Le déconfinement pose de nombreuses questions : courrier des lecteurs
Publié le 28-04-2020 à 09h45 - Mis à jour le 28-04-2020 à 10h33
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Cette semaine, vous avez été nombreux à réagir à l'annonce de la stratégie de déconfinement. Voici quelques-uns de vos textes.
Stratégie de déconfinement
Quelle hypocrisie Madame Wilmès,
Après avoir écouté vos longues mesures pour sortir du déconfinement, un sentiment de colère m’a envahi ! C’est quoi ce pays qui repart comme avant la crise Covid-19 ? L’économie est mise avant l’humain qui est à nouveau banni ! On décide de rouvrir les commerces, on permet de jouer au tennis ou au golf, mais on ne permet pas aux parents et grands-parents de revoir leurs enfants et petits-enfants ! Quelle hypocrisie ! La famille est, à mon avis, le socle de la société. Il ne faudra pas vous étonner que bien des personnes contournent cette règle bien dure psychologiquement. Les parents de jeunes enfants qui doivent travailler par télétravail n’en peuvent plus. Ils réclament de l’aide et les petits réclament leurs grands-parents ! Avez-vous pris en compte les frais médicaux que la société va devoir assumer suite à de nombreux burn out ? Comme vous avez dit qu’aucune règle n’était immuable, j’ose espérer que vous reviendrez sur cette mesure inhumaine. Merci au nom de tous les parents et grands-parents bien déçus et tristes ce jour ! Ch. Fanard-Godet
Guérissons la terre Madame Wilmès,
Je tiens tout d’abord à vous remercier pour la manière dont vous gérez cette crise sanitaire. Vous avez fait passer la vie et la santé avant l’argent. À la veille du déconfinement, ne faut-il pas garder cette même éthique par rapport au climat ? Qu’"au nom de la Vie" soit notre premier critère. Pourquoi ne pas revaloriser le travail de la terre, de nos fermiers ? Apprendre aux enfants d’école primaire la joie de planter, de semer, de voir grandir et de respecter cette terre. Nous devons guérir la terre et la terre nous guérira ! Avec mes salutations les meilleures, Patricia de Cumont
Coup de gueule d’une grand-mère confinée J’ai 75 ans, je suis veuve et mes enfants habitent à plus de 150 kilomètres. C’est dire que j’ai terriblement envie de pouvoir les voir autrement que par "Facetime". Et pourtant, j’ai été outrée en entendant ce matin les réactions de politiques qui reprochaient à Sophie Wilmès d’avoir autorisé l’ouverture des magasins avant les réunions familiales. Que des hommes et femmes en principe responsables osent ignorer les difficultés de ceux qui ne peuvent gagner leur vie me révolte, que des radios se permettent de ne présenter que l’opinion des contestataires (au contraire d’une certaine presse néerlandophone), me sidère. Combien de temps croient-ils que l’État pourra soutenir les efforts financiers pour tenir la tête hors de l’eau ? N’ont-ils jamais étudié le système social de certains pays où tout est payant, alors qu’ici en Belgique, l’État se charge, parfois imparfaitement d’accord, des écoles, des soins médicaux, du chômage, des allocations ? Comment croient-ils que c’est possible ? Pour moi, je continuerai à voir ma famille par écran interposé, en me rappelant qu’il y a 60 ans, nous avions été confinés sans téléphone, sans télévision, sans Internet… et en espérant profondément que les commerçants pourront survivre à cette épreuve. Nicole Grégoire-Polmans
Et demain ?
L’incertitude Que nous réserve demain ? Quand donc retrouverons-nous l’ambiance d’antan ? Pas évident d’avoir réponse à ces questions, de quelque source d’information qu’elle émane. Il faut se rendre à la raison : c’en est fini des prévisions quasi garanties pour notre avenir. Ce dernier est devenu flou, incertain, inquiétant même, et ce, dans pratiquement tous les domaines, de la santé, de l’économie, du bien-être social, de la garantie de l’emploi, de la sécurité publique, de l’enseignement, de la prévention des pénuries et de la confiance dans la classe politique. On n’est plus sûr de rien : l’avenir cesse d’être une valeur positive. Aujourd’hui, se prémunir du risque devient une préoccupation majeure. Or, moins on est sûr qu’un risque existe et plus il a tendance à faire peur. L’incertitude est malheureusement liée à la vaine quête d’une stabilité illusoire. On se retrouve en panne d’une représentation positive de l’avenir dans pratiquement tous les domaines. Avant, les états dépressifs étaient liés aux contraintes ; aujourd’hui, l’angoisse naît de l’incertitude de ne pas savoir de quoi demain sera fait. La seule certitude semble être l’insécurité fantasmée ou non. Que la société de l’incertitude devienne, sans trop tarder, celle de l’opportunité. Saisissons-nous des déboires actuels pour solliciter et animer une créativité collective, une nouvelle façon de vivre ensemble en tant que véritable société humaine. Le courage doit retrouver une vigueur nouvelle et redevenir une vertu au premier rang dans l’échelle des valeurs. Philippe Dardenne de Jauche
Le retour du facteur Humain comme gage de notre pérennité ? L’urgence de la relance de l’économie et de la sortie du confinement est ressentie de plus en plus fortement après ces semaines de confinement. Les initiatives en tous genres pour faire appel aux meilleures idées en la matière fleurissent à tous niveaux et c’est très réjouissant. Mais de quelle économie parle-t-on ? Celle qui a saccagé la planète ? Celle qui a créé une dette gigantesque que nous laissons à nos enfants et petits-enfants à qui nous demandons en plus de payer nos retraites et nos soins de santé en explosion ? Celle qui a dissocié l’entreprise de ses collaborateurs ? Celle qui a creusé le fossé des inégalités à travers le monde ? Celle qui a déifié la mondialisation engendrant des conditions de travail indignes et les propagations fulgurantes des maladies ? Celle qui nous fait jouer les apprentis sorciers dans des domaines que nous pensons maîtriser ? Tous les ingrédients d’une guerre des générations sont présents. Et comme nous, les vieux, sommes encore majoritaires dans nos pays occidentaux, nous pouvons imposer tout cela aux jeunes générations le plus légalement et le plus démocratiquement qu’il soit. Nul doute qu’un jour ils nous prennent en grippe… Par ailleurs, tout n’est évidemment pas à jeter. Des progrès considérables ont été enregistrés dans certains domaines notamment de la médecine, certaines classes moyennes ont eu accès à un confort de vie plus correct, des progrès technologiques ont été effectués. Un tri s’impose, le but n’est pas de jeter tout en bloc. Le moment est venu de nous poser la bonne question : quelle société voulons-nous ? Et, partant, quelle économie allons-nous déployer dans les années à venir ? N’est-il pas temps de (re)mettre l’humain au centre des préoccupations, comme nous l’avons fait instinctivement dans cette crise du coronavirus ? N’avons-nous pas pensé à la santé et à la protection des plus fragiles d’entre nous avant tout ? Même si certaines décisions prises sont très discutables, ce qui les sous-tendait partait de ce postulat : "l’homme avant tout le reste". Sommes-nous prêts dorénavant à nous poser la question toutes générations confondues : "Est-ce bon pour l’humain ?" avant toute décision, toute action ? Cette question deviendrait la Question fondatrice de notre avenir, ni plus mais ni moins. Olivier Halflants
Réinventons un monde durable Je n’ai pas connu la guerre car je suis né en 1966 et pourtant, à 53 ans, je n’aurais jamais imaginé vivre une crise sanitaire d’une ampleur mondiale historique qui continue à bouleverser nos vies au quotidien avec ses macabres statistiques qui ébranlent toutes nos convictions. Mais ce confinement est aussi l’occasion d’une pause dans le temps de la vie professionnelle trépidante qui pousse à la réflexion et l’introspection sur le sens de la vie et de l’humanité pour chacun d’entre nous dans un monde globalisé présenté comme un modèle universel de liberté. Nous devrons certainement réinventer un développement durable pour que notre société puisse surmonter cette épreuve, en tirer les enseignements et éviter que cela se reproduise à l’avenir en ayant moins de certitudes et davantage de précautions. Alors restons solidaires, il s’agit là d’un impératif catégorique qui émerge partout et que nous devons tous partager pour vaincre la pandémie et aller de l’avant tant d’un point de vue économique que social et humain, car la vie n’a pas de prix et l’union fait la force. Portez-vous bien, prenez soin de vos proches et réfléchissons déjà au bien commun avec le professeur de Harvard, Michael Sandel dans son livre à succès, Ce que l’argent ne saurait acheter. Patrick Carolus