Pourquoi l’Université Saint-Louis organisera des examens malgré tout
Publié le 28-04-2020 à 09h53 - Mis à jour le 28-04-2020 à 10h32
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Une opinion du conseil rectoral de l'Université Saint-Louis - Bruxelles.
Face aux nombreuses interpellations quant à l’opportunité d’organiser une session d’examens en juin, l’université souhaite apporter quelques éléments de réponse et de réflexion. Les autorités académiques que nous sommes ont été interpellées et prises à partie, à plusieurs reprises, au cours des dernières semaines et des derniers jours. Tant par les enseignants et les chercheurs que par leurs étudiants.
Face à ces interpellations bien légitimes, et en particulier celles qui portent sur l’opportunité d’organiser une session d’examens en juin, nous pensons qu’il est utile d’apporter quelques éléments de réponse et de réflexion.
Comme elles le soulignent dès la rentrée académique, et par la suite tout au long de l’année, les universités, et, plus largement, les établissements d’enseignement supérieur, sont investis de missions d’intérêt général. Nous sommes - et nous nous en enorgueillissons - un service public. À ce titre, et comme tous les autres services publics, nous sommes soumis à trois principes, trois "lois", qui forment notre horizon et déterminent le cadre de notre action : la continuité, le changement et l’égalité.
La continuité
Le décret "Paysage" assigne aux universités trois missions : la recherche, le service à la société et l’enseignement. Les circonstances que nous vivons mettent au défi la continuité de ces missions, mais, paradoxalement, elles ne les rendent que plus nécessaires, plus urgentes.
La proposition est évidente s’agissant de la recherche et du service à la société : les universités, au travers de leurs chercheurs, ont un rôle fondamental à assurer, dans leurs laboratoires et dans le débat public, pour la définition des stratégies destinées à faire face à la crise et à en sortir, la compréhension de celle-ci et l’identification des leçons à en tirer.
La continuité n’est pas moins nécessaire pour notre mission d’enseignement, laquelle inclut, inévitablement, le moment des évaluations. La société de demain a besoin de professionnels bien formés, compétents, dont les diplômes vaudront tout autant que ceux de leurs aînés et de leurs successeurs. Sur le plus court terme, la poursuite des cursus doit pouvoir reprendre, dans l’après-Covid, sur les meilleures bases possibles. Même ramenées à l’essentiel, à l’indispensable, des compétences doivent avoir été préalablement transmises, pour que d’autres, par la suite, puissent être acquises. La charge des difficultés que nous connaissons actuellement ne doit pas être transférée sur l’année prochaine et les années suivantes.
L’on peut évidemment rêver, en général et dans les circonstances actuelles en particulier, d’un enseignement sans examen, fait d’un suivi continu en petits groupes. Mais les moyens dont nous disposons, en général et dans les circonstances actuelles, ne rendent pas cette solution généralisable.
Le changement
Business as usual ? Certainement pas. À la continuité, s’associe le changement. Non pas comme une force antagoniste, mais comme une condition de possibilité. La continuité suppose le changement, avec ses lots de renoncements, de remises en question et d’inquiétude. Nous avons dû basculer du jour au lendemain à l’enseignement à distance. Pas par choix, mais par nécessité. Dès le 13 mars, les cours en auditoire ont dû laisser la place à quelque chose d’autre, dont l’immense majorité d’entre nous n’était pas familier.
Loin de nous l’idée d’affirmer que le basculement s’est effectué de manière parfaite. Il y eut, et il subsiste, des difficultés, des ratés. Il y a certainement moyen de faire mieux - le quadrimestre n’est pas terminé -, tout en étant conscient de limites. Derrière les cours à distance et l’enseignement à distance, il y a souvent des enseignants et des membres du personnel administratif - souvent oubliés - qui, pour des raisons de composition familiale ou de santé, connaissent des difficultés qui ne sont pas moindres que celles auxquelles sont confrontés les étudiants. Les petits frères et petites sœurs des seconds peuvent parfois être les enfants des premiers.
Le changement, qui doit s’opérer dans le respect de chacun, il nous faudra le vivre, avec son lot de renoncements, d’inconnues et d’inquiétudes légitimes, dans le cadre des examens. Les défis sont inédits ; les problèmes à affronter et à résoudre sont colossaux. Il faut en effet assurer, non seulement la pertinence et la cohérence pédagogique des évaluations réalisées, mais aussi leur crédibilité et leur équité. Pour y parvenir, les autorités académiques ont adressé, adressent et adresseront encore, à leurs enseignants, un message très clair : visons l’essentiel, l’indispensable, l’incontournable. Aux jurys, une recommandation forte est faite dès à présent : délibérez, délibérez encore, délibérez longtemps avec des lunettes Covid-19, en parfaite connaissance et compréhension des difficultés de tous ordres qui ont jalonné les cours, le blocus et les examens.
L’égalité
Last but not least : notre service public d’enseignement, qui vise la continuité et se résout au changement, doit avoir le souci de l’égalité de ses usagers, à savoir les étudiants. C’est, pour nous, une préoccupation lancinante. Nous sommes parfaitement conscients que, face au distanciel, tant au niveau de l’enseignement que des évaluations, les situations de nos étudiants ne sont pas comparables - pour des raisons financières, sociales, familiales, psychologiques ou autres - et que des pratiques indifférenciées, aveugles aux singularités, seraient pour cette raison gravement discriminatoires.
Voilà pourquoi un effort considérable a été entrepris et sera poursuivi, sur un plan organisationnel, financier, logistique et humain pour que chaque étudiant puisse bénéficier des meilleures conditions possibles pour préparer et présenter ses examens, à l’oral ou à l’écrit, sans qu’il soit recouru à l’un ou l’autre logiciel de surveillance. De l’écoute et des aides seront fournies, des helpdesk et hotline fonctionneront en continu, des hommes et des femmes seront derrière toutes les machines. Tout qui, ne disposant pas de l’environnement adéquat pour présenter ses examens, sera accueilli sur le site de l’Université, dans des conditions sanitaires irréprochables. En amont, salles informatiques et d’étude seront ouvertes. Nous ne gommerons jamais les différences, mais notre volonté ferme est d’en neutraliser au maximum l’impact, par un accompagnement individualisé, pour permettre à chacun de donner le meilleur de lui-même.
Au cours des semaines et des jours qui se sont écoulés, les autorités académiques ont parfois été présentées ou perçues comme des monstres froids et distants, des divinités retirées sur leur Olympe dans une parfaite ignorance et indifférence vis-à-vis des appels et de la détresse de leurs communautés respectives.
Nous ne nous reconnaissons pas du tout dans cette présentation et dans cette perception. Nous sommes tous des enseignants, y compris en Bac 1. Nous sommes, pour certains d’entre nous, des parents d’enfants aux études. Les échecs de nos étudiants dans les évaluations à venir seront aussi nos échecs. Et nous n’avons aucune envie d’échouer. Qu’ils voient donc en nous des alliés indéfectibles.
Titre et chapô sont de la rédaction. Titre original : "Continuité, changement, égalité : pourquoi nous organiserons, malgré tout, des examens".