France 1 – Belgique 2

Parfois, il faut bien l'admettre, l'administration française fait sourire la Belgique.

France 1 – Belgique 2
©Pixabay

Une chronique de Francis Van de Woestyne.

Sans vouloir le moins du monde rallumer la guéguerre stérile qui survient chaque fois qu’un match de football oppose les équipes nationales belge et française, qu’il nous soit permis d’épingler un petit problème survenu ces derniers temps en France. Si pareille mésaventure s’était déroulée en nos contrées, nul doute que nous aurions fait les choux gras de nos amis français toujours prompts à épingler les failles de notre démocratie, les hérésies de nos choix politiques, les absurdités de notre système.

Voici.

Avec près de 20 ans de retard sur plusieurs pays européens, dont la Belgique, la France a décidé de remplacer les anciennes cartes d’identité de ses citoyens par un document au format carte bancaire où figurent désormais des données biométriques infalsifiables. La précieuse carte contient évidemment aussi les mentions habituelles, nom, prénom, date de naissance et adresse. Mais des milliers de Françaises et de Français ne peuvent actuellement pas en bénéficier. Ce qui pose des problèmes pour les déménagements, les examens de permis de conduire, etc. Pourquoi ?

Vingt-neuf lettres et pas une de plus

Les têtes si peu pensantes qui ont conçu la nouvelle carte ont limité de nombre de caractères des noms de commune à 29. Pourquoi 29 ? Parce que. Parce que c’est la place disponible sur la carte. Sauf que… 78 communes affichent un nombre de lettres supérieur à 30. Peut-être y êtes-vous déjà passés aux hasards de vos pérégrinations dans cette France profonde si belle. C’est, notamment, le cas de Saint-Remy-en-Bouzemont-Saint-Genest-et-Isson (45 lettres), Beaujeu-Saint-Vallier-Pierrejux-et-Quitteur (43), Saint-Martin-de-Bienfaite-la-Cressonnière (41) Montigny-Mornay-Villeneuve-sur-Vingeanne (40) La Vacquerie-et-Saint-Martin-de-Castries (40), Roche-sur-Linotte-et-Sorans-les-Cordiers (40), Escueillens-et-Saint-Just-de-Bélengard (38) Bonneville-et-Saint-Avit-de-Fumadières (38), Saint-Quentin-la-Motte-Croix-au-Bailly (38), Javerlhac-et-la-Chapelle-Saint-Robert (37), Villeneuve-Saint-Vistre-et-Villevotte (37).

Patience, ont assuré les services "compétents", le problème sera réglé à la fin de l’année. Comment ? On ne va pas changer la taille de la carte d’identité mais bien proposer aux communes certaines abréviations : Saint, par exemple, deviendra St ; Croix, Cx, etc. Parenthèse : peut-être faudrait-il suggérer aux autorités françaises de voir comment le Pays de Galles a géré le problème, c’est là que se trouve la commune au nom le plus long du monde (à lire à haute voix, SVP) : Llanfairpwllgwyngyllgogerychwyrndrobwlll¬lantysiliogogogoch. Il paraît que les habitants des villages français au nom le plus bref, sont, eux, très satisfaits : ils habitent à "Y", "By", "Eu", "Bu", "Py", et "Oz". Pas de changement en perspective, en revanche, pour les localités que, allez savoir pourquoi, certains prononcent à voix basse : Anus (Yonne), Le Fion (Haute-Savoie), Trécon (Marne), Montcuq (Lot), Sallespisse (Pyrénées-Atlantiques), Arnac-la-Poste (Haute-Vienne), La Trique (Deux-Sèvres), Sainte-Verge (Deux-Sèvres).

Les Français vont donc enfin bénéficier d’une nouvelle carte d’identité moderne, mais cela n’empêchera pas l’état civil français d’avoir toujours un train de retard. La Belgique, en effet, a le projet de la remplacer, dès 2023, par un portefeuille numérique. La carte d’identité et le permis de conduire, entre autres, y seront stockés afin que chaque citoyen puisse s’identifier via son smartphone… Un progrès qui accentuera encore la fracture numérique, mais cela est un autre débat.

Les chèques éternels

Cet épisode illustre le délire administratif dont souffrent certaines administrations françaises. Faut-il rappeler la géniale attestation de sortie, inventée pendant le confinement ? On pourrait aussi ajouter à ces particularités françaises, que nos voisins et amis ont maintenu, avant que l’euro ne vienne les libérer, des prix en anciens et en nouveaux francs, qu’ils ont dû attendre 2020 avant d’organiser le prélèvement à la source de l’impôt, en vigueur chez nous depuis quelque 80 ans et qu’ils utilisent toujours le chèque papier.

Ces petites remarques sur les retards français ne sont rien, bien sûr, au regard de leurs incommensurables atouts, de ce que nous aimons et admirons chez eux, à commencer par la soufflante beauté de certains paysages, la gastronomie, les vins, la culture, le RER, le Louvre, le musée d’Orsay, Le Lubéron, Bordeaux, la Baie de Somme, le Massif des Bauges, les Cévennes, l’île de Ré, de Noirmoutier, et tout ce qui pousse des millions de Belges à se précipiter dans l’Hexagone dès qu’ils ont quelques jours de congé.

Qui bene amat, bene castigat.

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