Il est temps pour les pouvoirs publics de se regarder dans le miroir

Hors caméra, le monde politique concède de plus en plus qu’il lui est devenu impossible d’engager de profondes réformes. Comment l’expliquer ? Et comment en sortir ?

Contribution externe
Il est temps pour les pouvoirs publics de se regarder dans le miroir
©Belga

Une opinion de Ivan Van de Cloot, chef économiste à l'Itinera Institute et auteur.

Faire preuve de sens critique n’est guère populaire actuellement dans ce pays. Personne ne vous saura gré, par exemple, de prédire qu’à défaut de bonne gouvernance les plans de relance ne déboucheront pour l’essentiel que sur une bureaucratie improductive et un gaspillage de deniers. Trop rares sont ceux qui prennent conscience que la bonne vieille recette consistant à distribuer encore plus d’argent en s’endettant toujours davantage a jeté ses derniers feux.

Un problème de responsabilité

Compétent pour tout mais responsable de rien ? Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise… En lui-même, le débat sur la pollution à Anvers révèle surtout un problème de responsabilité dans notre culture de la gouvernance. Je sais par expérience qu’il est particulièrement ingrat de souligner à quel point les hommes de pouvoir pratiquent la bravade et le raisonnement grégaire. Mais désormais le nombre d’occasions où le roi est nu se démultiplie à l’envi. Si, lors de la crise bancaire de 2008, ces personnages évoluaient avant tout dans le secteur privé, il est frappant de noter qu’aujourd’hui c’est surtout le secteur public qui se trouve sous le feu des projecteurs.

Lors des dernières élections, les citoyens se sont régulièrement exprimés en faveur du changement - pour ensuite constater que de changement, il n’en avait pas été question. C’est là une source considérable d’insatisfaction. La marge de manœuvre dont disposent les partis politiques est généralement réduite à la portion congrue, de sorte qu’ils se livrent surtout à une politique symbolique et ne peuvent au final présenter qu’un bulletin insuffisant.

Nos problèmes sont connus de longue date : surendettement public, taux d’emploi trop faible, escalade des dépenses sociales impuissantes à réduire la pauvreté, dépenses publiques somptuaires et inefficaces, mais aussi une insécurité juridique bien trop marquée - et souvent sous-estimée.

Cela fait trente ans que les hommes politiques échafaudent des plans pour réformer en profondeur les soins de santé ou les pensions, mais hors caméra ils concèdent de plus en plus souvent que cela ne leur est tout simplement plus possible. Et donc, au final, ils suivent tous la même stratégie : refiler la note aux générations suivantes. La machine est hors de contrôle, mais ils n’osent pas l’avouer aux citoyens.

Plus de contrôle

Le problème de "l’État administratif" et de sa maîtrise est largement sous-estimé. Je ne pense pas qu’il ne faille mettre que des technocrates à la barre mais j’estime en revanche que la culture de la gouvernance laisse trop souvent à désirer et met trop peu l’accent sur les résultats.

Bon an mal an, les pouvoirs publics voient passer entre leurs mains un pactole de 270 milliards d’euros. Lorsque j’aborde la question avec les responsables politiques, je constate de plus en plus souvent qu’ils n’ont plus le contrôle et qu’ils ne parviennent dès lors plus à mener leur politique. Je crains fort que nous ne nous trouvions réellement en zone de turbulences, où les politiciens s’entêtent à sauver les apparences tandis que les électeurs ont quant à eux la sensation d’être floués. Il faut bien se rendre compte que l’impact sociétal est immense lorsqu’une énorme machine pesant 270 milliards d’euros s’emballe.

Et non, il n’existe nulle part de trésor caché qui nous attend pour nous permettre de résoudre le problème. Il est temps pour les pouvoirs publics de se regarder dans le miroir. Nous devons faire le deuil de l’idée qu’une chose est bonne pour la seule et unique raison que nous agissons ainsi depuis des années.

Les remèdes n’ont une chance de produire leurs fruits que si nous insufflons davantage de responsabilité dans la politique. L’appareil ne pourra être redressé que si l’on met explicitement l’accent sur les tâches fondamentales des autorités. Quant à la culture de la gouvernance, nous devons dire les choses beaucoup plus crûment. Durant la crise, la marge de manœuvre était étroite pour le débat autorisé. Aujourd’hui, il est vital pour la démocratie qu’elle trouve à s’élargir.

>>> Titre de la rédaction. Titre original: "Miroir, mon beau miroir".

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