Le Conseil de sécurité de l’Onu est très critiqué. À juste titre ?
Le Conseil est l’unique institution mondiale en charge de la question de la paix. Mais faut-il le réformer?
Publié le 08-12-2021 à 12h16 - Mis à jour le 08-12-2021 à 12h17
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Une carte blanche de Roger Koudé, professeur, titulaire de la chaire Unesco "Mémoires, culture et interculturalité".
Dans le cadre de la "Décennie Nelson Mandela pour la paix" (2019-2028), instituée par les Nations unies, il sied de revenir sur l’une des questions les plus récurrentes relatives au système international de sécurité collective, à savoir le Conseil de sécurité.
Le Conseil de sécurité est l’unique institution à vocation mondiale en charge de la sempiternelle question de la paix et de la sécurité internationales. À ce titre, cet organe est le principal garant des relations internationales pacifiques ainsi que du respect de l’égale souveraineté de tous les États sur une base juridique.
Mais, au-delà des États, la finalité des actions du Conseil de sécurité concerne aujourd’hui un peu plus de 7,9 milliards d’hommes et de femmes que compte l’humanité. Ces actions concernent en particulier les habitants des pays en situation de conflits armés.
S’il n’a jamais été question d’une quelconque révocation du Conseil de sécurité, il est néanmoins fréquemment admis que cet organe important des Nations unies souffre de nombreux dysfonctionnements, parfois graves et récurrents, qui doivent interpeller sérieusement la Communauté internationale, davantage encore que par le passé.
En effet, les questions relatives au Conseil de sécurité sont si essentielles et si cruciales pour l’ensemble de la Communauté internationale qu’elles ne doivent en aucun cas être le monopole de quelques États, notamment les cinq membres permanents de cette institution. À cet effet, il n’est pas exagéré de relever que ces derniers se sont très progressivement enfermés dans un système quelque peu opaque, oligarchique et conservateur. Et tout cela s’opère parfois au mépris des règles les plus élémentaires du droit international, notamment le fameux principe de l’égalité de toutes les nations, grandes et petites.
Les critiques sont-elles fondées ?
Il n’est pas excessif de dire que le Conseil de sécurité fait l’objet d’une véritable défiance, récurrente, en raison de sa composition et de son mode de fonctionnement. Ainsi en est-il en particulier de la sempiternelle question de l’usage controversé par les cinq États membres permanents du fameux "droit de veto" qui, incontestablement, tend, de façon stratégique, à paralyser les actions de cet organe.
S’il s’avère nécessaire de réformer cet organe stratégique, en quoi concrètement cette réforme doit-elle consister ?
Trois questions majeures préalables à toute réforme nous semblent incontournables :
• Le test de légalité : existe-t-il réellement et légalement un droit de veto qui serait fondé sur l’autorité de la Charte de l’Organisation des Nations Unies ou s’agirait-il d’une simple interprétation de cet instrument (notamment en son article 27, alinéa 3) et d’une certaine pratique qui seraient, dans cette hypothèse précise, susceptibles de récusation ?
• Le test de conformité : dans l’hypothèse d’une légalité confirmée du droit de veto, ce droit serait-il pour autant conforme aux buts et principes axiaux de la Charte des Nations unies ?
• Le test d’efficacité : in fine, s’il existe effectivement un droit de veto qui serait non seulement légalement fondé sur la Charte onusienne mais également conforme à cet instrument juridique international, se poserait néanmoins une ultime question. En effet, en quoi un tel droit, qui est en réalité un droit de blocage, participerait-il malgré tout de l’efficacité dans la réalisation des objectifs fixés par les peuples des Nations unies, entre autres au travers des dispositions pertinentes des articles 24 et 25 de la charte de 1945 ?
C’est seulement à l’aune de ce triple test et des questionnements fondamentaux qu’il suscite que l’on pourra poser, de façon plus juste et rationnelle, la question de la nécessité d’une réforme du Conseil de sécurité. Cette question de réforme se pose certes depuis plus de quatre décennies déjà, mais elle ne semble pas encore avoir trouvé des réponses qui soient vraiment convaincantes. C’est donc également à l’aune de ce triple test que l’on pourra objectivement envisager une réforme qui soit à la fois légitime, optimale, efficiente et efficace ! Cela y va de l’intérêt supérieur de la paix et de la sécurité internationales qui sont au cœur du mandat des Nations unies.