Ces écoles de villages qui meurent en silence
Les écoles de villages ferment. Pourtant, l’épanouissement des enfants repose sur leur lien et leur proximité avec leur environnement immédiat.
Publié le 12-11-2020 à 09h11 - Mis à jour le 12-11-2020 à 09h22
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Une opinion de Jacqueline Martin, membre du groupe citoyen pour la sauvegarde de l'école de Chiny.
Sale temps pour les écoles de village. Leurs portes se ferment, l’une après l’autre, leurs préaux se vident, les rires et les cris d’enfants se taisent, la vie s’éteint. Justifiant cette phrase souvent entendue : "Une école qui ferme, c’est un village qui meurt." Une agonie qui créera d’autant moins de remous qu’elle touchera un village situé dans une région reculée, loin des centres de décision politique.
Ainsi, Chiny, cette commune rurale de la province de Luxembourg compte six implantations scolaires pour une douzaine de villages et quelque 5 200 habitants. En septembre 2018, le bourgmestre décida de la fermeture de l’école du village. La population se mobilisa, interpella le conseil communal, sollicita une coopération avec la commune pour le sauvetage de l’école : en vain. Un an plus tard, ce même conseil communal vota la vente du bâtiment scolaire.
La proximité a son importance
Pédagogues, sociologues, psychologues… s’accordent dans leur analyse : l’épanouissement et la sociabilité du jeune enfant reposent sur le lien et la proximité avec son environnement immédiat, son milieu de vie, son village (ou son quartier). C’est dans ce milieu proche que le jeune enfant fait les premières expériences fondamentales qui détermineront profondément sa personnalité : les premières émotions, les sentiments, la découverte de la nature, des relations sociales. Au-delà de douze ans, il sera en mesure de profiter d’un milieu élargi. Dans l’enseignement secondaire, il rencontrera des élèves et des professeurs de diverses origines, mais il ne sera en mesure d’en apprécier tout l’intérêt que si ses bases "locales" sont bien assurées.
Comme le souligne l’Union des villes et des communes : proche de la population, la commune se doit d’assurer l’instruction et l’éducation des jeunes… elle peut seule répondre efficacement aux aspirations, aux besoins de la collectivité locale en matière d’éducation.
Dans ce village-là, loin d’assumer ses responsabilités, le bourgmestre affiche son ras-le-bol de devoir endosser cette mission. Il en a marre, dit-il, des contraintes liées à la gestion de l’école communale. Pour sortir de cette lassitude, il tente de convaincre la Fédération Wallonie-Bruxelles de reprendre le réseau d’enseignement communal. Une tentative avortée, la "Fédé" décline.
Éviter les "cités-dortoirs"
À la dernière rentrée scolaire de 2020, en pleine crise sanitaire, le collège a fait passer en urgence la fermeture de deux autres écoles de la commune.
Sans broncher, les élus locaux ont avalisé la décision. Aux parents qui les ont interpellés ainsi qu’à la presse locale, ils opposèrent un silence éloquent. Quant au personnel enseignant, ordre formel leur a été enjoint par la commune de ne pas prendre la parole. Ainsi que l’a évoqué la chaîne de télévision locale, TVLux : le sujet est pourtant sur toutes les lèvres. Trois fermetures d’école en deux ans de temps, cela pose question et cela exige de légitimes réponses.
Des réponses, la population mobilisée pour la sauvegarde de son école en attend toujours de la part des différents ministres auxquels elle s’est adressée, tant du côté de la Fédération Wallonie-Bruxelles que de la Région.
L’on se prend à rêver d’un échelon communal qui assume cette importante mission d’organisateur de son enseignement primaire avec conviction plutôt qu’avec réticence. Et, aujourd’hui que se multiplient les organes de concertation de toute nature, nombreux sont les comités de parents dans les villages à souhaiter être davantage qu’un comité logistique de fancy-fair.
Il s’agit tout simplement de prendre au sérieux les différents acteurs de l’école : enfants, parents et enseignants.
Il s’agit également de ne pas transformer nos villages ruraux en cités-dortoirs.