Coronavirus : plus que jamais, les soins de santé individuels devront être remplacés par des initiatives de groupe
En se concentrant sur les soins de santé, sans réformes fondamentales résultant d'une vision à long terme, une génération de jeunes médecins spécialistes risque de travailler pendant des années, voire des décennies, avec de plus grandes responsabilités dans une population mondiale croissante sans structures appropriées.
Publié le 28-05-2020 à 17h19 - Mis à jour le 30-05-2020 à 18h06
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Une opinion de Donald Claeys, chirurgien, secrétaire général du Groupement Belge des Associations Professionnelles de Médecins Spécialistes.
Récemment, on s’est souvenu de la grippe espagnole de 1918-1920 et on a commémoré le centième anniversaire de la grande guerre. À l’époque, il semble que les millions de morts liés aux deux événements n’aient pas pesé assez lourd dans la balance des plans d’avenir des décideurs politiques. En effet, vingt ans plus tard, la deuxième guerre mondiale éclatait, en partie à cause d’une vision du futur déficiente. Plus tard, d’autres pandémies ravageront le vingtième siècle. Bien que des actions individuelles aient marqué les soins de santé d’une pierre blanche, il n’y a jamais eu de débat social sur le fond accompagné d’un objectif final à atteindre. Lors de l’entre-deux-guerres les frères Mayo ont fondé un hôpital sans but lucratif qui deviendrait célèbre à travers le monde. La pénicilline a été découverte en 1927 mais c’est seulement après l’épisode de Pearl Harbor que la production massive a démarré pour sauver des millions de vies. À la fin de la seconde guerre mondiale, Alexander Fleming écrivait déjà des articles sur les bactéries résistantes aux antibiotiques...
En Belgique
En Belgique, l’Office national de la Sécurité sociale a été fondé en 1945. Plus tard, des conventions ont été conclues avec les médecins et plus tard encore, le financement relativement arbitraire des hôpitaux a été lié aux conditions de la durée d’hospitalisation justifiée. Les nouveaux médicaments et implants ont été strictement réglementés. De nombreuses mesures ont surtout servi le modèle économique. Elles n’étaient pas nécessairement soumises au résultat des soins mais plutôt au coût des soins de santé.
C'est ainsi que nous sommes entrés dans le XXIe siècle avec la volonté de faire des économies sans trop de critiques, à condition qu'elles ne soient pas trop douloureuses pour les acteurs concernés. Pour les hôpitaux, les mutuelles, l'industrie pharmaceutique, les groupes de pression, et, il est vrai, aussi pour les prestataires de soins de santé, la meilleure façon de réaliser des économies était de le faire aux dépens des autres parties.
Même aujourd'hui, après et pendant cette crise, beaucoup réfléchissent à la rapidité avec laquelle ils pourraient revenir au "business as usual". Une fois de plus, les gens rêvent de développer de nouvelles techniques et une technologie de pointe passionnantes avec des pratiques de soins toujours plus importantes, de préférence avec un modèle commercial intéressant. D'autres, collègues et gestionnaires responsables, réagissent à l'inverse, ils sont anxieux et n'osent pas regarder trop loin dans l'avenir. Dans les deux cas, ils risquent une fois de plus de ne pas assumer leurs responsabilités.
En se concentrant sur les soins de santé, sans réformes fondamentales résultant d'une vision à long terme, une génération de jeunes médecins spécialistes risque de travailler pendant des années, voire des décennies, avec de plus grandes responsabilités dans une population mondiale croissante sans structures appropriées.
Nous avons appris à faire des synthèses
En cette période de crise, certains travailleurs de la santé ont été envoyés comme "special forces" et ils ont réussi temporairement à gérer la crise. Mais partout dans le monde, les "special forces" ne sont déployées que lorsqu'il y a un risque de perdre un conflit.
Il appartient à notre gouvernement, aux institutions de la santé et aux médecins d'assumer conjointement et de manière proactive leurs responsabilités dans l'intérêt du citoyen. Les acteurs qui ne peuvent pas garantir la sécurité, l'amélioration de la qualité, la constitution de réserves et l'accès aux soins en raison de conflits d'intérêts, doivent être relayés au second plan. Il appartient au premier groupe de rédiger les règles ensemble, et au second groupe d’y apporter leur concours sous des conditions bien définies.
Toute personne qui a eu la chance de se former et de perfectionner ses connaissances tend vers un certain individualisme. Les médecins ne font pas exception et ma longue expérience du monde des spécialistes peut le confirmer.
Mais nous avons aussi appris à faire des synthèses. Aujourd'hui, nous voyons à quel point il est important que la vision et la structure s'accordent !
Plus que jamais, les soins de santé individuels devront être remplacés par des initiatives de groupe, et ce, non seulement au bénéfice du patient.
Les lobbies des hôpitaux, les consortiums de maisons de repos et de soins, les groupes d'action des prestataires de soins, les mutuelles et les politiciens qui sont censés être les représentants de notre société ont tous droit à leur contribution spécifique, à condition que leurs interventions soient conformes au plan social à réaliser. La sécurité, l'efficacité, la valeur ajoutée et l'accessibilité des soins sont quelques-uns des piliers à mettre en place
Notre groupement d'unions professionnelles peut assumer une responsabilité importante en 2020, véritable début du XXIe siècle, s'il maintient une perspective constructive et fournit des conseils professionnels. Pour cela, nous avons besoin de jeunes, de scientifiques et de professionnels issus du terrain.
Les soins de santé font partie du bien-être. Le concept du "se sentir bien" grâce à la garantie de soins appropriés est une chose qui mérite une certaine réflexion aujourd’hui.
Enfin, une pandémie est un fléau qui frappe durement mais qui s'autolimite à long terme. Pensons au climat qui change de façon irréversible. Les jeunes médecins parmi nous feraient peut-être mieux de se préparer pour faire face aux catastrophes naturelles avec ou sans masque !
Titre de la rédaction. Titre original : "Mémoire à court et à long terme"