Court-on vers l'effondrement? À nous de basculer dans le bon sens

Charles Delhez
Court-on vers l'effondrement? À nous de basculer dans le bon sens
©Vince@Cartoonbase

Le spectre du déclin nous hante. Quelque chose semble nous échapper. Court-on vers l’effondrement ? Pas si vite. La période d’entre-deux mondes actuelle n’est pas la première mutation de l’histoire, même si elle se joue à vitesse exponentielle. À nous de poser les bons actes. Une opinion de Charles Delhez, membre de l'équipe porteuse de RivEspérance 2020 Nous naviguons entre deux mondes, l’un que nous entretenons encore et l’autre que nous voulons voir advenir. Cette période d’entre-deux est notre étape historique. Il faudra basculer du bon côté si l’on veut éviter l’effondrement et la violence des révolutions. Parler de transition est déjà un signe d’espérance, car d’aucuns tiennent un discours davantage nihiliste. Nous serions non seulement à la fin d’une civilisation, mais de l’humanité elle-même.

Les questions climatique et écologique et leurs corollaires énergétiques, alimentaires, médicaux sont aujourd’hui omniprésents, générant une véritable éco-anxiété culpabilisante. Mais ils ne sont que la pointe émergée de l’iceberg.

Toutes les sphères de l’activité humaine sont concernées : le domaine politique et social, la culture, l’économie, la religion et la spiritualité, le géopolitique (les migrations), la famille, l’éducation… Bref, l’homme est menacé dans toutes ses dimensions, et même dans ce qu’il est. L’homme "transhumain" auquel travaillent les "alchimistes de la Silicon Valley" (Luc de Brabandere) représenterait une véritable révolution pour notre espèce, une mutation anthropologique. On ne peut sans doute prédire l’avenir, mais il semble clair que demain ne sera pas comme aujourd’hui.

Le spectre du déclin

Quelque chose semble nous échapper. Le spectre du déclin nous hante. Nous sommes de plus en plus nombreux à ne plus vouloir du système actuel, à refuser le monde tel qu’il fonctionne, même si - paradoxe - nous continuons à en être trop souvent complices. Les jeunes ont de la peine à se projeter dans un avenir heureux. Certains ne veulent plus d’enfants, car l’avenir est incertain. Des couples hésitent à mettre en route le petit suivant par respect pour la planète, les familles nombreuses sont regardées avec suspicion.

Ce n’est pas la première mutation de l’histoire, mais celle-ci est à vitesse exponentielle. Globale et radicale, elle est sans doute plus importante que lorsque, voici douze mille ans, nous sommes passés du Paléolithique au Néolithique, estimait Michel Serres. Elle touche à l’homme lui-même. Internet reformate notre rapport au savoir, les moyens de communication transforment nos relations, les biotechnologies affectent notre nature corporelle, les réseaux sociaux reconfigurent la sphère politique, l’articulation entre les générations et les sexes est redéfinie.

Tout change, mais est-ce dans la bonne direction ? On ne peut faire l’économie d’un discernement. De nombreux choix sont à opérer, dans la vigilance, car ce qui semble positif peut être trompeur. Après les "trente glorieuses", il y a eu les "trente globales". "Quelles seront les trente suivantes ?", se demandait Benoît Frydman, dans La Libre (7 janvier 2020). Heureusement, le pire n’est pas toujours certain. Il nous reste une marge de manœuvre.

Il est donc urgent de reprendre les choses en main. Tous ces défis nous invitent à retrouver une convivialité plus vraie, à nous recentrer sur l’humain. Cela exigera des renoncements. Mais si nous laissons venir, un "effondrement" est à craindre. Continuer dans la même logique, en effet, nous conduit droit dans le mur. Heureusement, la transition a aussi quelque chose d’enthousiasmant. Il ne s’agit pas moins que d’imaginer un monde nouveau, de le construire. Certains sont déjà occupés à créer du neuf, anticipant ce qui ne demande qu’à naître. Un peu partout, il y a des germes pleins d’espoir.

Par où commencer ?

Si tout est lié, comme le répète le pape François dans Laudato si’, il s’agit d’envisager l’ensemble de manière "systémique". Mais par où commencer ? C’est aux politiciens à prendre leurs responsabilités, dit-on. Sans doute. Mais n’est-ce pas au niveau local que le changement s’amorcera ? Dans la famille, le groupe d’amis, le quartier, la ville, sans oublier pour autant de penser global ? Comme lors d’un déménagement, un délestage sera nécessaire, car nous avons inutilement accumulé. Nous ne pourrons tout emporter. Finalement, c’est en chacun de nous que se joue l’avenir. Comme le disait une étudiante, "si ce n’est pas moi, ce sera qui ? Si ce n’est pas maintenant, ce sera quand ?"

Pour réussir la transition, il est temps de passer des idées aux actes. Il est bel et bien question de conversion, de changement de direction. Mais pour réussir ce virage, il ne faudrait pas oublier la variable spirituelle. Elle revient au centre, observe Abdennour Bidar dans Les Tisserands, où il invite à "réparer ensemble le tissu déchiré du Monde" (Les Liens qui Libèrent, 2018). "La clé de tous les verrous ne résiderait-elle pas aussi en nous, dans notre rapport à la nature et les uns aux autres, dans la reconnaissance des dimensions spirituelle et intérieure de ce processus de transition ?", interroge Olivier De Schutter (1).

Serons-nous les mutants d’un monde nouveau, enfin digne de l’homme ? Adviendra-t-elle bientôt cette masse critique qui nous fera basculer dans le bon sens ? Nous l’espérons tous ! Parions sur l’audace de la nouvelle génération ! Une économie post-croissance, des énergies renouvelables, une démocratie plus participative, une Église plus évangélique, un humain plus convivial, une intériorité plus visitée… pointent déjà leur nez.

(1) Le 25 mars (20 h), Olivier De Schutter, Rodolphe Dulait, Nicolas Van Nuffel, Vincent Wattelet participeront à une conférence-débat au Forum St-Michel, dans le cadre de RivEspérance. www.rivesperance.be

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