"Le jeune universitaire" n’est pas toujours celui que l’on croit
"Le jeune universitaire" n’est pas toujours celui que l’on croit. Et si on l’accompagnait, alors qu’il devient progressivement un numéro de matricule ?
Publié le 16-11-2020 à 09h43 - Mis à jour le 16-11-2020 à 15h44
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Une chronique d'Audrey Delhalle, assistante d'enseignement à la faculté de droit de l'UCLouvain.
En pleine crise sanitaire, alors que les universités et hautes écoles dispensent la totalité de leurs cours à distance, les jeunes font très souvent l’objet de critiques ou préjugés.
De nombreux étudiants s’entendent rétorquer que leur vie confortable de petit-bourgeois universitaire est - quand même ! - franchement commode par rapport à celle de leurs grands-parents au même âge.
Bien sûr, leurs aînés - qu’ils doivent protéger aujourd’hui - ont vécu les atrocités de la Seconde Guerre mondiale. Bien sûr, le confort supposé d’une chambre, la douceur d’une maison chauffée et le calme généré par la crise sanitaire sont incomparables à l’occupation, aux rationnements, aux bombardements. Incomparables, justement. Les difficultés vécues par ces deux générations sont si différentes, à près d’un siècle d’écart, qu’il semble inutile - pire : contre-productif - de les mettre en lien. Cela revient à nier la réalité de ce qu’ils vivent. Et opposer les jeunes à leurs aînés a pour seul effet de cliver encore un peu plus notre société en crise.
Des étudiants de tous les horizons
Par ailleurs, l’étudiant universitaire est trop souvent associé à la classe moyenne (voire bourgeoise), coincée dans un comportement fêtard, immature, sans conscience des difficultés de la vie et de la valeur du travail. Ils sont pourtant toujours aussi nombreux à exercer un job pour cofinancer ou financer leurs études (et ont souvent perdu cette source de revenus en raison de la crise sanitaire). Et ceux-là, le plus souvent, proviennent de familles plus modestes et/ou peu diplômées.
D’autres étudiants encore souffrent d’un handicap, d’un trouble psychologique grave, d’une maladie dégénérative ou immunitaire… C’est cette pluralité à laquelle il faut songer lorsque l’on évoque "le jeune universitaire". Ceux-là sont, généralement, les derniers à prendre le risque d’organiser une fête sauvage.
Faut-il ajouter qu’un cursus universitaire est particulièrement exigeant et, par conséquent, stressant ? Les échéances se succèdent. Les travaux s’enchaînent. Les cours en ligne sont généralement complexes à suivre malgré la bonne volonté générale du corps enseignant qui, lui-même, est confronté à de réelles impasses pédagogiques. Comment aider un étudiant à garder le cap lorsqu’on enseigne une matière à des… photos de profil ? Progressivement, les étudiants deviennent des numéros de matricule. Le niveau requis à l’examen sera pourtant identique.
Devant un avenir très incertain
Enfin, en sus du contexte économique désastreux, de la crise sanitaire aux limites inconnues, des critiques constantes à leur égard, il y a l’angoisse climatique et une incertitude générale. Contrats de travail précaires, marché immobilier de moins en moins abordable, marché du travail de plus en plus difficile d’accès - le tout couronné par un avenir écologique très flou. C’est pourtant cette génération-là qui défilait dans la rue l’an dernier. Ces jeunes étaient unis par la volonté d’instaurer du changement, portant des revendications qui concernent l’ensemble des citoyens. "Vos actes, à vous les jeunes, sont incohérents avec vos discours !" répliquaient volontiers quelques critiques. Peu importe. Ils en avaient la volonté, la créativité, l’énergie. Aucune génération ne peut se targuer, aujourd’hui, d’être parfaitement cohérente. Et ce sont eux qui subiront le plus les changements sociétaux qui nous attendent.
Plutôt que de stigmatiser, juger, opposer, cliver, accompagnons les jeunes pour que leurs idées, leurs avenirs, leurs luttes aient encore du sens. Et c’est - notamment - au sein du milieu universitaire que cet accompagnement prend tout son sens.
Pensons notamment aux multiples initiatives mises en œuvre par le personnel ou même par d’autres étudiants dans chaque faculté : familiarisation en petits groupes aux exigences universitaires, accompagnement individuel offert par les conseillers pédagogiques, "e-bulles" d’étudiants au sein desquelles liens et partages se créent, suivi spécialisé pour les étudiants dits "à profil spécifique"…
Si la génération silencieuse mérite d’être chérie et protégée, la génération "Z", celle qui a plutôt tendance à sortir du silence pour crier les injustices, mérite d’être comprise et soutenue.
Titre, chapô et intertitres sont de la rédaction.