Comment comprendre les antivax ?
Les réticences aux vaccins s’expliquent par une multitude de facteurs, dont le vécu intime et personnel de chacun. Il est donc important d’informer avec clarté, et de ne pas polariser la société. En ce sens, l’obligation vaccinale semble plus adéquate qu’un Covid Safe Ticket.
Publié le 24-09-2021 à 15h51 - Mis à jour le 26-09-2021 à 09h07
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Une carte blanche de Philippe Cattiez, neuropsychiatre.
Une vie normale reprend petit à petit avec la reprise des cours et le retour au bureau. De nombreuses tensions apparaissent entre étudiants, collègues, amis, en famille, et même entre politiciens. En effet, beaucoup de personnes vaccinées critiquent celles qui refusent de l’être. Les premières reprochent aux secondes d’être responsables de l’indispensable prolongation des mesures antipandémiques, vu la non-éradication des contaminations.
Deux rappels importants s’imposent. D’abord, se croyant protégée, une personne vaccinée reste elle-même contaminatrice si elle ne respecte pas les gestes barrières. Ensuite, ce vacciné reste vulnérable en cas de comorbidité, même si ses symptômes sont atténués.
Dans toutes les classes sociales
Pourquoi la campagne de vaccination ne progresse-t-elle presque plus ? Pourquoi donc cette méfiance, parfois violente, vis-à-vis du vaccin ? Quels sont les arguments des antivax ?
Comme déjà signalé dans de multiples études sociologiques, une première cohorte réfractaire est représentée par des personnes peu instruites, avec peu de revenus financiers, et souffrant de la fracture numérique. Démonstration magistrale est faite lorsque l’on cartographie les grandes villes par agglomération : de façon frappante, plus la précarité est élevée dans certaines communes, plus la vaccination y est déficiente.
Les religions et les communautarismes jouent également un rôle freinant la vaccination. Ici, c’est l’interdit d’ingérer toute nourriture impure ou d’absorber toute substance déclarée toxique car artificielle, ce qui freine l’acceptation de la vaccination.
Une classe moyenne est également hostile, car se sent dépossédée de tout, abandonnée, car tout disparaît : écoles, poste, banques, commerces, centres médicaux, etc. Pire, la pandémie retire les quelques plaisirs qui restaient puisque la liberté est muselée par le confinement. Certaines personnes se sentent agressées, car la vaccination représente une intrusion dans leur espace intime, jusque dans leur corps.
Hostiles sont également les milieux très favorisés. Eux sont nantis, et donc se pensent plus forts ; ils sont instruits - même parfois médecins - et donc maîtrisent, croient-ils. Durant la pandémie, ils se retrouvaient entre eux, à l’abri du monde contaminé. Sauf que parfois…
Quant à la jeunesse, elle se sent immortelle. Effectivement, la Covid est nettement moins délétère pour les enfants et adolescents. Et s’ils sont atteints, ils ne souffrent pas ou si peu. Contrairement à ce qui fut annoncé l’année passée, ils restent les grands contaminateurs. Car ils ne peuvent s’abstenir de contacts physiques, indispensables pour vivre leurs premières expériences amicales et amoureuses, avec de plus l’attrait de la transgression propre à leur génération. Fallait-il les vacciner en priorité ?
Ajoutons encore le fait qu’il semble que les différents vaccins ne sont pas tous de même efficacité, et on peut comprendre la réticence de subir un produit réputé moins efficient.
En fonction de notre vécu singulier, nous nous débattons avec nos propres chimères. Une enfance trop cadenassée provoquera une soif de liberté revendiquée. Un passé trop formel induira la nécessité vitale d’expression d’un désir qui fut trop réprimé. Un entourage maladif pourra être source d’hypocondrie. Un environnement dangereux conduira à l’angoisse de toute perte de contrôle. Une piqûre suscitera la réminiscence de harcèlement ou inceste (voire de viol). Pour eux, la vaccination imposée sera insupportable.
Mais nous observons que beaucoup de personnes récalcitrantes au vaccin mais qui finalement s’y sont soumises, ont retrouvé une paix intérieure, libérées du parasitage sous-jacent d’un combat qui les dépassait.
Qu’est-ce que le vaccin ?
Le virus est un corps étranger, un antigène (AG). Il provoque une défense immunologique de la part de l’organisme, par la production d’anticorps (AC). Les AC combattent les AG pour les éliminer. Le vaccin est composé d’éléments ressemblant au virus, avec des AG semblables, mais bien sûr atténués et sans possibilité de se reproduire. En inoculant un vaccin, on injecte ainsi des AG-like que nous rejetons grâce à nos AC produits par réaction immunologique.
La synthèse d’un ARN semblable au virus a été rapidement possible grâce à des technologies plus performantes qu’auparavant. Par contre, les essais cliniques prennent un certain temps pour évaluer l’innocuité d’un vaccin, puisque des effets secondaires ne se développent que plus tard, ce plus tard pouvant durer des semaines et des mois. On peut comprendre l’attentisme de personnes réticentes au vaccin. Mais après une année, on constate que la balance bénéfices versus inconvénients semble nettement à l’avantage de la vaccination.
La technique de l’ARN existe depuis plus de 20 ans, ayant comme objectif premier de lutter contre le cancer. Vu que l’ARN est essentiellement éphémère, il est nécessaire, afin de le perdurer, d’utiliser des conditions de cryogénisation, ce qui coûte très cher, et donc est difficile à commercialiser. Mais dès le moment où il fut possible de développer un ARN capable de lutter contre le SARS-Cov-2, les finances se sont déliées, tant du côté des grandes sociétés pharmaceutiques, y voyant une source de rentabilité évidente, que du côté des États, pour lesquels le prix d’un double vaccin est infiniment plus bas que les conséquences de la maladie : incapacité par maladie, chômage technique, coût des soins de santé et des hospitalisations ; et aussi des tests antigéniques !
L’ARN n’influence pas le génome, contrairement à ce que répandent certaines rumeurs. En effet, c’est l’ADN qui constitue notre patrimoine génétique transgénérationnel. L’ARN messager se forme à partir de nucléotides libres dans la cellule qui se collent en miroir à des séquences de nucléotides de l’ADN, les gènes. Il est messager car les séquences en miroir d’ARN migrent vers les ribosomes, petites usines dans nos cellules, qui synthétisent les protéines, et celles-ci expriment nos gènes (peau, yeux…). On le voit donc, autant l’ADN est perpétuel, autant l’ARN est fugace. Ce dernier ne pervertit en rien notre génome, il n’est qu’un messager qui ne fait que l’exprimer, et puis il disparaît.
Une obligation plutôt qu’un pass
Il ne faut pas confondre contamination et infection. Si en 2020, les courbes de contaminations et d’hospitalisations évoluaient de manière parallèle, ce n’est plus le cas en 2021, puisque la courbe des hospitalisations reste basse et ne concerne quasi plus que les personnes non vaccinées. Les contaminations augmentent essentiellement par le fait que les personnes vaccinées ne respectent plus assez les gestes barrières, car se croyant à tort protégées à 100 %, et surtout parce que les personnes non vaccinées, dans le tiers-monde, et aussi chez nous, offrent un terrain fertile aux mutations, de plus en plus virulentes.
Pour conclure : le Covid Safe Ticket ne peut que polariser les conflits. Par contre, l’obligation de vaccination pour tous serait plus pacifiante, tous seraient remis à égalité.
Citons la sentence de John Stuart Mill : My liberty ends where yours begin.