"Sur le fleuve, puis sur les canaux, nous n’aurons encore nulle autre frontière que la brume"

Alors que l'actualité a souvent le mot "frontière" à la bouche, Carl Norac, poète national, a lancé des escales poétiques, pour traverser ces frontières linguistiques. Il en a tiré un poème qu'il publie en exclusivité dans La Libre.

Contribution externe
"Sur le fleuve, puis sur les canaux, nous n’aurons encore nulle autre frontière que la brume"
©Image par Evgeni Tcherkasski de Pixabay

Un poème de Carl Norac, poète national belge.

Le goût de traverser

Sur le fleuve, puis sur les canaux, nous n’avons

nulle autre frontière que la brume.

Devant, il n’y a que des ponts

qui relient ces gens que l’on voit

traverser et dont certains parfois,

étrangement à nos yeux,

rêvent seulement de murs.

Bien sûr, voilà l’écluse, cet ascenseur

au vieux refrain qui suinte,

où les oiseaux jacassent,

le temps de regarder un paysage

moins mouvant, de célébrer

le crépuscule ou le point du jour

qui, aujourd’hui, se rêve en virgule.

« Nulle frontière ! », nous sommes-nous

répétés sur la péniche, « Pas même de la langue ».

Car, soudain, on vous hèle de la rive autrement,

on comprend ou on ne comprend pas,

sinon que le geste se ressemble,

simple principe de la main ouverte

au lointain le plus proche.

Si des régions existent à bon droit

et que les cartes qui nous guident

nous le rappellent, nous vivons

également ici, voyageuses, voyageurs,

dans cette volupté de la lenteur

où nous aimons les traverser

aussi libres que la ligne d’eau

et sans écouter les leçons de tous bords.

Sur le fleuve, puis sur les canaux,

nous n’aurons encore

nulle autre frontière que la brume.

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