Kristof Calvo: "En politique, il y a trop de promesses et pas assez de grandes idées"
Voici les états d'âme d'un homme amoureux de son pays, la Belgique, qui aurait pu être footballeur professionnel, mais qui a choisi de consacrer sa vie à son autre passion: la politique. Entretien.
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Publié le 11-04-2021 à 07h58 - Mis à jour le 09-06-2021 à 16h31
Deux passions: le foot et la politique
La Haye. Des jonquilles par milliers sur les plates-bandes. Une ville à taille humaine. C’est ici que Kristof Calvo, député Groen, s’est réfugié pour un "Erasmus politique".
Avant les élections de 2019, certains le voyaient Premier ministre… Il a négocié, pour son parti, la formation du gouvernement De Croo. Il devait être vice-Premier ministre. Cachotière, la présidente de parti, Meyrem Almaci, en a décidé autrement et propulsé Petra De Sutter. Un choix non contestable. Mais la manière dont Kristof Calvo a été écarté a manqué d’élégance.
Il a donc choisi de prendre un peu de distance, à La Haye. À leur demande, il a intégré le bureau scientifique des verts hollandais, qui ont entre-temps essuyé une lourde défaite aux élections, dépassés par leur rival D66, les libéraux de gauche, convertis à l’écologie. Déserteur Calvo ? Il s’en défend, affirme qu’il s’investira tout autant qu’avant au Parlement belge et, multipliera les questions, les interpellations. Il n’est plus chef de groupe.
Dans son appartement sobre, où s’accumulent ses livres de référence dont De meeste mensen deugen ("La plupart des gens sont bons"), de Rutger Brugman, il réfléchit, écrit, prépare des documents pour la prochaine réforme de l’État, qu’il voudrait si pas définitive en tout cas à ce point structurante qu’elle tienne bon quelques années, quand même. D’origine espagnole, Kristof Calvo est sans doute un des parlementaires les plus "belges" que l’on connaisse. On a tout fait, déplore-t-il, pour séparer Flamands, Wallons et Bruxellois. Il faut favoriser les rencontres entre les gens, les partis, les sportifs, les artistes et surtout, développer la connaissance des langues. L’amour pour son pays est seulement dépassé par celui qu’il porte, ému, à ses parents. Il aurait pu être footballeur professionnel. Mais il a choisi de consacrer sa vie à son autre passion : la politique.

"Je pense que je suis une "bête politique", mais je ne sais pas si ma carapace est assez dure"
Dans quelle famille avez-vous grandi ?
Une des plus chaleureuses au monde ! Mon nom complet est Calvo y Castañer. Mes grands-parents sont originaires de Barcelone. Ils sont arrivés en Belgique en 1960 pour travailler et donner un avenir à leurs enfants. Ils se sont installés à Boom. J’ai un frère, Jordi, dix ans plus âgé que moi. Mon père est un homme chaleureux, un peu introverti mais sévère… Il a travaillé toute sa carrière chez Atlas Copco, il est entré comme magasinier, à l’âge de 16 ans et n’a jamais cessé de progresser dans l’entreprise. Il n’a pas eu l’opportunité de finir ses études : c’est sans doute pour cela qu’il était si sévère avec ses enfants. Quand j’avais un 8/10, il me demandait pourquoi je n’avais pas un 9, quand j’avais 9, pourquoi je n’avais pas un 10… Ma mère est plus douce.
Quel enfant étiez-vous ?
Actif, sociable et en même temps un peu renfermé. J’ai deux passions dans la vie : d’abord le foot et puis la politique. Je m’y suis toujours investi à 150 %. Quand j’étais en cinquième primaire, j’ai joué au KV Mechelen : je m’entraînais cinq à six fois par semaine avec des talents comme Steven Defour et Marvin Ogunjimi.
À l’école ?
Premier en primaire, dernier à la fin du secondaire… J’étais très occupé, je jouais beaucoup au foot, j’organisais le festival de l’école, je m’étais lancé en politique. L’école primaire était proche de la maison. Je rentrais à midi et je m’amusais à téléphoner aux équipes professionnelles de football mais aussi aux présidents de parti, aux ministres… Mes parents avaient des notes de téléphone salées. Un jour, on m’a passé Steve Stevaert, alors ministre. J’envoyais beaucoup de lettres aussi, je recevais quelques réponses. La plus convaincante fut celle de Mieke Vogels, présidente d’Agalev (l’ancien nom de Groen, les verts flamands), qui m’a envoyé le programme du parti. Quelques années plus tard, une délégation est venue chez moi pour discuter.
Comment vous est venue cette passion pour la politique ?
Le dimanche, à la maison, était déjà le sommaire de ma vie : nous regardions "De zevende dag" puis "Sport week-end" et "Stadium". J’ai fait des études de sciences politiques à l’Université d’Anvers et un master en communication politique. Je n’étais pas un étudiant très assidu. En 2006, j’ai fait une première campagne pour les élections communales et provinciales. La première réunion locale à laquelle j’ai participé, il n’y avait que deux personnes… Après j’ai obligé tous mes copains, qui étaient totalement apolitiques, à me rejoindre chez Jong Groen. Il fallait du monde sur les photos. En 2007, je suis devenu président de Jong Groen ! Cela a été une formidable expérience politique et humaine. Je devais définir un projet, gérer un groupe de personnes, prendre des responsabilités, participer à des débats, recruter des volontaires. Les réseaux sociaux n’existaient pas. Rédiger un communiqué de presse, c’était déjà sexy.
Votre ambition était-elle de faire de la politique votre métier ?
Dans les vestiaires du KV Mechelen, tout le monde rêvait d’être joueur de foot professionnel. Moi, je préférais m’engager en politique. J’ai été élu député à 23 ans, en 2010 sur le fil du rasoir. Si je n’avais pas réussi cette élection, j’aurais fait autre chose et je ne serais pas devant vous aujourd’hui.
Vous avez été réélu en 2014 et en 2019…
Oui, mais je crois que j’ai eu aussi besoin du hasard. Dans la vie, on a toujours besoin des autres, du hasard. Mon premier "win for life", c’est le déménagement de mes grands-parents en Belgique. Le deuxième, c’est le professeur qui a appris le néerlandais à mon père. Le troisième, ce sont mes parents qui m’ont donné l’opportunité de faire des études. Bien sûr, il faut de l’énergie, de l’investissement personnel, un certain talent. Mais personne n’est selfmade, pas même Marc Coucke ou Lukaku : tout le monde rencontre des gens qui vous aident dans la vie. Certains disent que l’on est l’unique auteur de sa biographie, de sa vie : je pense que c’est faux.
En 2020, vous avez négocié, pour Groen, la formation du gouvernement. Mais à la surprise générale, vous n’avez pas été choisi par votre parti pour entrer au gouvernement alors que vous étiez dans tous les pronostics. Une blessure ?
Et il faut relativiser. Ce problème n’est pas le plus important du monde. Mais j’ai dû apprendre beaucoup de choses ces derniers temps. Je suis devenu plus modeste qu’avant, plus réfléchi. La campagne électorale avait été difficile : c’était un peu tous contre Groen et contre moi. La signature du Pacte de Marrakech grâce à une majorité parlementaire alternative - une réussite - a provoqué une campagne très dure du Belang et de la N-VA à mon égard. Je recevais sans arrêt des messages, des mails de haine. J’adore la politique, je pense même que je suis une "bête politique", mais je ne sais pas si ma carapace est assez dure.
En voulez-vous à certaines personnes dans votre parti, à votre présidente, de vous avoir empêché de devenir vice-Premier ministre ?
On peut être fâché contre les autres mais il faut aussi se regarder, s’interroger. Cela dit, le choix de Petra De Sutter, en tant que vice-Première ministre, est aussi un choix positif : j’ai été un des premiers à la féliciter. Sincèrement. Ce qui m’a heurté, ce n’est pas ce choix, mais la manière dont ce choix a été opéré. J’ai été le dernier à être informé que je ne serais pas proposé. Mais je le répète, il y a des choses plus importantes et plus dures dans la vie que de rater un poste ministériel.
Après cette non-nomination en tant que ministre, vous avez choisi, tout en restant député belge, de travailler pour le Bureau scientifique des verts hollandais. Or, vous dénonciez fermement l’absentéisme de Bart De Wever qui ne venait jamais à la Chambre…
Je comprends la question. On peut y voir une certaine incohérence, un hiatus entre la position des verts sur le décumul et le choix que j’ai fait. Mais j’insiste : je ne quitte pas le Parlement belge, j’y resterai actif. Vous le constaterez. Beaucoup de réunions se tiennent par visioconférences. Je suis en train d’écrire des propositions de loi, des résolutions à la Chambre. J’ai choisi une combinaison entre la Chambre en Belgique et un travail à La Haye parce que je pense que cela peut m’inspirer. Je crois sincèrement que je peux devenir un meilleur parlementaire grâce à l’expérience et au ressourcement que je vis ici. Quand on est chef de groupe, comme je l’étais, il faut s’occuper des querelles politiques, des tweets, d’Instagram. J’ai fait cela pendant dix ans, je ne regrette rien, mais je ne veux plus faire de la politique comme cela. Pour restructurer mes pensées, je voulais travailler au fond, quitte à passer pour un parlementaire old school. Je cherchais de l’oxygène. Un peu de distance, cela peut aider. Il fallait aussi que je laisse de l’espace à mon successeur : à 34 ans, je suis trop jeune pour être une belle-mère… Et cela dit, je n’ai jamais compté mes heures.
En fait, vous faites comme Guy Verhofstadt et Franck Vandenbroucke : vous vous éloignez pour mieux revenir, après ?
Ma réponse ne sera pas très politique, mais sincèrement : je ne sais pas. Me ressourcer, cela me fait du bien. C’est un choix pour le bonheur, pour l’inspiration, pour évoluer, pour faire des pas, pour apprendre. Ce n’est pas un choix stratégique. Avant, je ne pouvais pas imaginer la vie sans la politique. Pour la première fois, dans ma vie, la question est vraiment ouverte. Le monde politique peut vivre sans moi. Et je peux m’imaginer la vie sans la politique. Mon ressourcement à La Haye, ce n’est pas reculer pour mieux sauter. Je veux m’inspirer pour mieux travailler. C’est aussi une leçon de modestie. Je veux vraiment mériter mon impact. Pas avec mon titre de chef de groupe mais avec mon travail, mes idées.
En posant ce choix, vous faites un magnifique cadeau à la N-VA et à vos opposants. Les francophones pensent que vous êtes l’exact opposé de Bart De Wever qui voit ainsi sa route se dégager…
Ce n’est pas un hasard si beaucoup de débats opposent surtout les nationalistes et les écologistes. Mais c’était trop souvent devenu un but en soi, le clash entre les verts et la N-VA. Les nationalistes donnent chaque jour des raisons de s’opposer à eux. Mais je pense qu’il est plus intéressant de construire ses propres idées, sa propre alternative. Nous ne l’avons pas fait assez. S’opposer, c’est facile ; construire, c’est plus difficile.

"Pourquoi ne pas rendre le pays bilingue ?"
Le gouvernement Vivaldi, composé de 7 partis, c’est un peu l’auberge espagnole… Tiendra-t-il ?
Je suis un "Vivaldiste" de la première heure. Le combat climatique est énorme. Je pense qu’il est trop grand pour les seuls écologistes et qu’il doit être porté par plusieurs partis. Si l’on veut faire un véritable pacte vert, nous avons besoin du réseau des libéraux dans les entreprises. La ligne directe entre le patronat et les libéraux complique parfois les choses mais elle est aussi importante. Vivaldi peut combiner les meilleures idées de tous. Je crois à la complémentarité des différentes formations politiques. Une table où il y a des écologistes, des libéraux, des sociaux-chrétiens, des sociaux-démocrates est une table plus riche qu’une table où il n’y a que des verts. Une AG des verts peut être intéressante. Mais la rencontre avec les autres sensibilités est bien plus passionnante. Cette idée s’impose de plus en plus dans ma réflexion. Cela est lié à deux expériences politiques récentes.
La première, ce sont les rencontres que j’ai eues tout au long de mon travail parlementaire avec les écologistes francophones à la Chambre : cela vous oblige à avoir de l’empathie, de la créativité, à lire les journaux francophones.
La deuxième, c’est l’expérience que nous avons à Malines, dans une liste où se retrouvent des libéraux, des écologistes, des indépendants, des anciens chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates. On peut dire que c’est l’auberge espagnole. Mais quelle richesse ! Ça doit être pareil pour Vivaldi. Et l’on ne met pas assez en avant la complémentarité des partis qui la composent.
Cet esprit vit-il en Flandre ? Les partis dominants, en Flandre sont le Belang et la N-VA qui ne partagent pas ce point de vue…
Je ne veux pas être trop optimiste. Mais attendez de voir ce que va donner ce gouvernement Vivaldi. La seule manière de réussir en 2024, c’est de travailler avec sérieux et passion et d’insister sur la complémentarité. On oublie souvent qu’en Flandre, il n’y a pas que la N-VA et le Belang. Quand on fait un sondage sur l’identité des Flamands, l’appartenance à la Belgique domine toujours. Il n’y a pas deux démocraties. Bien qu’on cherche à tout scinder, l’esprit national subsiste. La méthode détermine fortement le résultat. Quand on scinde les partis, les médias, que l’on supprime la coopération culturelle entre le nord et le sud, au niveau de l’enseignement, que la connaissance des deux langues n’est pas valorisée, bien sûr, une certaine distance s’installe. C’était un choix politique. Il faut changer de méthode.
Quelle serait la vôtre ?
On a fait un choix très important dans l’accord gouvernemental : la curiosité et la modestie. Pour la première fois, on a placé le débat, l’évaluation, l’association des citoyens avant le débat politique. Il faut respecter ce choix. Il faut aussi se donner un espace pour changer d’avis, éventuellement. Les politiques sont trop peu intéressés par ce que pensent leurs collègues. Je n’annonce pas que je vais plaider pour l’indépendance de la Flandre, évidemment ! Le débat sur la réforme de l’État ne doit pas se limiter à des transferts de compétences. Le problème, quand j’entends les différentes prises de position, est que l’on est déjà en train de déménager les meubles entre les étages. Si l’on veut avoir une réforme de l’État un tant soit peu "définitive", ou en tout cas structurante, il faut d’abord se poser la question de l’architecture générale.
Pour moi, l’idée centrale doit être la rencontre entre néerlandophones et francophones. Si l’on construit une nouvelle maison, il faut partir de l’objectif : bâtir un fédéralisme de rencontre. Je plaide pour une Belgique à quatre Régions et j’ai le sentiment qu’on évolue vers cette dynamique. La principale motivation est l’évolution à Bruxelles : on ne peut pas forcer les gens à choisir entre leur appartenance à la Communauté néerlandophone ou francophone. Ils sont Bruxellois. Si l’on veut donner un avenir à ce pays, il faut aussi, surtout, favoriser, encourager la connaissance des langues. Et, de manière réellement intensive, il faut améliorer la coopération culturelle, sportive entre les entités fédérées, organiser des Erasmus au sein de la Belgique. Rendre le pays bilingue serait une dynamique très forte. Ce dialogue est passionnant, bien plus que de savoir en combien de parties il faut diviser la compétence de la Santé.
Vous aviez dit : si on n’obtient pas la circonscription fédérale rapidement, j’envisage de me présenter rapidement aux élections du côté francophone. Vous y songez encore ?
Oui, bien sûr. J’y avais déjà pensé pour les élections de 2019. J’en avais discuté avec Jean-Marc Nollet, co-président d’Écolo. Pourquoi d’ailleurs ne pas envisager un échange entre lui et moi ? L’idée est attractive. Mais j’espère que ce ne sera pas nécessaire et que nous aurons bientôt la circonscription fédérale.

"La partricratie, c’est un peu le fanatisme, le hooliganisme des partis politiques…"
La politique est devenue une affaire de communication, parfois plus importante que le fond…
On doit constater qu’investir en communication, c’est payant. J’ai vu que je pouvais avoir plus d’impact, au niveau médiatique, en écrivant un tweet plutôt qu’en rédigeant une proposition de loi. Ce n’est pas une question de talent, mais les règles du jeu poussent tout le monde vers le court-termisme. La Chambre des députés est devenue un studio pour Instagram et Facebook.
Dans votre livre "Leve politiek", vous écrivez qu’il y a trop de politiciens et pas assez de politique. Barack Obama disait : vous devez être des citoyens à temps plein. Comment repolitiser la société ?
Cela commence à l’école. Il faut développer les cours de citoyenneté. Je suis partisan de la démocratie participative, délibérative, surtout au niveau local. Cela renforce l’empathie, le dialogue, les rencontres. Encore une fois, il faut que les règles le favorisent… Il y a trop peu de débats sur le sujet.
Comment rénover notre démocratie ?
La gauche est souvent sévère envers la Bourse, symbole du court-termisme, de la recherche rapide de gain, de la cupidité. Mais à la Bourse, deux concurrents peuvent grandir en même temps. Les règles du jeu politique sont beaucoup plus concurrentielles que la Bourse. C’est la raison pour laquelle je suis très favorable à l’idée de panacher, c’est-à-dire de pouvoir voter pour plusieurs partis. Si l’on donne un incitant à la coopération, qui permet de construire des ponts entre les partis, cela pourra être très positif. Si l’on permet aux gens de voter pour plusieurs partis, pour des candidats qui sont souvent des alliés sur beaucoup de dossiers, cela changera la dynamique.
La particratie est-elle une source de blocage de notre système ?
J’aime les partis politiques, ils sont importants. Mais le système actuel nous pousse vers la particratie qui est un peu le fanatisme, le hooliganisme des partis politiques. Je suis favorable à une limite du cumul dans le temps. Les fonctions de pouvoir, cela devrait être ene keer : u ne seule fois. Pas deux en suivant. Une fois le pouvoir, une fois la modestie.
Solution un peu radicale. Il faut de la continuité, de l’expérience, non… ?
Quand il y aura plusieurs anciens ministres dans le Parlement, il sera plus fort. Quand les ministres auront plus d’expérience parlementaire, le Parlement sera mieux entendu qu’aujourd’hui.
Cette conversation ne révèle-t-elle pas les forces et les faiblesses de Kristof Calvo : vous réfléchissez beaucoup et avez des difficultés à atterrir…
Je me définis comme un possibiliste.
Traduction ?
De grands rêves et des petits pas… Je ne promets pas la lune. Il faut des idées applicables. Parfois on travaille trop dans les détails, sans idées. Je suis radical, mais je déteste la révolution. Je ne dis pas : moi, Kristof Calvo, je vais tout changer. Cela n’est pas ma promesse. Je promets de continuer à réfléchir. C’est cela qui crée le défaitisme et la déception : il y a trop de promesses et pas assez de grandes idées.
Exemple : je suis favorable à l’allocation universelle mais je ne promets pas qu’elle sera d’application demain. Ce n’est pas dans l’accord de la Vivaldi. Mais je pense que c’est un bon curseur, une belle vision à long terme. Je ne suis pas pour un montant universel mais pour son caractère sans condition. Ce serait plus un revenu garanti qu’universel. Certains craignent qu’il y ait des abus. Mais il faut sortir du climat de suspicion : on passe beaucoup de temps à contrôler, à sanctionner. Non, les citoyens ne sont pas tous des fraudeurs potentiels.
L’allocation universelle n’est-elle pas une idée libérale ?
Chaque progressiste doit être un peu libéral… L’écologie politique, c’est le meilleur des mondes : ce sont les valeurs de liberté, de justice sociale. Et à cela, nous ajoutons les soins à la planète. On a besoin des trois. Pour nous et les générations futures. Je relis tous les six mois le même livre "Waarom vuilnis-mannen meer verdienen dans bankiers" (Pourquoi les éboueurs gagnent plus que les banquiers), de Rutger Bregman. Passionnant. Que dit-il ? On parle souvent de la méritocratie, mais il y en a trop peu. Si les résultats correspondaient vraiment aux efforts, aux sangs et aux larmes que chacun verse dans son parcours, il y aurait moins de différences entre les gens. La question importante est : quelle richesse est méritée ? Je pense qu’il y a beaucoup de richesse et de pauvreté qui ne sont pas méritées. Être pauvre, c’est un combat pour survivre, un travail de chaque jour. Quand vous êtes hyperriche, il n’y a plus de lien entre l’effort et le résultat.

"Je dois apprendre à m’ennuyer"
Comment vous ressourcez-vous ?
Ah ! C’est très compliqué. Je dois apprendre à m’ennuyer : c’est sur ma to do list de 2021. J’aime beaucoup marcher. À Malines dans la nature autour de la ville et à La Haye, vers la mer. J’aime de plus en plus être à la maison, avec des amis. Pour moi, le bonheur, c’est voir ma terrasse remplie de gens, invités en dernière minute, pour un barbecue. Avec un peu de rosé. Je me réjouis de retrouver ces plaisirs simples. Ces dernières années, ma vie était trop politique. Je n’ai pas consacré assez de temps à mes amis, à ma famille. Heureusement que mes parents sont altruistes, ils ne parviennent pas à être fâchés contre moi plus de quinze minutes.
Quel est le sens de la vie ?
Je pense que c’est dans la présence des autres, dans ce que l’on fait pour les autres, que l’on se réalise vraiment.
Êtes-vous heureux ?
Oui. À 34 ans, j’ai encore mes deux parents, je suis entouré de personnes qui sont là pour moi, plus que je ne suis là pour eux. Oui, je leur suis très reconnaissant. En politique, on peut être malheureux : un conseiller veut être échevin, un échevin bourgmestre, un bourgmestre veut être député, un député ministre. Il faut être heureux avec ce que l’on est.
En qui, en quoi croyez-vous ?
Je suis agnostique. J’ai beaucoup de respect pour les croyants. Je comprends que les gens cherchent une certaine spiritualité, parfois dans la religion. Mais ce n’est pas mon cas.
Pensez-vous à la mort, parfois ?
Oui. Ce qui me fait peur, c’est la mort de mes parents. Je ne les entends pas chaque jour. Mais je ne peux imaginer la vie sans eux.
Qu’y a-t-il après la mort ?
Rien, je crois. Mais je peux me tromper.
Qu’est-ce qui vous a construit ?
Mes parents ont joué un rôle très important. À 19 ans, je m’en souviens, mon père a raté, pour la première fois, un de mes matchs de foot. J’étais perdu. Je le cherchais partout des yeux. Cela n’était jamais arrivé. Ce qui me manque, c’est de n’avoir pas pu dire à ma grand-mère à quel point j’aimais sa paella. Elle la préparait pendant deux jours : sa cuisine, c’était du grand art. Elle ne parlait pas le néerlandais, je ne parlais pas l’espagnol. Nous n’avons jamais eu de vraies conversations. Dommage. J’aurais voulu lui dire à quel point j’étais fier de son parcours, de ce qu’elle nous a permis d’être.
Bio express
1987. Naissance à Rumst.
2008. Licence en sciences politiques et en communication politique (Université d’Anvers).
2007-2010. Président de Jong Groen !
2009. Député fédéral.
2012. Conseiller communal à Malines, chef de groupe en 2018.
2014. Chef de groupe Écolo-Groen à la Chambre.
2020. Négociateur Groen du gouvernement De Croo.
Publications. F*ck de zijlijn (2015 Ed. Borgeroof&Lamberigts), Leve politiek (2018, Ed. Borgeroof&ambergits)