Alexander De Croo: “Devenir Premier ministre ? Sincèrement, j’ai beaucoup hésité…”
Jeune, Alexander De Croo a tout fait pour échapper à son destin : il voulait surtout être Alexander avant d’être De Croo.
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Publié le 26-12-2020 à 07h03 - Mis à jour le 15-01-2021 à 19h04
Michelbeke, commune de Brakel, près d’Audenarde. La vraie campagne flamande. Dans les prés, en contrebas de sa maison, une septantaine de moutons rasent l’herbe. Plus loin, dans les écuries de la maison de ses grands-parents, son cheval s’impatiente : quand il voit son cavalier de Premier ministre, il arrive au trot et frotte sa tête au creux de son bras, l’œil content. Alexander De Croo a toujours vécu dans cette rue. D’abord chez ses parents. Et plus tard, avec sa femme, il a acheté une maison entre celle de ses parents et de ses grands-parents. Demeure qu’il a transformée, agrandie, modernisée. Tout y est épuré, fonctionnel, confortable.
C’est ici qu’il vit et travaille car en ces temps de Covid, les réunions se font beaucoup à distance. Cela lui donne l’occasion de garder un peu de temps pour sa famille, sa femme, ses deux enfants et ses parents dont le parcours l’a beaucoup influencé. Herman De Croo, bien sûr, député pendant un demi-siècle, plusieurs fois ministre, président de la Chambre. Mais aussi sa maman, Françoise Desguin, avocate, féministe, dotée d’une grande curiosité intellectuelle qu’elle a transmise à son fils.
Jeune, Alexander De Croo a tout fait pour échapper à son destin : il voulait surtout être Alexander avant d’être De Croo. Il rêvait de créer son entreprise, ce qu’il fit avec des amis. Jusqu’à ce qu’un jour, il accepte de suivre la carrière politique que certains avaient rêvée pour lui. L’homme est d’une simplicité d’une humilité authentique. Devenir Premier ministre ? Non, ce n’était pas évident pour lui. Il connaît ses limites et ses faiblesses mais sait s’entourer. Une grande qualité. Ses idées pour la Belgique sont claires et rassurantes : permettre aux gens d’être heureux dans un pays qui passerait enfin de l’adolescence à la maturité. Beau programme.

Dans quelle famille avez-vous grandi ?
Une petite famille. Il y avait mes deux parents, ma sœur et une tante, la sœur de mon père, que l’on ne voyait jamais : elle a vécu toute sa vie au Congo et n’a pas eu d’enfants. Ma maman était enfant unique. Ma sœur et moi avons toujours été très complices.
Quel enfant étiez-vous ?
Assez introverti. Et je pense que je le suis toujours. Je n’ai jamais recherché la lumière. Enfant, quand on me demandait qui j’étais, je ne donnais que mon prénom. Je savais que si je disais “De Croo”, un nom peu répandu en Flandre, on me dirait “Ah, tu es le fils de…”. J’ai souvent eu le sentiment que l’on me jugeait par rapport à mes parents et pas par rapport à qui j’étais. Dans tous les choix de ma vie, jusqu’à l’âge de trente ans, je me suis toujours dit : je veux être Alexander et pas De Croo. J’ai souvent fait des choix contraires à mes parents juste pour éviter la comparaison.
On parle souvent de votre papa, Herman De Croo et peu de votre maman qui a eu une grande influence dans votre personnalité.
J’ai toujours eu, encore maintenant, une très bonne relation avec mon père, mais souvent, il était absent, happé par la politique. Pendant toute ma jeunesse, il a été ministre, hyperactif. À l’époque, il passait sa vie en réunion ou sur le terrain. Aujourd’hui beaucoup de choses peuvent se faire à distance et je peux, plus que lui, voir mes deux enfants et ma famille. J’ai passé beaucoup de temps avec ma maman. Elle avait étudié la philologie classique puis elle a fait le droit à la VUB et ils se sont installés dans un bled, ici à Michelbeke. J’imagine que pour elle, francophone, née d’une maman française, cela n’a pas dû être évident, au début. Elle s’est spécialisée dans le droit du divorce. Elle a défendu beaucoup de femmes qui étaient humiliées, battues mais dont les finances ne leur permettaient pas de quitter leur mari. Elle leur répétait qu’elles devaient gagner leur indépendance financière. Il est arrivé qu’un juge la réprimande et lui demande de ne plus encourager les femmes à divorcer.
Quelle langue parliez-vous à la maison ?
Nous parlions le néerlandais. Parfois, entre eux, mes parents parlaient le français. Dès l’âge de 7-8 ans jusqu’à 17-18 ans, j’ai fait des stages d’équitation, de kayaks, avec des Français, dans la Loire, en Dordogne et d’autres régions. Cela durait parfois trois semaines, moi seul Flamand avec des jeunes Parisiens : c’était quand même un peu sportif, ils se moquaient parfois un peu de moi et m’appelaient le flamand rose… C’était efficace, après trois semaines, il m’arrivait de rêver en français. Maman disait, en plaisantant : on apprend une langue entre les draps. Avec maman, encore maintenant, nous utilisons un mixte des deux. Souvent nous commençons une phrase dans une langue et la finissons dans l’autre. Ils m’ont aussi inscrit, ici, à l’école de musique. Je n’avais aucun talent musical. J’ai mis huit ans pour faire les cinq ans de solfège. Je voulais apprendre la guitare, on m’a dit : tu feras la trompette. Un désastre. C’était comme cela avec mes parents : tu commences quelque chose, tu le fais. Point barre. Il n’y avait pas de télévision à la maison. Je trouvais cela un peu dommage car mes copains parlaient beaucoup de ce qu’ils y avaient vu. Mais cela m’a permis de lire beaucoup et de faire des tas d’autres choses.
Vous avez choisi des études d’ingénieur commercial à la VUB et non les sciences politiques…
Mes parents ne m’ont jamais poussé à faire de la politique car ils savaient que lorsqu’ils me poussaient dans un sens, j’allais dans l’autre. Dans leur entourage, souvent, on me disait : Alexander, tu feras comme ton père. Ces commentaires me donnaient l’impression que je n’avais pas de choix dans la vie, que tout était décidé pour moi. Je détestais cela. Moi, je voulais créer ma propre entreprise. Et c’est ce que j’ai réalisé, pendant mes études, avec trois amis : nous faisions des campagnes commerciales pour des petites entreprises. Ensuite, entre 1999 et 2003, j’ai travaillé en tant que consultant en stratégie au Boston Consulting Group, l’un des leaders mondiaux du conseil aux entreprises. Puis, j’ai fait un MBA à la Kellogg School of Management à Chicago. À mon retour, j’ai créé une autre entreprise, un bureau de conseil en matière de droits de propriété intellectuelle, qui est, aujourd’hui encore, active dans le monde entier. J’ai adoré cela, c’est vraiment l’expérience entrepreneuriale que je recherchais.
Et puis… les choses ont changé.
Mes parents m’avaient toujours dit : ne vis pas pour toi-même, mais pour la société et pour les autres. Mes amis (dont Egbert Lachaert, actuel président de l’Open VLD) rigolaient : “Tu dis que tu ne veux pas faire de la politique mais en réalité tu ne parles de rien d’autre. On en a assez : ou bien tu as une opinion et avec l’avantage que tu as, ton nom, tu fais quelque chose avec cela. Ou bien tu te tais !” Je sentais que, malgré tout ce que je me disais, j’avais une fibre politique mais je la gardais à distance parce que tout m’y poussait. Quand mon père m’emmenait à ses meetings, mon sentiment était partagé. Je me disais : non cela n’est pas pour moi. Et d’un autre côté, je réfléchissais : regarde quand même comment il fait…
Vous vous êtes donc lancé en 2009 à l’élection européenne, mais sans aucun espoir d’être élu…
Je voulais juste participer et ne pas être élu, j’occupais la dixième place. Mon père trouvait cela ridicule. J’ai participé à beaucoup de petits débats dans des écoles. Après, je me suis dit : finalement, j’aime bien cela… Un an plus tard, je me suis porté candidat à la présidence du VLD en trio avec Vincent Van Quickenborne et Patricia Ceysens.
Et le nom “De Croo” vous a beaucoup aidé…
Oui, c’est clair, il ne faut pas le nier. Au début, je craignais que mon père ne s’implique trop. Mais je me suis rendu compte qu’il prenait ses distances. Je ne savais pas, connaissant son tempérament, qu’il était capable de faire cela. Chapeau. Et cette mise en retrait m’a aidé. On parle beaucoup ensemble, mais finalement assez peu de politique.
Premier fait d’armes : vous faites chuter le gouvernement Leterme, sur la question BHV, vous provoquez la plus longue crise politique et votre parti s’effondre… Toujours aucun remords ?
Il y avait un problème insoluble, il fallait le régler. Aujourd’hui, on ne parle plus de BHV. Oui il y a eu une longue crise. Mais il y en a eu d’autres. Sur les dix dernières années, la Belgique en a vécu quatre en affaires courantes. Il faut régler les problèmes.
Comment ?
Notre objectif est de mieux faire fonctionner notre pays et de le pousser vers l’âge adulte. Je ne suis pas un nostalgique du pays unitaire. Il faudra régionaliser davantage certaines matières et d’autres devront être mieux coordonnées au niveau fédéral. Tout ne va pas si mal. Les Belges aiment se critiquer : pour cela, ils sont les champions du monde car ailleurs, dans les autres pays fédéraux, même en Allemagne, il y a aussi des difficultés. La question finale est : qu’est-ce qui donne le meilleur service au citoyen et qu’est-ce qui protège le mieux le citoyen ? La taille n’est pas importante, c’est la vitesse qui compte. Comment décider le plus rapidement possible car ce sont les pays qui agissent rapidement qui ont un certain avantage.
Ne faut-il pas aussi recréer des liens entre francophones et flamands ?
Les Flamands et les Wallons n’ont pas une langue en commun. Mais pour le reste, ils ont tout en commun. Il y a des différences entre le Nord et le Sud. Mais il y a aussi des différences entre la Côte et le Limbourg. Les Flamands et les Hollandais ont la même langue mais pas du tout la même culture, on est complètement différents. Quand tous les Belges se mettent ensemble, ils font des choses incroyables. La Belgique est un pays fédéral en puberté, il n’est pas encore mature. À l’âge de la puberté, on peut passer à l’âge adulte ou rester un peu rebelle.

“Les hommes doivent être un moteur du féminisme”
Vous avez entamé votre carrière de ministre en tant que vice-Premier et responsable des Pensions. Pas facile…
J’ai adoré cela. J’ai organisé plus de 160 réunions à travers tout le pays sur la réforme des pensions et le vieillissement. J’expliquais les défis pendant une heure et après, les gens me posaient leurs questions. C’est le format qui me plaît le plus : discuter, sans micro, assis sur un bac de bière, dans une petite salle paroissiale. C’est l’ultime manière de faire de la politique car on a ce lien direct avec les gens. Quand dans une salle, vous voyez des gens qui hochent la tête en signe d’approbation, il n’y a pas mieux que cela ! Parvenir à convaincre, c’est passionnant. C’est ce qui me manque le plus dans cette période Covid : on est entré dans une période aseptisée, on ne peut plus avoir ce genre de contacts directs.
“Le” département qui vous a changé, c’est la Coopération. Après cela, vous avez écrit Le siècle de la femme (Ed. Luc Pire) un vibrant credo en faveur du féminisme…
Je ne connaissais pas le monde de la Coopération. Cela m’a transformé. J’ai vu évidemment beaucoup de misère mais aussi les changements. La manière d’envisager la Coopération datait des années 70. Beaucoup de choses avaient évolué, notamment au niveau technologique. Où utilise-t-on le smartphone pour tout ? Au Kenya, au Bangladesh. Dans les pays en voie de développement, la plupart des payements se font depuis un certain temps par smartphone, de même que la médecine à distance. Ils vont plus vite que nous. Les technologies y améliorent concrètement la vie des gens Nous avons développé des programmes liant les innovations technologiques au développement. La Coopération belge a noué des accords avec la Fondation de Bill Gates dans l’éradication de la maladie du sommeil.
Ce qui vous a le plus choqué, c’est la condition de la femme…
J’ai toujours eu cette sensibilité-là en moi parce que ma maman, qui avait toujours été très active dans les mouvements d’émancipation de la femme, m’en avait beaucoup parlé. Pour moi, le combat pour l’égalité hommes femmes a toujours été une évidence. J’ai toujours été entouré de femmes fortes, ambitieuses : ma maman, mes amies, ma femme. Je pensais que le combat était mené, abouti. En fait non. Le monde du développement m’a rouvert les yeux : l’égalité que je pensais établie n’était pas une réalité. J’ai essayé de comprendre pourquoi, malgré les discours, on n’y parvient toujours pas.
Pourquoi ?
Je pointe deux raisons. On a souvent vu ce dossier sous l’angle des droits : les femmes ont droit à. Oui bien sûr. Mais on peut considérer que les inégalités sont aussi une opportunité manquée. En matière d’éducation, il y a autant d’hommes que de femmes et les résultats académiques des femmes sont meilleurs. Or, l’équilibre ne se retrouve pas dans la société. À quoi cela sert-il d’avoir des femmes les mieux formées et éduquées au foyer ? C’est du gaspillage de talent. Car, et c’est là ma deuxième conviction, l’égalité hommes femmes et le féminisme sont aussi une bonne chose pour les hommes. Les hommes doivent être un moteur du féminisme.
Le chemin est encore long : même si l’égalité est inscrite dans les textes, elle n’est pas une réalité. Il y a peu de femmes parmi les dirigeants, beaucoup de femmes travaillent à temps partiel…
En effet. Ce sont les mentalités qu’il faut changer. Les choses évoluent : Sophie Wilmès a été la première femme Première ministre, notre gouvernement est paritaire. La présidente de la Banque Centrale européenne est une femme, la présidente de la Commission aussi. Je pense qu’il faut utiliser les grands moyens pour faire de ce siècle celui de la femme… Pour cela, il faut surtout convaincre les hommes de jouer un rôle dans ce combat quand ils auront compris que c’est une bonne chose. Pas uniquement d’un point de vue philosophique mais pour la société. Trop souvent encore, les tables où l’on décide sont entourées d’hommes aux cheveux gris et costume bleu. Les tables de décisions plus diverses prennent de meilleures décisions. Il faut à la fois plus de femmes et plus de diversité dans les genres et les origines. J’en suis convaincu.
Et vous, pourriez-vous vous effacer au profit de votre femme ?
Cela m’est arrivé. Lorsque notre premier fils est né, je travaillais à la maison. À ce moment-là, sa carrière était au premier rang. Maintenant, c’est l’inverse. Cela peut encore changer. Pendant quelques années, nous avons travaillé ensemble dans la même société, et la carrière de ma femme allait beaucoup plus vite que la mienne. Elle travaille dans un monde très masculin et je suis très fier de son ascension. Je serais incapable de réaliser ce qu’elle fait aujourd’hui.
“Les politiciens ne font pas assez confiance aux gens”
Qu’avez-vous ressenti quand vous êtes devenu Premier ministre ?
Sincèrement, j’ai beaucoup hésité. J’étais convaincu, avec Egbert Lachaert, que la meilleure formule était d’associer le PS et la N-VA. Mais la N-VA n’a fait aucun effort pour mettre sa vision unilatérale de côté. Et en août dernier, nous nous sommes dit : on ne va pas les laisser détruire notre pays. Il y a eu un déclic. Mais la condition n’était pas que je sois Premier ministre.
Cela aurait pu être Paul Magnette…
Oui, bien sûr. Il y avait une logique pour que ce soit lui, président du plus grand parti, ou moi, libéral flamand. Lorsque nous avons été nommés formateurs, nous avons abattu un travail de titan. Le premier octobre, vers six heures du matin, le travail était terminé. Paul et moi nous nous sommes regardés et nous sommes dit : peut-être qu’on doit se parler. On ne savait toujours pas qui serait Premier ministre… On s’est isolé à deux dans un petit kot réservé aux traducteurs. Cela a duré deux minutes. Dans l’esprit de Paul, les choses étaient claires. Moi, j’avais des appréhensions : en serais-je capable ? Mais je sentais, autour de la table, qu’il y avait de plus de confiance en moi de la part de tous les partis, y compris les écologistes ou le CD&V. En réalité, un moment donné, on sent qu’on n’a pas le choix…
Ensuite… ?
Je ne suis pas sorti du petit kot avec un large sourire aux lèvres. Je me suis dit : waw, qu’est-ce que cela va être ? Puis, tout a été très vite. C’était l’aube. J’ai eu vingt minutes pour aller me raser, me changer dans une chambre d’hôtel, j’ai appelé ma femme, mon père. Mes enfants ont été informés mais avec la consigne : surtout ne dites rien. À l’école, à midi, alors que la nouvelle était officielle, un instituteur a dit à mon fils : mes félicitations à ton père. Et il a répondu, par fidélité à sa promesse : mais ce n’est pas vrai… !
Ce n’est pas la période idéale pour être Premier : le Covid, un gouvernement avec sept partis…
Il y a un lien entre un entrepreneur et un Premier ministre. Ce qui compte ce n’est pas la grande idée, la grande découverte scientifique mais l’attitude. Je suis convaincu qu’on peut faire mieux pour mieux protéger les gens, pour donner plus de possibilités d’emploi, pour organiser les pouvoirs publics de manière plus efficace. Pour moi, l’entreprise et la politique, c’est la même chose. Un leader qui réussit est souvent une personne qui n’a pas peur de s’entourer des meilleurs talents. J’ai toujours fait cela : je fais tout pour être bien entouré. Il faut aussi savoir lâcher, prendre de la distance. Et décider. Parfois ce n’est pas parfait, mais let’s go.
Quelle est votre ambition pour la Belgique ?
Mon objectif est de donner à un maximum de gens la possibilité d’avoir une vie heureuse. Mais la définition d’une vie heureuse, c’est un choix personnel. Dans cette période Covid, il s’agit donc de protéger au maximum la santé des gens et leur situation économique. Cela nous pousse à prendre des décisions qui ne sont pas faciles, pas très libérales : jamais, je n’aurais imaginé imposer un couvre-feu, fermer des commerces, dicter la manière dont ils doivent passer les fêtes. Mais cela ne durera pas, nous sortirons de cette période. Je pense aussi qu’il faut accentuer la mobilité sociale en Belgique. L’émancipation, par exemple chez les personnes issues de la migration, est insuffisante. Des jeunes de la troisième ou quatrième génération fréquentent nos écoles, nos clubs sportifs et après cela, quand ils cherchent un emploi, ils sont discriminés. Cela ne va pas. La très grande majorité ont de bonnes intentions. Les gens qui font de la politique ne font pas assez confiance aux gens. Moi, j’ai cette particularité, je fais confiance même si parfois je rentre dans le mur.
Le problème n’est-il pas inverse : les gens ne font plus confiance aux hommes et aux femmes politiques… !
Correct. Mais si on donne de la confiance, on reçoit de la confiance. Dans les sondages, on voit que les gens respectent les règles. Mais la presse, met souvent l’accent sur ceux qui ne le respectent pas… ! Ceux qui crient le plus fort sont une minorité. Cette période Covid nous fait aussi redécouvrir notre vulnérabilité humaine. Nous nous croyions invincibles. Eh bien non. On ne s’en sortira qu’ensemble. Pour soi-même et pour les autres. J’espère que l’on gardera cette mentalité, cette notion d’intérêt général d’un point de vue médical. Il faut convaincre les gens que ce concept d’intérêt général est important pour la santé mais également pour la société. Or l’intérêt général est une notion qui avait régressé dans une société de plus en plus atomisée.

“L’échec fait partie du succès”
Comment vous ressourcez-vous ?
Je fais beaucoup de sport. Je nage, je cours, je fais du vélo, avec mon fils. Pour l’instant, c’est moi qui suis devant, cela ne durera plus très longtemps… Je monte à cheval aussi. Pour me sentir bien dans ma peau, je dois pouvoir faire du sport. Il n’y a plus d’événements sociaux, donc je gère mieux la vie entre le travail et la vie de famille. Avant, je lisais beaucoup. Maintenant moins car je lis déjà toute la journée, pour des raisons professionnelles. Je lis en vacances. Je viens de terminer Les téméraires, de Bart Van Loo sur l’histoire des ducs de Bourgogne : fantastique. Il faut le lire.
Quel est pour vous le sens de la vie ?
Une vie ne se vit pas seul. La question est : quel impact positif sur les autres peut-on avoir ? Ce qui est important, pour moi, ce sont ma femme, mes enfants, ma famille. Mon engagement. Quand j’étais chef d’entreprise, j’ai eu le sentiment d’un manque, celui d’être utile.
Qu'est-ce qui vous a construit ?
Mes parents, avec leur caractère très différent. Ma maman m’a donné cette curiosité, cette envie de découvrir, d’apprendre. Mon père m’a appris le sens de l’intérêt général. J’ai eu beaucoup de chances de grandir ici, avec des parents qui m’ont beaucoup poussé à me dépasser par rapport aux possibilités que j’avais.
Vous êtes donc un homme heureux ?
Oui, mais c’est quoi être heureux ? Dans ce que je vis, oui. Mais peut-être y a-t-il un autre niveau que je ne connais pas.
En qui, en quoi croyez-vous ?
Enfant, j’étais très sceptique par rapport aux religions. Maintenant, je suis plus tolérant. Je crois en l’être humain. En la créativité et en la possibilité de résoudre chaque problème. On le voit dans cette période : on a trouvé cinq vaccins en un an, c’est incroyable.
Pensez-vous à la mort, parfois ?
Oui, car elle se rapproche, surtout en cette période. La question est de savoir si au moment de partir, on est satisfait de ce que l’on a fait. Pour l’instant oui. Il ne faut pas regretter ce que l’on fait : on apprend toujours. L’échec fait partie du succès.
Qu’y a-t-il après la mort ?
Rien. Mais je peux me tromper.
Quels vœux formulez-vous pour la Belgique et les Belges ?
Que l’on puisse, vaincre ensemble, j’insiste ensemble, le Covid. Que l’on puisse à nouveau avoir une vie sociale, boire des bières ensemble, se serrer dans les bras. Et que l’on sorte de cette vie aseptisée. Cette méfiance à l’égard des autres est difficile à vivre. Je déteste cela, mais on n’a pas le choix.