d’une Europe qui se rétrécit, s’affaiblit, se divise, il n’est pas trop tard pour réagir! Apprendre à mieux écouter ce que les régions et les villes ont à dire serait d’ailleurs une excellente manière de commencer!

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