Quelques pistes pour intéresser les jeunes à la politique européenne
- Publié le 12-06-2020 à 09h17
- Mis à jour le 12-06-2020 à 10h32
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Une opinion de Jean-Paul Pinon, administrateur délégué de NousCitoyens ASBL.
Les chiffres le montrent : la plupart des jeunes ne s’intéressent pas à la politique européenne. Mais que font les autorités concernées pour changer la donne ?
Le projet, avec l’acronyme SIA4Y, soutenu par la CE (programme Europe for Citizens) s’est clôturé ce mois de mai 2020, après avoir vécu 9 réunions avec des participants de 14 pays. Il a débouché sur la publication d’un document de 168 pages, qui rend notamment compte d’une enquête auprès de 400 jeunes.
La stratégie de l’UE
Le déficit démocratique s’est manifesté par une désaffection des citoyens pour les élections européennes, en particulier chez les jeunes. Aux élections européennes de 2014, l’absentéisme moyen des jeunes de 16 à 24 ans était de 72 %.
Les institutions européennes ont pris diverses mesures pour remédier à ces problèmes. Dans le cadre d’une réflexion sur l’avenir de l’UE, la Commission européenne avait prévu de démarrer, en mai 2020, une opération de deux ans pour impliquer la société civile : la Conférence sur l’avenir de l’Europe.
L’UE mise beaucoup sur la transparence afin de gagner en légitimité démocratique. La quantité d’informations publiées est impressionnante. Le domaine Europa.eu regroupe 230 sites web, visités en 2018 par 322 millions de visiteurs uniques. Le portail des données ouvertes de l’UE offre un gisement bien structuré de données, avec un bon moteur de recherche. Il contient des données sur 35 pays, concernant 84 thèmes, dans plus d’un million de tables. La complexité de cet univers d’informations montre l’utilité des relais qualifiés pour en vulgariser les contenus intéressants.
Les institutions européennes multiplient également les programmes d’accompagnement des jeunes. Pour la période 2020-2027, la stratégie repose sur trois axes :
1) Mobiliser : encourager les jeunes à participer à la vie démocratique.
2) Connecter : rassembler des jeunes de toute l’Europe et au-delà pour promouvoir la participation volontaire, la mobilité à des fins d’apprentissage, la solidarité et la compréhension interculturelle.
3) Autonomiser : soutenir l’autonomisation des jeunes grâce à la qualité, l’innovation et la reconnaissance du travail socio-éducatif.
L’état d’esprit des jeunes Européens
Selon des chercheurs autorisés, "quiconque pense que le faible taux de participation des jeunes électeurs est dû au fait que les jeunes sont trop paresseux pour prendre cinq minutes pour aller au bureau de vote ou sont trop égoïstes pour le faire se méprend grossièrement sur l’immense appétit politique des jeunes européens" (B. Cammaerts, M. Bruter, S. Banaji, S. Harrison, N. Anstead, "The Myth of Youth Apathy : Young Europeans’ Critical Attitudes toward Democratic Life", "American Behavioral Scientist" 2014, no. 58 (5), p. 15). En 2019, le Parlement européen a accueilli en son sein le plus jeune député de son histoire : un Danois de 21 ans.
Le comportement des jeunes se caractérise plutôt par un besoin de résultats rapides. Les jeunes s’intéressent à des thèmes d’actualité. Lors des élections de 2019, 45 % des Européens de moins de 25 ans prétendaient que la question du climat et de la protection de l’environnement les avait motivés à voter (European Parliament, ‘Have the 2019 European Elections Entered a New Dimension ?’, Eurobarometer : The EP and the Expectations of European Citizens, 2019, p. 56).
Les jeunes sont également sceptiques par rapport à la façon traditionnelle de faire de la politique. La politique de loyauté est remplacée par la politique de choix. Les jeunes ne sont plus attachés à des partis ou syndicats. Ils agissent au cas par cas, en appuyant le canal qui leur convient à ce moment-là. Leur action passe habituellement par les réseaux sociaux. Ils sont attirés par les initiatives pointues comme les "buycotts" : le boycot de certains produits ou acteurs commerciaux.
Un frein à leur activité civique est enfin la méfiance à l’égard du monde politique. "Plus nous avons confiance dans les institutions et les politiques, plus nous croyons que cela a un sens d’exercer le droit d’accès à l’information."
Pistes de progrès
L’accès à l’information est donc nécessaire aussi bien dans une optique de participation citoyenne que dans une démarche de contrôle social. Peu de jeunes ont le réflexe de demander l’information à laquelle ils ont droit. Ceci devrait être enseigné dans le cadre de l’éducation civique à l’école. Par ailleurs, ils sont plus ouverts que leurs aînés à l’emploi d’instruments internet, pour faciliter leur démarche citoyenne. Ils ont plus besoin d’agir en groupe, de façon à se sentir encouragés dans leurs initiatives.
Il existe des plateformes internet qui guident le citoyen dans sa démarche de demande d’information à l’autorité public (European Parliament, ‘Have the 2019 European Elections Entered a New Dimension ?’, Eurobarometer : The EP and the Expectations of European Citizens, 2019, p. 56). Il est urgent d’instaurer un système de sanctions à l’égard des personnes qui abusent de leur pouvoir public pour bloquer l’accès à l’information.
Il faut des instruments financiers pour soutenir l’initiative des jeunes. Certains ont lancé un canal de vulgarisation de l’information politique (Par exemple : www.civix.be). En Allemagne, un site web publie les questions des examens d’entrée à l’université des années précédentes (https://fragdenstaat.de/kampagnen/frag-sie-abi/). Aux Pays-Bas, une ONG publie les comptes de toutes les communes, d’une façon lisible pour le citoyen ("Open Spending" de Open State Foundation https://openstate.eu/en/). D’autres projets sont bloqués par manque de ressources, comme par exemple la création d’une "wikipedia" des acteurs politiques. Il est important d’encourager la créativité dans le domaine politique. Il faut organiser des Prix pour le meilleur article d’investigation politique (https://www.wecitizens.be/fr/le-nouveau-repertoire-politique/).
Les budgets participatifs sont parmi les meilleures voies pour motiver les jeunes. Ils sont confrontés aux mécanismes de décision démocratique et sont assurés de voir rapidement les résultats de leur implication. C’est applicable dans les communes et les écoles.