"Sur le fleuve, puis sur les canaux, nous n’aurons encore nulle autre frontière que la brume"
Alors que l'actualité a souvent le mot "frontière" à la bouche, Carl Norac, poète national, a lancé des escales poétiques, pour traverser ces frontières linguistiques. Il en a tiré un poème qu'il publie en exclusivité dans La Libre.
Publié le 17-09-2021 à 14h26
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Un poème de Carl Norac, poète national belge.
Le goût de traverser
Sur le fleuve, puis sur les canaux, nous n’avons
nulle autre frontière que la brume.
Devant, il n’y a que des ponts
qui relient ces gens que l’on voit
traverser et dont certains parfois,
étrangement à nos yeux,
rêvent seulement de murs.
Bien sûr, voilà l’écluse, cet ascenseur
au vieux refrain qui suinte,
où les oiseaux jacassent,
le temps de regarder un paysage
moins mouvant, de célébrer
le crépuscule ou le point du jour
qui, aujourd’hui, se rêve en virgule.
« Nulle frontière ! », nous sommes-nous
répétés sur la péniche, « Pas même de la langue ».
Car, soudain, on vous hèle de la rive autrement,
on comprend ou on ne comprend pas,
sinon que le geste se ressemble,
simple principe de la main ouverte
au lointain le plus proche.
Si des régions existent à bon droit
et que les cartes qui nous guident
nous le rappellent, nous vivons
également ici, voyageuses, voyageurs,
dans cette volupté de la lenteur
où nous aimons les traverser
aussi libres que la ligne d’eau
et sans écouter les leçons de tous bords.
Sur le fleuve, puis sur les canaux,
nous n’aurons encore
nulle autre frontière que la brume.