Petit traité pour mieux comprendre le raisonnement des chefs d'Etat à la santé mentale inquiétante

Certains États sont dirigés par des Présidents à la santé mentale inquiétante. Décelons les différents stades de l’évolution psychique de l’homme pour mieux comprendre le dangereux raisonnement de ceux qui ébranlent la démocratie.

Contribution externe
Petit traité pour mieux comprendre le raisonnement des chefs d'Etat à la santé mentale inquiétante
©D.R.

Une opinion de Philippe Cattiez, psychiatre.

Le monde est dirigé par quelques Présidents présentant des personnalités surprenantes, mais aussi inquiétantes. On peut se poser des questions sur l’état de leur santé mentale, surtout vu les immenses responsabilités qui leur incombent. Pour comprendre la structure psychologique de l’être humain, une petite introduction présentera de façon très schématique et simplifiée les stades psychogénétiques.

Avant toute chose, il faut postuler que chaque personne est anormale, sans pour autant être pathologique (souffrante), car rien de plus redoutable que de revendiquer la normalité pour tous, heureusement aussi impossible qu’inintéressante.

L’évolution psychique

Voici les stades de l’évolution psychique, des plus élaborés aux plus archaïques.

1.Tout d’abord la névrose, qui est certainement le lot de l’immense majorité de nous tous. Nous avons tous des lacunes, avec lesquelles nous nous accommodons avec plus ou moins de bonheur ; ainsi, notre névrose peut ne pas être une souffrance. Mais qui ne dysfonctionne pas un jour ? Si le névrosé vole une orange, il sera pris de culpabilité, et sans doute la rapportera-t-il au magasin. Et s’il ne la remet pas, alors il pourra se sentir mal, avec des symptômes d’anxiété, développer des insomnies ou cauchemars, ou souffrir de symptômes psychosomatiques tels des maux de ventre ou de l’hypertension. 2. Le pervers volera une orange, il sait qu’il vole, mais il déniera ou justifiera son acte : il est assez tentant de chiper un bon fruit d’un petit geste discret puisque le marchand étale ostensiblement sa richesse dans les rayons et ne s’apercevra même pas qu’une orange lui manque. Le pervers est un petit tricheur et menteur : un petit fraudeur qui joue avec les limites, un petit dragueur qui accuse l’autre de le séduire.

3. Le psychopathe volera une orange, attiré sans mesure par l’objet de sa convoitise. C’est sa propre loi qui l’anime, et il fait fi des lois de la cité. C’est un délinquant dans la transgression totale. Et lorsqu’il se retrouve en prison, il ne comprend toujours pas pourquoi, et accusera celui qui l’y a placé. Aussitôt sorti de geôle, il s’empressera de récidiver. C’est un fraudeur sans limite ou un prédateur sexuel sans scrupule.

4. On retrouve la structure la plus archaïque dans la schizophrénie. Ce malade est guidé par les injonctions les plus improbables et incompréhensibles de ses délires et hallucinations. Sa réalité est comparable à ce que nous retrouvons dans nos rêves les plus absurdes. Il volera une orange, pour des motifs les plus farfelus, parce qu’il se prend pour le prince d’Orange, ou de par ses origines hollandaises, ou la chanson de Gilbert Bécaud lui tourne en boucle, sa mère lui a trop dit "Oh, range !" , ou tout simplement parce qu’il est fatigué de s’entendre dire qu’il est une bonne poire ! Certes, il commet un délit, mais sera déclaré irresponsable de ses actes.

5. Mais il existe des pathologies un rien plus élaborées que cette dernière folie. On y retrouve les personnalités narcissiques, les états-limites, ou encore des personnes souffrant de psychoses blanches. Les narcissiques sont des personnes très infantiles, prenant leurs rêves pour la réalité. Avoir raison envers et contre tout est un impératif fondamental, et toute remise en question devient une menace vitale, car risque de provoquer un effondrement narcissique total. Ils façonnent un monde conforme à leur réalité, en dehors du monde réel. Ils affirment dur comme fer ce qu’ils pensent. Mégalomaniaques, ils savent tout sur tout, ils se situent donc même en deçà du mensonge, même si leurs déclarations sont complètement fausses et irrecevables.

Ceux qui nous gouvernent

Venons-en à la personnalité de certains chefs de nation.

Au préalable, posons que tout diagnostic est non seulement difficile à établir, tant la personnalité humaine est complexe, mais également néfaste, car il réduit, dès le moment où l’on enferme, une personne dans une catégorie bien délimitée, ce qui n’existe pas. Car toutes les structures se recouvrent quelque peu.

Certains Présidents omnipotents sont animés d’une personnalité hyper-narcissique. En effet, ils construisent un monde imaginaire en dehors de tout bon sens, persuadés de toujours avoir raison, ne supportant aucune contestation. Ce qui n’est pas vraiment de la paranoïa psychotique, alimentée par des imprécations délirantes et menaçantes. Ils se sentent en danger par la simple remise en question qui pourrait les lézarder jusque dans leurs fondements. Il en va de leur survie. Ils ne sont pas faibles, ne se suicideront pas ; mais ils deviendront colériques et violents, et dans une fuite en avant pouvant appeler la population au meurtre, ou déclarer une guerre.

Un Empereur se sacre lui-même, et s’impose partout, par le feu et le sang.

Président conservateur, il taxe son opposition de "communisme". Président autocrate, il lancera sa police pour mater les "fascistes". Président nostalgique d’un empire perdu ou mythique, il enverra son armée pour réduire les "terroristes".

Ce Président peut se retrouver à la tête de différents régimes politiques.

1. On le retrouve souvent dans les régimes religieux ou autoritaires : car sa place y est facilitée par l’existence d’une justice divine ou totalitaire et grâce aux médias univoques diffusant leurs prédications sacrées ou profanes.

2. Mais il apparaît à présent dans les démocratures, démocraties illibérales. Le Président démontera le pouvoir de la justice et tout autant le contre-pouvoir de la presse télévisuelle ou journalistique.

L’exemple de Donald Trump

Mais quelle surprise en 2016 d’assister dans le pays le plus puissant et le tout premier définitivement démocratique à l’élection présidentielle d’un magnat sans limite.

Et malgré toute sa personnalité archaïque affichée pendant ses quatre années au pouvoir, il a pu se représenter comme chef de file de son parti pour presque réussir son pari de continuer un second mandat. Ceci après avoir nommé des juges partisans et donc partiaux, ou avoir coupé le micro de journalistes (im)pertinents pour ensuite les expulser, ceci pour ne citer que ces excès parmi tant et tant d’autres. Durant sa présidence hyper-narcissique, il protégeait les suprémacistes. Il copinait avec les dictateurs du monde et flattait les ego des despotes, tant il se croit supérieur et le plus puissant parmi eux. Mais il injurie qui lui tient tête. Il doit écraser tous et tout.

Il échoue à présent, ce qui met plus encore en lumière toute sa pathologie que l’on soupçonnait depuis longtemps. S’il avait réussi, peut-être aurait-il eu le culot de vouloir changer la Constitution pour un troisième mandat, ou une présidence à vie, comme d’autres. Il refuse les résultats d’élections démocratiques, et ceci même avant les votes.

Au-delà du personnage lui-même, plus grave et inquiétant reste le fait que la moitié d’une nation le suive aveuglément. Un adage énonce le fait que le populisme se base sur de mauvaises réponses à de bonnes questions. Déboussolée, cette moitié n’attend qu’à se nourrir de fausses informations ( FakeBook ), mensonges ou pseudocertitudes.

Un cercle vicieux s’installe ainsi entre un Président méprisant ses citoyens, et la frustration de ceux-ci qui se sentent de plus en plus inexistants, au point de se référer au pouvoir fort de ce Président, qui procède du clivage manichéen des bons qui sont de son côté et des mauvais qui pensent autrement. Auto-da-fé, acte de foi d’un autre temps.

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