"Les étudiants sont en colère : les cours virtuels sont catastrophiques !"
Publié le 01-04-2020 à 11h06 - Mis à jour le 01-04-2020 à 11h42
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Une lettre de Pierre de Thier, étudiant a l'ULB, aux étudiants du supérieur. Comme tout le monde, je lis les mails, les articles et les avis qui nous disent que finalement derrière un écran, l'enseignement n'est pas si différent. Nous savons tous que c'est faux. Dans ces mails, on nous demande de suivre la cadence alors que l'on sait que la présence en cours est indissociable d'une réussite et d'une réflexion sur les sujets abordés en auditoire (réflexion critique si souvent oublié à l'université).
On nous demande d'être flexibles. Le bon déroulement de nos études est imputé à notre seule bonne volonté. L'université peut bien se passer de professeurs et de syllabus... tant qu'elle peut compter sur des étudiants responsables. Il nous est donc signifié que la situation n’a pas vraiment changé, il suffit d’être flexible et de faire le travail à la maison. En somme, l’université est une entreprise et nous sommes priés d’assurer la production en faisant du homeworking.
L'objectif derrière tout ça, c’est de faire le plus de chiffre possible (oui nous sommes des chiffres, des matricules sur une liste), même quand cela implique une baisse stratosphérique du niveau de l'enseignement. L'efficacité est le maître mot, il faut que les étudiants entrent et sortent le plus vite possible. Ceux qui n'ont pas d'endroit pour travailler, d’espace, de ressources bibliographiques… On n’en a que faire. Parce qu’en prônant cette politique, le message en filigrane par les universités est le suivant : étant donné que nos financements dépendent de la tenue des examens et des inscriptions l’année prochaine, qui découlent du maintien des examens de juin, ceux-ci adviendront coûte que coûte, quitte à ce que ceux dans le fond de la classe soient d’office en échec. La qualité et la rentabilité ne font pas bon ménage… Dans mes études, on nous apprend que le système pénal est un système qui au lieu de questionner la légitimité de son action, préfère une logique de "businessman", d’efficacité, d’optimisation de la gestion du flux. Je suis consterné de constater à quel point cette logique s’applique à l’université.
Les professeurs s'en rendent compte
Le corps professoral se rend lui aussi bien compte du non-sens de ces mesures, en nous signalant au cours de l’année que la présence physique est essentielle, et durant le confinement nombreux sont ceux qui nous envoient des mails en nous disant que le cours perd en qualité, en vitalité : les interactions en auditoires sont perdues, les questions ne sont plus posées à l’intercours et surtout, l’émotion est la grande absente de ces dispositifs. Les cours ont perdu leur chaleur, leurs couleurs, les éléments qui font la beauté des exposés de nos professeurs se sont égarés dans un forum qui une fois sur deux ne fonctionne pas. Pour pallier ce manque, nos enseignants nous envoient vaille que vaille des bribes de PowerPoint en "bricolant" comme ils peuvent, ils tentent de trouver les moins mauvaises façons de nous évaluer. Ils ne sont pas à blâmer, ils font de leur mieux. C’est ainsi que dans le discours des autorités de l’université, la responsabilité oscille entre le corps enseignant tenu de mettre en place un dispositif performant en un temps record et les étudiants tenus d’avoir dans leur salon le modèle réduit d’une bibliothèque universitaire.
Mais est-ce que nous acceptons d'être diplômés à distance ? Acceptons-nous de remplacer un cours interactif par des questions réponses sur un forum ? Ou encore des défenses de TFE virtuelles, des examens oraux via Skype. Que dire des facultés qui ont un besoin crucial de TP, accepteriez-vous d’être soignés par un kiné ayant appris à manipuler sur un ordinateur, à un chirurgien qui a tout appris grâce au Docteur Maboul ? Un ingénieur qui n’a jamais mis les pieds dans un laboratoire sera-t-il jugé compétent une fois son diplôme en poche ? Y a-t-il un sens à enseigner des sciences de l’interaction humaine, des sociétés, sans aucun contact avec le social ? On pourrait continuer pour toutes les facultés : la qualité du diplôme, du savoir et du libre examen obtenue grâce à des cours présentiels est inatteignable via des cours virtuels et des évaluations à la va-vite. Il faut absolument que les autorités des universités se rendent compte du non-sens de ce qu’elles sont en train de proposer, des échecs qu’elles sont en train de préparer et des carrières qu’elles affaiblissent avant même qu’elles n’aient commencé. Il faut prendre des mesures qui vont dans une autre direction, des solutions viables existent, d’autres universités ont d’ailleurs opté pour celles-ci.
Alors je vous en prie, élevez votre voix contre ce système qui nous donnera un diplôme tout aussi virtuel que les enseignements et évaluations proposés. L’université n’est pas une course à la diplomation. N’oubliez surtout pas que ce sont les étudiants qui font tourner l’université, pas les autorités diverses. Si nous nous élevons : ils plieront. Si cette problématique vous touche, partagez ce texte ou du moins l’essence de l’information.