Si même les adultes ont du mal à comprendre la pertinence des règles, comment espérer que les enfants s’y retrouvent ?
Priver les enfants de la possibilité d’user de leur sens critique, c’est les déposséder de leur droit à la participation et ne pas les inclure dans une société dont ils font partie intégrante.
- Publié le 09-12-2021 à 12h51
- Mis à jour le 20-01-2022 à 14h27
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Une carte blanche co-rédigée par la Coordination des ONG pour les droits de l’enfant (CODE) et par la Commission enfance et jeunesse de la Ligue des droits humains. Cette carte blanche représente la position de la majorité des membres de la CODE et est co-signée par le Centre interdisciplinaire des droits de l’enfant.
Les dernières mesures du Codeco prises ce vendredi 3 décembre 2021 ont déjà fait couler beaucoup d’encre. Parmi celles-ci, trois mesures touchant directement les enfants et les adolescents :
l'arrêt des cours à partir du 20 décembre dans l'enseignement primaire (et donc un allongement du congé de fin d'année) ;
la reprise de l'enseignement hybride pour les adolescents dans l'enseignement secondaire ;
le port du masque en intérieur à partir de 6 ans ;
En quelques heures de temps, levée de bouclier sur les réseaux sociaux de la part de parents et de professionnels de l’enfance rappelant à quel point le port du masque peut avoir des conséquences néfastes pour les (jeunes) enfants, et questionnant la pertinence de telles mesures à ce moment de la quatrième vague.
Aidez-nous à comprendre, aidez-les à comprendre
En tant qu'acteurs de défense des droits des enfants(1) et soucieux d'avoir leur meilleur intérêt à cœur, nous sommes indignés de la communication relative aux nouvelles mesures qui nous laissent perplexes. C'est dans cette optique que nous adressons ce message à nos ministres : aidez-nous à comprendre, aidez-les à comprendre. Quel est le sens de ces mesures et comment, par celles-ci, les enfants contribuent-ils à l'objectif visé ? Que pouvons-nous leur dire de votre part ?
Comme l'a dit la Ministre de l'Éducation Caroline Désir, il y a « un besoin de compréhension et de lisibilité dans les mesures ». À cet égard, nous la remercions vivement d'avoir pris quelques minutes d'antenne ce 3 décembre dernier sur le JT de 19h de RTLinfo pour s'adresser – enfin – directement aux enfants et aux jeunes.
Communiquer directement avec les enfants et les jeunes est pourtant une revendication que le secteur des droits de l’enfant porte depuis bientôt deux ans ! Il est aujourd’hui urgent que l’initiative de la Ministre de l’Éducation soit suivie par l’ensemble des responsables politiques, avec tout le sérieux que cela nécessite.
Enfants et adultes sont en quête de sens
Les enfants et les adultes sont en quête de sens et de compréhension. Aidez-les à comprendre, aidez-nous à comprendre pourquoi de telles mesures sont prises. Pourquoi le port du masque à partir de 6 ans ? Pourquoi à cette mesure doit s’ajouter une fermeture des écoles ? Pourquoi le 20 décembre ? Pourquoi le secteur de l’enseignement est-il majoritairement touché par les dernières décisions ? Pourquoi les enfants sont-ils particulièrement visés par ce troisième Codeco et non d’autres secteurs évoqués dans les discussions ? Quel est l’impact escompté des mesures prises ? En quoi est-ce qu’elles soulageront les services hospitaliers à bout de souffle durant cette quatrième vague ? Qu’avons-nous appris des expériences vécues dans les pays voisins ? Combien de temps dureront ces mesures ? Tous ces questionnements visent les mesures du dernier Codeco mais il va de soi que chaque Codeco soulève le même besoin d’explications et de justifications.
Il importe de ne pas négliger la valeur pédagogique de l’explication des mesures prises. Si même les adultes ont du mal à comprendre la pertinence des règles, comment espérer que les enfants s’y retrouvent ? Les priver de la possibilité d’user de leur sens critique, c’est les déposséder de leur droit à la participation et ne pas les inclure dans une société dont ils font partie intégrante.
Bernard De Vos, Délégué général aux droits de l’enfant, insiste comme nous, depuis de nombreux mois : « Depuis le début de la crise, les enfants et les jeunes ont été oubliés dans toutes les communications officielles publiques. Alors que tout le monde s’accorde à reconnaître qu’ils en subissent les conséquences de plein fouet. Faut-il interpréter ce manque d’empathie et d’intérêt par le fait que leur existence n’a pas d’impact économique direct ? (…) Peut-on espérer qu’enfin les responsables qui les décideront prendront le soin d’informer, directement et avec les codes adaptés, les enfants et les jeunes qui en seront concernés ? Peut-on espérer que cette communication comprendra des mots de soutien, de réconfort et d’empathie à leur égard ? Peu importe la forme: une attention particulière, avec des mots appuyés dans la conférence de presse commune, une conférence adaptée en suite de la conférence générale, une rencontre sur les réseaux sociaux, tout sera bon. Sauf le silence, l’absence de sens et de perspective (…). »
Enfants pris en otage
Pour que les enfants ne soient pas pris en otage durant la gestion de cette crise, que ce soit du fait des décisions prises par les responsables politiques ou par les parents indignés par des mesures qui ne sont pas comprises, il est indispensable de recourir à la transparence dans les processus de prise de décisions. Nous avons besoin de clarté par rapport à la pertinence des mesures prises (données tangibles à l’appui). C’est à ce prix-là que la sérénité et la solidarité pourront se redéployer.
Le droit à la participation : écoutez les enfants et leurs représentants !
Autres revendications portées depuis longtemps par le secteur des droits de l’enfant : que l’intérêt de l’enfant prime dans les décisions prises (article 3.1 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant) et que les enfants soient associés aux prises de décisions les concernant (article 12 de la Convention).
Jusqu'ici, il n'y a pas de participation effective des enfants et des jeunes dans les prises de décisions du Codeco. En ratifiant la Convention, la Belgique s'est pourtant engagée à mettre en place un dispositif participatif pour que les enfants puissent donner leur avis sur toute question qui les concerne. Dans ce contexte sanitaire, les experts en droits de l'enfant doivent, à tout le moins, être associés aux processus de décisions afin de veiller à leur intérêt supérieur. Actuellement, seule la Pediatric Task Force, représentée au sein du GEMS et composée de professionnels experts de la santé des enfants, porte les intérêts des enfants, et ce n'est pas suffisant.
Le débat sur la vaccination des enfants
La question de la vaccination des enfants entre 5 et 11 ans sera bientôt sur la table. Lorsque, à la suite des avis du Comité consultatif de bioéthique et du Conseil supérieur de la santé, la question de l’accessibilité du vaccin aux jeunes enfants, notamment à ceux qui présentent certaines fragilités médicales ou qui vivent avec des personnes à risque, sera effectivement examinée, nous insistons pour que celle-ci le soit conformément aux droits de l’enfant. Nous soulignons qu’il est impératif que cette démarche respecte alors deux principes fondamentaux de la Convention relative aux droits de l’enfant : leur droit à la participation et leur intérêt supérieur. Le cas échéant, cette nouvelle étape de la gestion de la crise devra faire l’objet d’une information et d’une communication adaptées aux enfants, et le libre choix devra être laissé aux mineurs d’âge capables de discernement de souscrire ou non à ce vaccin.
>>> (1) La Kinderrechtencoalitie (Coalition flamande pour les droits de l'enfant) a réalisé l'analyse et formulé des recommandations sur l'impact des première et deuxième vagues sur les enfants et les jeunes. L'analyse concernant l'impact de la troisième vague sera publiée la semaine prochaine. Les recommandations et les préoccupations de la Kinderrechtencoalitie, issues de ces deux positions, vont dans le sens de cette carte blanche. La Kinderrechtencoalitie suit de près la situation et analysera également l'impact de cette quatrième vague.