Gérard Jadoul, gestionnaire du projet Nassonia: “Si la forêt pouvait parler, elle dirait : laissez-moi faire. Et sauvez-moi.”
D'ici quelques décennies, 80 % de l’Ardenne aura changé de physionomie explique Gérard Jadoul, le gestionnaire du projet Nassonia, qui évoque sa vie, son parcours, son amour pour la littérature, la nature, le mirador du roi Baudouin et l'existence d'arbres plantés il y a des centaines d'années.
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- Publié le 15-11-2020 à 09h00
- Mis à jour le 23-11-2020 à 12h27
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La nature a du génie. En cet automne qui colore les arbres de tons somptueux, personne ne peut rester insensible à la beauté divine des forêts. Une sorte d’incendie de couleurs se propage et donne à l’Ardenne des reflets magiques. Sur la route qui nous conduit à Awenne, à quelques kilomètres de Saint-Hubert, les tableaux nous forcent à rouler au pas, pour mieux nous emplir les yeux de ce spectacle grandiose. Stop. Petite marche. Les cinq sens sont en éveil. Gérard Jadoul, gestionnaire de Nassonia, ce territoire de 1 650 hectares loué par la Fondation Pairi Daïza pour y mener des expériences de naturalité, habite une petite maison au centre du village, celle de sa grand-mère. Il a le physique de l’emploi. Avare de mots, pas de convictions. Bourru, énigmatique de prime abord. L’empathie suit. Il connaît par cœur cette forêt, il vit avec elle, dès l’aube. Il est joyeux quand elle renaît au printemps. Mais souffre avec elle. Car elle va mal.
Ici, on apprend le temps. On ne compte pas en heures, pas même en jours ni en mois. L’échelle du temps, c’est une génération. On sort de cette forêt des chênes plantés avant la Révolution française. Et pour en remplacer un, dans l’espoir qu’il tienne trois cents ans, il faut planter mille glands.
Gerard Jadoul nous parle de ce territoire avec science et passion. Souvent présenté comme la bête noire des chasseurs, Gérard Jadoul insiste : il est favorable à la chasse. Pourvu qu’elle soit respectueuse. Mais l’arme qu’il préfère pour s’y promener, c’est un appareil photo. Comme le roi Baudouin, qui s’y faisait déposer avant de grimper en haut de son mirador. C’est d’ailleurs Baudouin qui a initié la gestion avant-gardiste de la forêt, à l’écoute de ses habitants, la grande faune, et de son décor.
Voici donc une invitation à la promenade au milieu des bois. Et une leçon, en toute humilité, de Gérard Jadoul, l’homme qui murmurait aux feuilles des arbres.
"En France, dans la forêt de Tronçais, vous marchez au milieu de chênes plantés par Colbert"
Dans quelle famille avez-vous grandi ?
Nous sommes ici, à Awenne, dans la maison de mes grands-parents maternels. J’y suis très attaché. Mes parents s’étaient installés près de Namur, à Rhisnes : c’est là que je suis né. Mais nous venions passer nos week-ends ici quand j’étais enfant. J’ai fait mes études secondaires dans un collège situé à trois kilomètres d’ici, à Bure. Nous étions 150 garçons internes. J’allais souvent me balader dans les bois avec mes jumelles et mon appareil photo. J’ai donc finalement plus vécu dans cette région de Saint-Hubert que près de Namur. Quand Anne, ma femme, et moi sommes sortis de l’université en 1981, nous nous sommes installés dans cette maison.
Quel enfant étiez-vous ?
Assez réservé en primaire. Puis, assez vite, j’ai eu envie de mobiliser des gens, de réaliser des projets. Nous avons créé une meute de louveteaux dans le village.
Vous avez choisi une licence en philologie classique et étruscologie… Votre vocation première était d’enseigner.
J’avais beaucoup hésité, en sortant de rhéto, à entreprendre des études d’ingénieur forestier. Je craignais la lourdeur administrative. La littérature me passionnait, j’ai eu d’excellents professeurs de latin et de grec. J’ai finalement opté pour la philologie classique. Et après, j’ai quand même fait un an d’études forestières dans une école provinciale à Chimay. Quand j’ai entamé ma vie professionnelle d’enseignant, j’ai fait les deux : enseigner trois jours par semaine et m’occuper de forêts les deux autres jours.
C’est une longue histoire…
Je faisais de la photographie dans un territoire que l’on appelait alors les Chasses royales. Elles étaient gérées par le garde du roi Baudouin. Chaque fois qu’il me croisait, il me rappelait que je ne pouvais pas m’y promener… Mais j’y revenais le lendemain. Un jour, le garde m’a annoncé que le roi Baudouin ne souhaitait plus exercer son droit de chasse sur ce territoire. Ce garde a rejoint le Roi sur le territoire de Ciergnon. Un Conseil de gestion des chasses de la couronne a été constitué et le baron Evence Coppée en est devenu le président. Je ne le connaissais pas. J’ai pris ma plus belle plume et je lui ai écrit ma passion pour ce territoire. Il m’a invité chez lui, à Bruxelles. Il m’a expliqué que le Roi souhaitait changer l’approche de la forêt. Evence Coppée m’a chargé d’une mission : appliquer la vision de Baudouin sur les 80 hectares qu’il venait d’acquérir au milieu de ce territoire royal. L’objectif étant d’étendre cette approche sur les 4 000 hectares des Chasses de la Couronne actuelles.
L’approche du Roi Baudouin était assez novatrice…
Il faut rappeler qu’à l’indépendance du pays en 1830, quatre forêts avaient été octroyées au Roi des Belges : la forêt de Soignes, Ciergnon, l’Hertogenwald (à la frontière allemande) et Saint-Michel-Freyr, ici à Saint-Hubert. Au départ, le Roi était propriétaire et y exerçait le droit de chasse. Au fil de l’histoire, Saint-Michel Freyr est devenu, pour moitié, propriété de l’État belge, l’autre moitié a été cédée à une douzaine de communes de la province du Luxembourg et à des familles privées qui avaient rendu service à la Couronne. Il y avait donc ici deux territoires : Freyr communal et Freyr privé.
Baudouin chassait peu…
Oui, mais la chasse de Ciergnon devait être maintenue : une famille royale en Europe doit disposer de ce type de territoire pour accueillir ses amis et relations. Mais il considérait qu’il fallait tenir compte de l’évolution des mentalités. Il a donc évoqué trois souhaits. D’abord, que le territoire soit géré de manière pilote, que l’on y crée des habitats favorables à la grande faune. Ensuite, que l’on s’éloigne de la chasse hobby ou passion pour aller vers une chasse de gestion. Enfin, qu’il y ait une réflexion sur l’ouverture de ce territoire au public.
On connaissait le roi politique, éthique, spirituel. On lui découvre une autre dimension…
Il y avait, au centre du domaine, un mirador discret que l’on appelait le mirador du Roi. Baudouin demandait souvent à son garde-chasse de le déposer là. Il y restait trois ou quatre heures seul, avec comme seule “arme”, un appareil photo. Pas de carabine. Il y avait cette volonté de ressourcement, d’apaisement devant des paysages d’une rare beauté.
Vous êtes aujourd’hui gestionnaire de Nassonia, un territoire de 1650 hectares, assis sur la forêt domaniale Freyr, non loin de Saint-Hubert. Comment êtes-vous arrivé là ?
Un des fils d’Evence Coppée, Benoît, m’a proposé de rencontrer Eric Domb, le patron de Pairi Daiza. Il nous a expliqué qu’il avait créé le jardin dont il avait toujours rêvé : “J’ai enfermé la biodiversité du monde entier dans des cages, je la fais voir par des millions de personnes. J’ai envie de renvoyer l’ascenseur et d’offrir quelque chose en retour”. Il cherchait une forêt sur laquelle on laisserait la biodiversité wallonne s’exprimer, où il serait possible d’encourager des recherches sur les grands défis environnementaux et les changements climatiques. Acquérir un tel territoire en Région wallonne s’avérait impossible. Deux ans plus tard, la chasse sur le territoire de la commune de Nassogne a été à louer. Ce premier épisode a échoué. Au lendemain de l’échec, le ministre René Collin a proposé que le projet, baptisé Nassonia, se réalise sur la forêt domaniale de 1650 hectares qui appartient à la Région wallonne et sur laquelle la chasse est cadrée puisqu’il s’agissait de la chasse pilote souhaitée par le roi Baudouin. Une convention a été passée entre la Fondation Pari Daïza et l’administration forestière de la Région wallonne pour cogérer la forêt.
Quelle est la conception de la forêt sur Nassonia ?
La forêt a trois fonctions : écologique, économique et sociale. Ici, il nous est demandé de mettre le curseur au maximum sur le volet écologique et de réfléchir à une transition économique. Une forêt rapporte à son propriétaire par deux biais : les filières chasse et bois. Miser sur ces deux sources de revenus devient précaire : il y a des crises de scolytes sur les épicéas et des sécheresses successives avec des épisodes de stress hydrique tous les étés depuis presque dix ans. Du coup, la hêtraie se fatigue et une série d’essences se fragilisent, dépérissent. Les revenus provenant des bois se réduisent. Quant aux revenus chasse, ils sont aléatoires : il y a eu la crise de la peste porcine africaine. Par ailleurs, certaines communes se rendent comptent que les revenus, parfois indécents, issus des locations à des sociétés de chasse, rendaient les chasseurs en attente d’un “retour sur investissement” par des tableaux pléthoriques. Ces appétits de tableau font que le nombre d’animaux nécessaires à la chasse est incompatible avec la régénération de la forêt et à sa résilience, fragilisée par les changements climatiques. Certains bourgmestres comprennent ces dangers.
La filière bois est-elle en voie d’extinction ?
Non. Mais sur notre territoire, nous travaillons avec des pincettes. Il nous arrive de “sortir” de la forêt de Saint-Michel, et de manière presque “chirurgicale”, trois ou quatre chênes par an qui ont une valeur inestimable : ces fûts, ces troncs, valent plus de 10 000 euros pièce. L’enjeu est de privilégier la qualité et non de chercher la quantité. Et tout est une question de temporalité. Un chêne est nommé sur ce territoire : c’est le chêne Michel. Il faut être à quatre pour faire le tour de son tronc. Pour créer ce chêne-là, le gland est tombé un jour au sol… avant la Révolution française ! Quand le gland est tombé, la quantité de gaz à effet de serre était le même que depuis la dernière glaciation. Cela nous projette dans une dimension hors de la nôtre. Nous avons décidé que lorsque l’on extrayait un chêne comme le chêne Michel de la forêt, nous devions en replanter mille. Car au fil des ans, ils vont se sélectionner entre eux. Si vous allez en France, dans la forêt de Tronçais, vous marchez au milieu de chênes plantés par Colbert.
“Certains propriétaires privés défendent leur patrimoine avec passion”
Si les revenus des filières “chasse et bois” se réduisent, quels pourraient être les autres ?
Deux sources sont possibles. La première, c’est le tourisme. Mais les revenus sont plus diffus que ceux liés au bois ou à la chasse. Le soir d’une vente de bois ou d’une location de chasse, le bourgmestre sait ce qu’il recevra. Les revenus du tourisme proviennent des taxes sur les secondes résidences, sur les gîtes, sur les hôtels, les restaurants. Le tourisme permet de maintenir du personnel de cuisine, qui vit ici, qui crée des familles, qui ont des enfants, qui vont à l’école, qui assurent le maintien d’un instituteur, etc. L’autre source de revenu est ce que l’on appelle les services écosystémiques rendus par la forêt. On sait le rôle de la forêt sur la captation du CO2, le maintien d’une ambiance forestière de fraîcheur lors des canicules, les sols respectés qui évitent l’érosion, qui permettent la percolation de l’eau dans les nappes aquifères, la pollinisation, etc. Ces rôles sont rendus à la nature et à l’homme par la nature depuis une éternité. À ce point que l’on ne les a quasiment jamais pris en compte. Et qu’on les méprise au profit de ceux qui rapportent à court terme.
Ces revenus sont difficilement quantifiables…
Oui, car dans certaines communes, il arrive que 30 % du budget communal dépendent des locations de chasse et des ventes de bois. Il faut donc essayer de concilier cette vision “fin du monde” avec la “fin du mois” du bourgmestre. Cette notion de temporalité est majeure en environnement, elle explique beaucoup de blocages.
Y a-t-il une menace réelle sur la forêt wallonne ?
L’Ardenne centrale est couverte à 80 % de hêtres et d’épicéas. Ces essences ont besoin d’un niveau de pluviométrie lisse, toute l’année. C’était le cas, avant, en Belgique. Les stress hydriques que nous connaissons d’avril à septembre affaiblissent les épicéas. Ils émettent des signaux chimiques perçus par des insectes qui viennent les euthanasier : ils creusent des galeries et l’arbre meurt en quelques jours. Le hêtre a été programmé pour avoir un coup de chaleur tous les cinquante ans. Ils avaient alors 49 années pour s’en remettre. À présent, c’est chaque année. Ces essences-là ont beaucoup de difficulté à survivre : 80 % de l’Ardenne va changer de physionomie vers les années 2050 ou 2070. C’est maintenant qu’il faut planter la forêt des siècles prochains. Les glands que nous avons plantés seront de tout jeunes adolescents en 2070.
Faut-il planter ces arbres ou des arbres capables de résister aux changements climatiques ?
Plus on augmente la diversité, plus on a des chances de s’en sortir. Certaines essences ont des caractéristiques de plus grande résistance : le chêne sessile peut aller chercher l’eau en profondeur. Il pousse déjà sur des versants secs. Il faut voir aussi les essences qui ont la plus grande amplitude : le chêne, le bouleau, il y en a depuis la Sicile jusqu’en Norvège. Nous pouvons donc aider la nature et pratiquer la migration assistée en plantant ici des essences vaccinées, voire totalement exotiques (des cèdres de l’Atlas ou du Liban) et qui pourront pousser sous nos latitudes. En réalité, il y a deux écoles. L’une dit : arrêtons de jouer aux apprentis sorciers et laissons la nature choisir ses voies. C’est la logique du “laisser faire”. Sur Nassonia, il y a des parties substantielles pour lesquelles nous avons adopté cette logique. L’autre logique est plus interventionniste : il y a des endroits où les écosystèmes sont à ce point épuisés qu’il faut aider la nature. Là où les arbres, en tombant, ont donné des puits de lumière, nous allons replanter. Dans notre masterplan, notre leitmotiv, c’est “laisser faire, sinon agir”.
Il y a des propriétaires de domaines privés qui ont déjà intégré ces réflexions et qui sont d’excellents gestionnaires de patrimoine.
Totalement ! Je n’oppose pas, jamais, notre modèle à celui que certains pratiquent déjà. Il y a des propriétaires privés qui ont un attachement profond à leur patrimoine, qui le défendent avec passion. Ils perçoivent les enjeux et n’ont évidemment pas attendu Nassonia pour se révéler. Face à ces personnalités, nous faisons vraiment profil bas. Nous avons juste la chance que des politiques nous ont permis de tester une conception de la forêt sur un grand territoire et sur une durée “longue” : 80 ans. Nous le ferons avec beaucoup d’humilité, d’écoute. Je pense qu’on est arrivé à un tel degré d’incertitude que plus personne ne sait exactement ce qu’on doit faire avec une forêt. Dans le panel des solutions, on nous a demandé, à Nassonia, de tester la naturalité.

“Il faut rééduquer à la dimension du collectif. Ce sont des élargissements de cercles par rapport à notre nombril. Et des élargissements de temps…”
Certains ont peur que Nassonia devienne une sorte de parc d’attractions à la Pairi Daïza…
Les citoyens, qui participent à notre projet, ont insisté sur le fait que cette forêt était domaniale, publique et devait le rester. Il n’y aura donc jamais un village de chalets, de cabanes perchées… Jamais. Ja-mais. Et Eric Domb n’a jamais parlé de cela. C’est la dernière chose à laquelle nous pensons.
On vous présente souvent comme la bête noire des chasseurs. Pour que les choses soient claires, êtes-vous opposé à la chasse ?
Le problème avec les représentants officiels des chasseurs est que dès que vous avez un avis plus nuancé ou différent sur la pratique, vous êtes instantanément considéré comme un opposant à la chasse. Donc, je ne suis pas un “anti-chasse” : j’ai été garde-chasse pour la famille Coppée pendant vingt ans, j’ai fait tirer beaucoup de cerfs. Dans notre pays, la chasse est un véritable outil de gestion. Donc, je le dis : je suis foncièrement pour la chasse. Mais je suis tout aussi contre une certaine forme de chasse. On ne peut pas s’opposer à la manière dont les chasses de la Couronne sont gérées par l’administration forestière, conformément au souhait du roi Baudouin. Mais des chasses où chacun des 36 chasseurs, qui ont chacun payé 2 000 euros, doit chacun tirer trois sangliers, cela me paraît inaudible. Cela empêche la forêt de se préparer au siècle qui s’ouvre. C’est une chasse qui est socialement indécente, très monopolistique de l’espace commun. Il y a des chasseurs qui ont intégré cet état d’esprit. Il n’est même pas exclu qu’ils soient majoritaires. Mais cette majorité est horriblement silencieuse.
Votre ressourcement se passe-t-il en forêt ?
En 2000, ma passion, la forêt, est devenue mon métier. Avant, je soldais en forêt les soucis de mon métier d’enseignant. Je n’ai toujours pas trouvé la solution aujourd’hui : où soigner mon inquiétude sur l’évolution de la forêt ? Dois-je me ressourcer là où le problème se pose ? Le fait de voir la forêt dans un tel état est une source d’inquiétude. Et m’y promener est moins une source de quiétude que ce ne le fut. Je suis un animal dépendant de la lumière. Tout l’été, je suis dehors à quatre heures et demie du matin. L’hiver, je dors. J’ai senti, moins maintenant, que mes aurores avaient changé de goût, je revenais des promenades avec la tête aussi voire plus encombrée. La photo reste un moyen dérivatif, une sensation de déconnexion intégrale. Peut-être l’écriture…
En qui croyez-vous ?
À une verticalité, à une transcendance, certainement. L’habit importe peu. J’ai eu une éducation catholique dense. Je ne me retrouve plus dans ce schéma. Mais je n’ai pas d’autres explications à un besoin permanent de se hisser que la croyance dans une transcendance. En moi, il y a une partie substantielle de mon grand-père. Et dans ma petite-fille et mon petit-fils, il y a une partie substantielle de moi. Il y a là une forme d’éternité.
Pensez-vous à la mort ?
Très souvent. Aucun épisode de l’humanité n’a vraiment été souriant. Me revient souvent en mémoire le livre Narcisse et Goldmund de Hermann Hess. L’action se déroule au Moyen Âge, lors d’un épisode de peste. Il y a des similitudes étonnantes avec la période que l’on traverse. Le héros ne sort de l’horreur que par la recherche du beau. Derrière la disparition d’une personne, il y avait une forme de continuum du genre humain.
Qu’est-ce qui vous a construit ?
Surtout des rencontres : des professeurs fascinants en secondaires, de grands personnages qui m’ont ouvert des rencontres littéraires. Et des jalons, des rencontres avec quelques personnes. Des amitiés rares mais fortes. Plus récemment, des livres.
Si la forêt pouvait parler, que dirait-elle ?
Probablement : laissez-moi faire. Et sauvez-moi. C’est notre slogan, notre philosophie : laisser faire, sinon agir. Elle nous dit : vous allez dans le mur et à une vitesse qui ne permettra pas de réagir. L’écosystème part en vrille. Projetez-vous à une échelle qui dépasse la vôtre, en termes de temporalité. Nous vivons dans un siècle où la valeur du moi, de l’individu, a pris une dimension énorme. Mais il faut rééduquer à la dimension du collectif. Et repenser l’écosystème dans lequel cette humanité vit. Ce sont des élargissements de cercles par rapport à notre nombril. Et des élargissements de temps. Cela dépasse notre mode de réflexion.
N’est-ce pas frustrant ? Vous ne verrez pas le résultat de votre travail.
Non. J’ai une patience infinie. Les jours où je doute, je vais m’appuyer contre un chêne, et ce doute s’en va.
Du côté de chez Proust
Quelle est votre vertu préférée ? La patience.
La qualité que vous préférez chez un homme ? L’empathie.
Chez une femme ? La tendresse.
Votre principal défaut ? Un manque de foi.
Votre principale qualité ? La patience.
Votre rêve de bonheur ? L’équilibre.
Quel serait votre plus grand malheur ? Une scission dans mes proches.
Votre auteur préféré ? Hermann Hess et son obsession de la recherche du beau.
Votre compositeur préféré ? Bach.
Votre héros dans la fiction ? Don Quichotte.
Ce que vous détestez par-dessus tout ? L’hypocrisie.
Le don que vous auriez aimé avoir ? La musique.
Comment aimeriez-vous mourir ? Apaisé.
Quelle est la faute, chez les autres, qui vous inspire le plus d’indulgence ? L’impatience.
Avez-vous une devise, une phrase qui vous inspire ? Atteins l’inaccessible étoile.
Biographie
1959 Naissance le 8 avril.
1982 Diplôme de philologie classique et d’étruscologie. Ensuite, études forestières.
Partage son temps entre l’enseignement et la forêt.
Prix Jacques Lacroix de l’Académie française (1 998) pour son livre sur La Cigogne noire.
1998 à 2013 Président d’Inter environnement Wallonie.
2013 Prix du Wallon de l’année.
2018 Gestionnaire du projet Nassonia
