"Le silence, les rires et les applaudissements ne sont plus les mêmes depuis le Covid"
Le comédien d'origine italienne Pietro Pizzuti habite un antre magnifique, caché dans une petite rue de Saint-Josse à Bruxelles. Entrer chez lui, l'écouter, c'est entrer en Pizzutie, un territoire magique, lumineux, profond, étrange et mystérieux. "Je revendique un instinct en voie d'extinction, l'instinct de bonté", affirme celui qui fut de nombreuses fois primé pour son art. Voici ses "états d'âme".
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Publié le 03-10-2021 à 07h59 - Mis à jour le 25-10-2021 à 10h23
On ne sort pas indemne d’une rencontre avec Pietro Pizzuti. Les effluves légers, parfumés, poétiques d’un tel entretien restent en vous, longtemps. L’aborder exige d’être disponible à l’inattendu, à l’émerveillement, à l’inexplicable, aussi.
Il faut d’abord rejoindre son antre, magnifique, caché dans une petite rue de Saint-Josse. Havre de paix, de verdure. En franchissant la grande porte, on a le sentiment de quitter ce quartier difficile de Bruxelles pour entrer, en un pas, dans une demeure italienne où règnent le calme, la quiétude, l’ordre. Couleurs ocres, sculptures, objets chinés, marbres choisis, plantes vivantes. Son univers est fait d’une multitude de touches délicates et délicieuses.
L’interroger, deux heures durant, c’est ouvrir ses oreilles, son cœur, son esprit, sa raison à un univers particulier où se croisent les êtres du passé, qui restent vivants en sa mémoire. L’interroger, c’est entrer en Pizzutie, un territoire magique, lumineux, profond, étrange, secret, décalé, mystérieux. Perché, parfois.
Il y a ce regard noir. Ce sourire énorme. Cette touffe de cheveux bouclés qu’il tente de dompter. Et surtout cette voix qui vient de loin. De la gorge, du ventre, de l’intérieur. De l’âme. Il y a les gestes aussi. Tantôt amples et gracieux. Tantôt saccadés. Ses mains lancées vers le ciel qui soudain se figent dans un mouvement, une pose trop belle pour être naturelle. Le personnage est d’une exquise finesse, élégant, drôle, inattendu. En fait-il trop ? Non il est trop. Gourmand de la vie. Des arts. Des autres. Surtout des autres à qui il donne, donne et donne encore. Car la grande affaire de sa vie, c’est le don. Et la bonté. Qui ose encore prononcer ce mot sans passer pour un ringard, un doux, un naïf, un prophète ? Et s’il l’était, ce prophète, non au sens biblique du terme, mais dans l’acceptation humaine, à savoir un homme qui rappelle aux autres hommes, et femmes, ce qu’ils doivent, ou peuvent faire pour être heureux. Pour aimer, donner. Vivre. Et puis mourir.

“Le théâtre est l’oxygène de ma vie”
Dans quelle famille avez-vous grandi ?
Une famille merveilleuse. Je suis né à Rome, dans une magnifique maternité située dans une villa privée appartenant à la famille Stuart, sur une des collines romaine, le Monte Mario. J’ai un frère jumeau, Marco, architecte à Bruxelles. J’ai aussi une sœur aînée, Paola, qui vit à Rome. Mon père avait réussi un concours pour devenir fonctionnaire aux Communautés européennes. Il a été happé par ce rêve et toute la famille a débarqué à Bruxelles. J’avais neuf mois. Nous avons été très vite intégrés dans la petite communauté italienne.
Vous n’êtes pas venus, comme beaucoup d’Italiens de l’époque, en train, avec une valise en carton…
Non, en effet. Nous sommes arrivés en avion, avons vécu dans un appartement somptueux avec du personnel à domicile. J’ai eu une jeunesse dorée, une éducation extraordinaire tournée vers les autres. Mes parents n’ont jamais pris leur aisance pour quelque chose d’acquis. Ils ont travaillé pour devenir aisés. L’étude, le travail, l’engagement dans la vie, le partage sont les valeurs qu’ils nous ont inculquées dès notre plus jeune âge. Maman était très engagée dans des activités de bénévolat, à la Croix-Rouge et aux Femmes d’Europe. Dans cette école sublime qu’était l’École européenne, j’ai rencontré Bruno Ducoli, un prêtre, professeur de religion. Il nous a conscientisés à la fraternité, à l’existence de la communauté des émigrés italiens, selon le vocable de l’époque. Grâce au centre social italien, nous, fils de nantis, avons donné des cours d’italien à des compatriotes qui parlaient un italien local parce qu’ils avaient un autre destin, ils étaient nés de l’autre côté de la barrière. Nous faisions du théâtre ensemble, des chansons, des débats. La fraternité était concrète.
Quel enfant étiez-vous ?
Curieux, émerveillé de tout, obéissant. J’avais compris que l’obéissance structure l’intelligence. Dans l’enfance, l’obéissance m’a permis d’accéder à la connaissance. J’avais autour de moi des instructions parfaites : papa et maman se complétaient à merveille. À deux, c’était une véritable officine d’éducation : l’intelligence, l’ouverture, l’écoute. À l’âge adulte, j’ai appris à désobéir…
Comment le théâtre est-il arrivé dans votre vie ?
Je suis tombé dans le chaudron, petit. Mes parents ont développé les goûts et les passions de chacun de leurs enfants. J’ai commencé à écrire une petite pièce à l’âge de dix ans : j’aimais inventer des dialogues, des histoires. J’ai écrit une pièce Les portes, qui a été jouée par les enfants de la famille. Dans le jardin de la maison, mon père et mon oncle avaient installé une toile entre deux pins parasol. C’était merveilleux.

Malgré cet attrait pour le théâtre, vous avez choisi des études de sociologie à Louvain…
Je savais que je ferais du théâtre, c’était une évidence. Mais mon père m’avait dit : “si jamais il se passe un truc, un accident, fais des études, choisis ce que tu veux, ne mets pas tous tes œufs dans le même panier”. J’adorais l’anthropologie, la science-fiction, j’avais lu, très jeune, les Chroniques martiennes de Ray Bradbury. J’ai choisi la sociologie urbaine et rurale, celle du territoire en particulier, pour essayer de comprendre le monde. Au même moment, j’ai fait le conservatoire et je jouais au théâtre. Claude Etienne m’a permis de faire en trois ans le Conservatoire où j’ai obtenu un Premier prix d’interprétation en 1980 et un Prix supérieur. J’ai adoré, cela a été un tremplin magnifique. Cela m’a permis d’aller jouer à Paris, j’avais 21 ans. Ma carrière s’est lancée naturellement.
Vous avez connu rapidement le succès. Vous auriez pu rester à Paris, y faire carrière…
Je suis revenu à Bruxelles pour des raisons empathiques. Bernard De Coster était en train de mourir du sida. Bernard n’était pas mon amant, c’était un complice extraordinaire. J’avais trouvé en lui un frère de théâtre, un alter ego. L’amour du métier nous reliait. On travaillait des journées, des nuits entières sur des textes, des mises en scène. C’était une époque fascinante mais terrifiante aussi car tous mes amis mouraient du sida. C’était l’hécatombe. J’ai dit à mon médecin que je donnerais mon corps à la science car je ne sais pas comment je suis resté négatif ! Je ne le sais toujours pas. Il y a peut-être des organismes qui rejettent les attaques. J’avais travaillé avec Béjart, avec Barrault et bien d’autres. Mais j’ai aussi choisi de quitter la France parce que Paris me cataloguait dans le registre de l’Arlequin.
Des regrets ?
Je n’ai jamais de regrets. Je ne regrette pas. Quand je me trompe, j’apprends. Quand je n’ai plu, j’ai eu. Et j’aurai. Car nous nous transformons, rien ne disparaît dans la nature. Pourquoi l’être humain devrait-il disparaître ? Rien ne devient invisible, tout existe. Nous ne disparaissons pas, c’est la métamorphose qui est la loi vitale. Donc le regret, pour moi, n’existe pas. J’ai vécu des années parisiennes avec des histoires insensées, j’ai connu Miou-Miou, Sami Frey, Ionesco. Sublime ! C’était parfait. Mais mon meilleur pote mourait, je voulais l’aider. J’ai préféré revenir au Théâtre national, au Théâtre du Parc où je jouais dans des rôles extraordinaires. Je n’allais pas louper cela et rester uniquement pour le plaisir de rester dans la capitale française.
Vous avez fait du cinéma, aussi, avec Marion Hänsel…
Ma filmographie est simple : j’ai joué dans presque tous les flops des grands réalisateurs belges. C’étaient des films d’auteur purs et durs, y compris avec les Dardenne qui, deux ans après, tournaient leurs grands succès. Moi, je suis un caméléon. Au théâtre, j’explose, je peux être qui on veut. Je veux me transformer. Le cinéma ne m’a pas encore donné cette possibilité-là. Au cinéma, il faut être vrai. Ah bon ? D’abord, c’est faux ! Ensuite, on sait que notre métier a au moins ceci de paradoxal, qu’il faut être le plus faux possible pour être vrai.

Qu’est-ce que le théâtre ?
C’est ma vie ! C’est ma raison d’être au monde. Si je n’avais pas le théâtre, je serais déjà parti, je me serais transformé. L’humanité est tellement imparfaite. Le théâtre, c’est l’oxygène de ma vie, cela me permet de marcher, de faire l’amour, de regarder, d’être encore émerveillé. Le théâtre, c’est un métier grâce auquel vous pouvez, plus que jamais, faire bouger, faire entendre, faire évoluer les choses de la vie. Vous parlez à l’émotion des êtres, mais aussi à leur intelligence. Vous ouvrez des vecteurs émotionnels, émotifs de cœur, de frisson, d’exaspération, d’agacement. Vous êtes connecté directement à ce que l’humain a de plus profond et d’irréductible. Cela fait rire, pleurer. L’innocence est là, dans l’assemblée, disponible. En tout cas au bout de vingt minutes… car rien ne rentre avant un quart d’heure : c’est clos, fermé. Mais après ! Quand vous créez cette osmose entre un public innocent et des professionnels qui se sont mis ensemble pour donner le meilleur d’eux-mêmes, c’est une communion, un rite. Quand je suis seul en scène, je sens ce pouvoir.
Le théâtre fait du bien à la vie…
Complètement ! À la mienne, d’abord, vous l’aurez compris. Et je sais qu’en me faisant du bien, je fais du bien aux autres. Quand je suis en état de bonheur absolu, ici-bas, je sais que j’irradie, je dégage des ondes. Je suis vrai tout le temps mais j’ai une surexpressivité qui, souvent, fait douter mon interlocuteur. C’est ma nature.
Quel est le pouvoir des artistes ? Que peuvent-ils offrir ?
Tout ! Tout ! Merci, merci. Tout a changé, depuis le Covid. À la reprise des activités culturelles, la réceptivité d’une salle est devenue historique. Historique. Il n’y a plus de blasés. Il y a une redécouverte du moment présent. Nous leur avons manqué. Le directeur du Théâtre des Galeries, David Michels, dit : “Vous nous avez douloureusement manqué”. C’est exactement cela. J’ai rejoué dans mon pays, l’Italie, après le Covid. Il y avait une demande, une écoute ! Cadeau, cadeau. Covid, horreur. Mais Covid cadeau. Il y a une sorte d’innocence retrouvée. Je t’écoute parce que j’ai failli te perdre. Les retrouvailles sont fabuleuses.
La culture est donc essentielle ?
Oui merci. Encore merci. Il y a eu une privation de culture, de l’acte le plus beau qui soit qui touche à la créativité, l’émotion et la pensée, de chacun de nous, les choses les plus belles que nous avons en nous. Et tout à coup, après la privation, on a compris la valeur : on ne peut pas vivre sans cela. Qui donnera, sinon à lire, à regarder, à jouir ? Le livre, oui, mais les gens veulent aussi l’image, le texte, les comédiens, le cirque la danse, le violon. On veut cela, ce partage. Le fait d’en avoir manqué a exhaussé la demande avec une force magnifique. Remonter en scène, c’est la jouissance totale. Je n’ai jamais été aussi heureux de travailler ! Jouer, c’est notre raison d’être. Et face à nous, on a l’équivalent en réceptivité. La communion est parfaite. Le silence n’est plus le même, les rires ne sont plus les mêmes, les applaudissements ne sont plus les mêmes. C’est extraordinaire.

"Je revendique un instinct en voie d’extinction, l’instinct de bonté”
Vous avez été, il y a quelques années, artiste en résidence à l’UCLouvain. Et le premier exercice que vous avez donné aux étudiants portait sur la bonté. Pourquoi avoir choisi ce thème ?
Parce que c’est l’amour vers l’autre. Le thème était bonté ou bonne poire. Comment naître à la vie ? L’expression consacrée dit : il faut être armé pour la vie… Armé pour la vie ? C’est donc une guerre la vie ? C’est un événement majeur dans lequel nous sommes immergés sans l’avoir demandé et vis-à-vis duquel nous devons être armés… ? Mais pour quoi faire ? Mes parents avaient une philosophie contraire : ils ont voulu nous doter pour la vie. C’est le don, le contraire de l’arme. Il faut développer les richesses que chacun a en soi. On ne construit rien par la violence. Elle mène à l’exclusion. Je revendique un instinct en voie d’extinction, l’instinct de bonté. Dans la bonté, il y a la gratuité de l’acte. Il s’agit parfois simplement d’écouter, on peut être bon de manière passive. La bonté est un état d’âme, un état d’esprit, une disposition à la vie, à l’autre. À l’époque où j’ai donné cours, cette notion de bonté était à contre-courant. La génération était start up. Les 46 jeunes que j’avais en classe étaient en demande. Mais de quoi ? Je leur ai proposé de me dessiner ou de me dire le jour où ils ont senti qu’ils faisaient un acte de bonté. On en a fait un spectacle. Il y avait dans le groupe une jeune femme qui est devenue une amie. Atteinte de plusieurs pathologies, elle avait subi dix-neuf opérations, dont une transplantation cardiaque. Surdouée totale. Eh bien, c’est elle qui a mené les débats !
Que reste-t-il aujourd’hui de la bonté… ?
Je suis entouré de trois sages : Pierre Mertens, Gabriel Ringlet et Riccardo Petrella. Ils m’aident. Avec Ricardo, professeur émérite, pionnier de l’altermondialisme, éminent économiste qui a créé L’Agora des Habitants de la Terre et l’Université du Bien commun, nous essayons de transformer par la pensée, des actes, le non-cautionnement des injustices sur lesquelles est construit notre système. Regardez le bouleversement majeur amené par cette crise du Covid. C’est sans doute la première d’une longue série de crises, c’est le premier signe. Certains l’avaient prévu. L’humain est un bambin. Il a des réactions primaires. Maintenant on va se faire la guerre entre vaccinés et non-vaccinés ! Attention. Nous sommes dans l’exclusion.
Pourquoi l’humanité se laisse-t-elle guider par des discours d’exclusion, de haine alors que nombreux sont aussi les hommes et les femmes qui, comme vous, prônent l’amour, l’amitié, l’acte gratuit, la tendresse ?
C’est l’autre instinct. Il y a l’instinct d’unification et celui de séparation. Chaque être humain est capable du meilleur et du pire. Il s’agit de ne pas cancériser, c’est-à-dire d’éviter que l’exclusion ne soit le cancer qui bouffe votre mode de vie. Certains croient que c’est en excluant les autres que l’on peut faire, prospérer, grandir. Dans son parcours de vie, Riccardo Petrella a tout fait pour transformer l’inacceptable, l’inadmissible. Pour éradiquer l’horreur, pour faire que l’équité domine, pour la mise en commun des biens vitaux et des droits fondamentaux. Pour que le respect du vivant s’impose et triomphe sur la domination mercantile de la finance, dans un système prédateur des ressources indispensables à notre vie. Ricardo est l’homme-phare dans ma nuit.
Comment avez-vous rencontré Pierre Mertens ?
J’ai connu Pierre Mertens grâce à des liens tissés suavement par des amies communes : ah les tisserandes ! Parmi celles-ci, Monique Dorsel et Muriel Verhaeghen sont les fileuses d’or de l’amitié qui s’est nouée à jamais entre lui et moi. Un cadeau dont je lui suis chaque jour plus reconnaissant. Pierre est un écrivain immense… Son œuvre est celle d’une vie. Par son don immodéré pour la compréhension intime et fougueuse des lettres et de leurs auteurs, Pierre m’apprend la fragilité des idées, leur pouvoir… et l’immortalité qu’elles convoitent. Ma leçon favorite est celle qu’il dispense sans compter : “De la passion de saisir le pourquoi et le comment pour que “plus jamais” ou au contraire “pour toujours” se réalisent”. Ah ! Pierre et le réel, quel voyage ! Voilà bien l’un de ses paradigmes préférés qui consiste à professer que parfois l’on ne peut mieux appréhender le réel que par l’imagination, l’intuition et la prescience… Pierre est mon baromètre des miracles et des perversions humaines, mon thermomètre du devenir du monde. À chacune de nos rencontres, il attise en moi, par sa science inouïe de l’observation, de l’écoute et de l’évaluation des mouvements de l’âme humaine et des événements qu’elle provoque, la nécessité absolue de connaissance. Il m’apprend que l’esprit et l’imagination sont les précieux outils de notre intelligence, grâce auxquels nous appréhendons émerveillés, le sentiment d’être vivants…
Que vous apportent les rencontres avec Gabriel Ringlet ?
Sa rencontre est l’énième cadeau que la vie m’ait fait. Il est le radiographe de mon émoi. Le guide humble et assidu de ma conscience. L’action que sa parole produit en moi m’émeut profondément. Ses quêtes me passionnent et me redonnent confiance dans les capacités bienfaisantes du genre humain, au milieu des horreurs dont il est l’acteur. Sa bienveillance et son espérance sont contagieuses. Il m’inocule à chacune de nos retrouvailles l’acceptation de nos failles comme principe de dépassement. Je lui dois cette grâce… de cesser parfois (si rarement) de désespérer du genre humain et de ses méfaits. Alors s’élève en moi, grâce à lui, le sentiment frêle, mais irrépressible, d’un renouveau possible, d’une fraternité universelle réalisable. Gabriel m’apprend à remercier puisque rien ne m’est dû. Il sait que le don de soi aux autres passe par l’estime de nous-mêmes. Il le professe et répand la joie de cette quête, avant toutes, par laquelle s’enclenche tout naturellement notre respect de l’autre et d’abord de tout ce qui vit. Gabriel est le célébrant.
Je voudrais aussi dédier cette interview au premier de mes pères spirituels. Bruno Venanzio Ducoli, emporté par le Covid en avril de cette année… Homme-Arbre, sans qui je ne serais pas qui je suis.

“Je suis en Belgique comme Alice au pays des merveilles…”
Parlant de l’Italie, vous dites “mon pays”…
Oui, affectueusement, mes racines sont là. Je l’ai en moi, cette italianité, cette culture, cette cordialité.
Quel est votre rapport avec la Belgique ?
J’y suis comme Alice au pays des Merveilles. Les Italiens sont dans la communication Les êtres ici sont plus intériorisés, moins expressifs. Cela me passionne d’aller vers eux. J’aime leur fragilité. Mais évidemment, un être n’est pas l’autre.
Quel est le fil rouge de votre carrière ?
C’est la nécessité de faire passer une émotion, l’envie d’adresser à l’autre une idée, une énergie, une pensée. S’il n’y a pas cette nécessité, le projet me tombe des mains.
Quelle place l’amour occupe-t-il dans votre vie ?
Fondamental. J’ai toujours été un amoureux de la vie elle-même. Je parle de l’amour vers l’autre, ce transport, ce sentiment majeur qui permet de sortir de soi-même vers l’autre. J’adore. Quand j’aime, je me transforme, je vibre à cette immense empathie qui me fait aimer l’autre, ses actes, son être, sa pensée. L’état amoureux est un épisode particulier. C’est totalement énergisant.
En qui, en quoi croyez-vous ?
En une puissance qui nous a été offerte. Nous la sommes la résultante d’un événement majeur dans l’évolution de la vie sur terre, événement produit par une série de transformations chimiques dans une énergie cosmique qui a donné cette intelligence, cette capacité évolutive unique au monde. Il faut accepter ce mystère. Je crois dans ce qui nous échappe, dans ce qui est inexplicable. Il faut redonner une foi dans ce mystère. Car c’est un moteur. Je suis en grande allégresse.
Pensez-vous à la mort, parfois ?
Oui, comme un passage.
Qu’y a-t-il après la mort ?
Une transformation, un mystère, encore, magnifique. Je ne sais pas, j’adore. C’est l’inconnu. J’ai la possibilité mentale, en conscience libre, par le souvenir de leur vécu, d’accéder à une sorte d’alter relation au niveau de la pensée, qui me permet de revoir ceux qui nous ont quittés, de me souvenir de leurs gestes, de leurs paroles, de ce qu’ils m’ont donné. Je les projette au niveau de l’imaginaire dans un état de bien être absolu et indicible. Cela ressource mon vécu, mon quotidien. Je relativise mes angoisses, mes inquiétudes, mes nœuds. Cet état de bien être me donne une énergie positive. Une grande sérénité. Cela m’aide à m’éloigner de la violence et l’horreur du quotidien. Cela m’éloigne de l’instinct de violence, d’appropriation, de prédation qui m’horripile et qui m’est toxique.

Bio express
1958 Naissance à Rome, le 11 juillet.
1980 Licence en sociologie à l'Université catholique de Louvain, études au Conservatoire d'art dramatique de Bruxelles.
Au théâtre, il travaille sous la direction de Bernard De Coster, Jean-Louis Barrault, Maurice Béjart, Philippe Sireuil, Jules-Henri Marchant, etc.
Comédien, metteur en scène, auteur de nombreux textes il est aussi traducteur en français d'auteurs italiens. Il a également été chargé de cours du Conservatoire, à La Cambre et professeur invité à l'UCLouvain.
Prix Il a notamment reçu l'Ève du Théâtre en 1989, le prix Tenue de Ville en 1997 et le Prix du Théâtre en 2001, en 2004 et en 2006 couronnant le meilleur auteur.