Coronavirus : voici les recommandations concrètes des organisations de lutte contre la misère pour soutenir les personnes en situation de pauvreté
Publié le 23-03-2020 à 11h47 - Mis à jour le 23-03-2020 à 15h23
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Une opinion de Christine Mahy pour le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté, de Nicolas Dekuyssche pour le Le Forum – Bruxelles contre les inégalités, de Caroline Van der Hoeven pour le Belgisch Netwerk Armoedebestrijding, de Céline Nieuwenhuys pour la Fédération des Services Sociaux, de Georges de Kerchove pour ATD Quart Monde, d'Alexandre Seron pour Médecins du Monde et de Luc Lefèbvre pour Luttes Solidarités Travail (LST).
En temps normal, les personnes vivant dans la pauvreté ont un accès plus difficile que les autres aux soins et aux services. La période de troubles que nous traversons actuellement les précarise encore davantage et les plus pauvres courent le risque de se retrouver totalement isolés socialement et de manquer de ressources essentielles. Les organisations de lutte contre la pauvreté ont donc décidé de présenter des recommandations concrètes aux gouvernements locaux, aux prestataires de services et aux écoles pour ne pas laisser les personnes en situation de pauvreté seules face à cette crise.
1) Prendre des mesures prioritaires face aux situations d’urgence grave
Nous demandons la levée (temporaire) des mesures aiguës ayant un impact négatif majeur sur les plus précarisés telles que les expulsions et les saisies. Nous devons éviter de placer les gens dans des situations encore plus difficiles, de les forcer à recourir à des solutions dangereuses et non hygiéniques les exposant à un risque de contamination supplémentaire. Nous demandons aux assistants sociaux et aux médiateurs de dette de s'assurer que les moyens de subsistance à disposition des plus pauvres soient suffisants pour subvenir à leurs besoins. Gardons à l'esprit qu'en cette période de crise, les gens ne peuvent pas se reposer sur des sources d’aide informelles ou des actions de solidarité et sont plus dépendants des allocations fournies par l’état. En clair, nous voulons le déploiement de ressources financières et de capacités supplémentaires pour continuer à offrir à ceux qui en ont besoin une aide d'urgence dans des conditions d'hygiène responsables. Cette aide prend différentes formes comme l'accueil des sans-abri, des restaurants sociaux adaptés aux mesures sanitaires, la distribution de nourriture, les soins des infirmiers de rue, etc. Lorsque ces dispositifs de soutien sont à l’arrêt, les répercutions sont graves pour le bien-être des personnes vulnérables mais aussi pour la propagation du Coronavirus qui s’accélère en conséquence.
2) Compenser le manque de rentrées financières et trouver des solutions économiquement supportables
Il est important que les mesures prises soient également financièrement viables pour les personnes vivant dans la pauvreté. Ces personnes n'ont souvent aucune marge de manœuvre pour assumer les coûts supplémentaires dans leur vie quotidienne. Nous craignons par exemple une augmentation des frais de chauffage (parce que les gens sont obligés de rester chez eux) et des factures de santé plus élevées alors que parallèlement, les gens sont menacés de perdre leurs revenus (chômage technique, licenciements, ...). Autre dimension: répondre aux obligations imposées par un CPAS ou par un autre organisme de payement ne va pas de soi au regard des mesures préventives (limitation des contacts humains et des déplacements). Cela ne doit en aucun cas entraîner des retards dans l'octroi des droits sociaux ou le paiement des prestations. 3) Assurer l'égalité des chances en matière d'éducation dans le cadre des mesures de confinement
Nous conseillons de contacter les parents de manière proactive au sujet de l’éducation des enfants dans le cadre du confinement. Que peuvent-ils pratiquer avec eux ? Quelle est la meilleure façon d'organiser la garde d'enfants et comment passer ces moments de manière utile ? Il est essentiel de communiquer aussi clairement que possible et de rassurer les parents sur le fait qu’on ne leur demande pas d’assurer un apprentissage de la même qualité que celui fourni par une école. Tout le monde n'est pas à l’aise avec l’utilisation du web ou ne dispose pas d'un ordinateur et/ou d'une connexion internet à la maison. De nombreuses familles n'ont pas d'abonnement illimité pour les données, doivent partager un ordinateur portable ou une tablette avec plusieurs membres de la famille, ne peuvent rien imprimer, télécharger ou envoyer par email. Il faut donc agir en conséquence : nous recommandons de fournir des exercices imprimés aux familles qui se heurtent à la fracture numérique. Bien que la télévision ne doive pas être allumée toute la journée, les programmes éducatifs sont aussi une possibilité. Nous voulons également aborder la période post-Corona. Pour de nombreux élèves vulnérables, rester assis si longtemps à la maison n'est pas un cadeau. Ceux-ci auront besoin d’une période d'adaptation qui nécessitera une attention particulière.
4) Contactez les personnes les plus vulnérables
En plus du flux massif d'informations, de directives et de conseils, nous demandons des efforts supplémentaires pour protéger, informer et aider les groupes cibles les plus vulnérables. Il s'agit notamment des sans-abri, des personnes de langue étrangère, des personnes illettrées, psychologiquement vulnérables, isolées et solitaires, des migrants sans papiers, ... De nombreux lieux d’activités et services sociaux sont contraints de fermer. Souvent, les personnes en situation de précarité n’ont plus accès aux lieux qui leur permettaient d’encore maintenir un certain contact social et de solliciter de l'aide. Nous demandons aux réseaux locaux, aux personnes relais, aux bénévoles, aux prestataires de services de contacter les gens de manière proactive et d'évaluer les besoins urgents. Nous parlons ici d'assistance matérielle et psychologique : de nombreuses personnes souffrent actuellement d'un stress accru dû à la solitude et à l'anxiété. Ce contact avec les plus isolés est essentiel et peut prendre la forme de cercles téléphonique citoyens et/ou d’une mission confiée aux travailleurs sociaux. Nos associations travaillent aussi à faire en sorte que personne ne soit laissé de côté : nous organisons des contacts téléphoniques fréquents et des visites à domicile (avec des mesures de prévention appropriées) afin d'identifier les besoins des personnes vulnérables et de leur apporter une aide si nécessaire.
Les organisations de lutte contre la pauvreté veulent être des partenaires constructifs en ces temps difficiles. Nous sommes heureux de mettre à disposition notre expertise de la pauvreté, nos partenariats avec d'autres acteurs sociaux et l'expérience des personnes en situation de pauvreté dans nos associations pour lutter ensemble contre cette crise.