Nous allons apprendre à nous réinsérer dans un monde collectif
Pour les étudiants à l’université aussi. L’Autre ne sera plus une menace, mais une promesse.
- Publié le 10-02-2021 à 10h49
- Mis à jour le 11-02-2021 à 16h12
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Une opinion de Vincent Gabriel, conseiller pédagogique à l'UCLouvain, Faculté de Philosophie Arts et Lettres.
Cela va bientôt faire un an que nous devons toutes et tous apprendre à vivre sans l’Autre. À l’université comme ailleurs, on ne compte plus le nombre de mesures destinées à nous protéger depuis les dix mois de lutte contre le virus. Parmi elles, l’enseignement à distance, dont on a déjà longuement exposé les limites et les conséquences désastreuses pour les étudiants. Si ces dispositions restent, bien entendu, nécessaires pour infléchir la courbe des contaminations, il est néanmoins indispensable d’en mesurer les effets et, surtout, de réfléchir à l’avenir de nos étudiants.
En effet, on ne rappellera jamais assez que ceux-ci se sont vu privés de ce que beaucoup considèrent comme les meilleures années de leur vie. Comment aurions-nous réagi si, à 18 ou 20 ans, on nous avait imposé de rester cloîtrés chez nous, sans pouvoir voir d’amis, se rendre en cours, faire un sport collectif ou faire la fête, pendant au moins un an ? En toute honnêteté, aurions-nous tous été si courageux qu’eux ?
Applaudir l’abnégation
Il est certain que les lockdown parties et autres manifestations publiques - évidemment surmédiatisées - sont regrettables. Mais le fait est là : elles ne concernent qu’une minorité d’étudiants et ont malheureusement contribué à stigmatiser cette catégorie de population en la qualifiant d’irresponsable et d’égoïste. Il nous semble essentiel, au contraire, de reconnaître et d’applaudir la force de caractère, la ténacité et l’abnégation de tous ces jeunes restés chez eux, à qui l’on demande toujours de "tenir le coup", loin de toute vie sociale et privés de perspectives d’avenir. Merci à eux pour leur courage, dont on a trop peu parlé.
Les conséquences de cette pandémie sont bien entendu innombrables et n’ont pas touché que l’enseignement. Cependant, dans tous les secteurs de la société, elle a permis de mettre en exergue l’incroyable force de résilience collective qui sommeillait en nous. Enseignants, assistants, étudiants et administratifs, nous nous sommes adaptés à ce distanciel avec une vitesse remarquable. Restant bien entendu conscients des souffrances individuelles et collectives générées, nous estimons essentiel d’exploiter cette énergie, cette force de changement positif bien présente pour surmonter, ensemble, les nouveaux défis qui se présentent à nous.
Plus une menace mais une promesse
Car le lien social et humain, au cœur de la relation pédagogique et de la pratique de l’enseignement, a indubitablement souffert des mesures sanitaires. Il sera donc essentiel d’accompagner les étudiants, restés isolés et figés derrière un écran tous les jours de la semaine depuis plusieurs mois, ainsi que d’œuvrer à la reconstruction de ce lien si précieux pour nous tous. Bien plus, après avoir appris, forcés et contraints, à vivre isolés et confinés, nous allons progressivement devoir réapprendre à nous réinsérer dans un monde collectif dans lequel l’Autre ne serait plus une menace, mais une promesse.
"Comment faire ?"
À cet égard, les questions sont multiples. Comment accompagner nos étudiants dans cette transition ? Comment les inviter à s’ouvrir à cet Autre si riche par sa diversité et sa complexité ? Comment accompagner ceux, malheureusement trop nombreux, touchés directement ou indirectement par la pandémie ? Comment œuvrer au mieux à la réinsertion et à la remotivation d’un nombre sans cesse grandissant d’étudiants en décrochage ? Comment les aider à retrouver du sens à ce qu’ils font ? Telles sont les interrogations sur lesquelles nous nous invitons à méditer dès aujourd’hui, afin de pouvoir les relever au mieux collectivement.
>>> Les intertitres sont de la rédaction.