On a marché sur Amazon !
Pris par le temps, nous nous sommes lancés dans l’autoédition. Notre livre fut imprimé en Wallonie mais pour la distribution, à savoir la promotion et la vente, nous avons utilisé le géant Amazon. Récit d’un voyage instructif.
Publié le 08-03-2022 à 11h47
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/QJ4JHBMRRRAVNJ7HIOXJIVPXAA.jpg)
Une carte blanche de Lina Benmehrez, coauteure du livre "Be logical, Be creative, Be Critical"
Le 3 septembre 2021, nous recevons le mail "fatidique" : l'université ETH à Zurich souhaite que Luc de Brabandere rédige pour elle un livre sur l'art de penser dans un monde digital. La rectrice nous promet la préface. Seul bémol, l'ouvrage doit paraître en anglais le 15 décembre 2021. Cent jours pour remettre 400 exemplaires de Be Logical, Be Creative, Be Critical…
Il va de soi que travailler avec une maison d’édition n’est plus possible dans ces conditions, il ne reste qu’une solution : l’autoédition !
Je pensais à l’époque que l’autoédition était forcément un aveu de manque de contacts ou de moyens. Cette connotation ringarde ne cadrait pas avec mon amour pour les projets entrepreneuriaux et indépendants. Nous apprenons heureusement que si plusieurs personnalités comme Mbappé y ont recours à cause d’un désaccord avec l’éditeur, d’autres, à l’instar de Riad Sattouf, optent pour l’autoédition afin de garder leur indépendance. Notre raison à nous, c’est le temps.
Confiants en notre bonne étoile, Luc et moi décidons donc de foncer, et de nous lancer au plus fort de la pandémie, faisant fi entre autres de la pénurie de papier qui s’annonce.
Si un livre semble être principalement le fruit d’un travail de rédaction, il n’est vraiment livre qu’après avoir été mis en forme, doté d’un texte bien sûr, mais aussi d’une couverture, d’un titre adéquat, et d’un ISBN (identifiant unique normalisé reconnu mondialement).
Un imprimeur à Strépy-Bracquegnies
Première étape, un imprimeur à Strépy-Bracquegnies. Sur Internet… une enseigne wallonne "European Graphics" a tout pour nous charmer ! Et avec elle, s’envole ce qui nous restait d’inconscience : format, type et grain de papier, nombre de livres à éditer, etc., nous devons prendre toutes ces décisions en 10 minutes. La machine est lancée.
Le 7 décembre, le garage de Luc se trouve rempli de 900 kg de livres ! Tout se passe bien mais les congratulations sont de courte durée car il faut passer sans tarder à l’étape suivante : la distribution.
Deuxième étape : la distribution
Sans maison d'édition, nous n'avons pas accès aux distributeurs partenaires. Contrairement à certains adeptes de l'autoédition qui confient leur diffusion à de grands groupes, nous ne voulons pas sacrifier notre indépendance. Nous choisissons de tenter l'expérience jusqu'au bout. Ne dit-on pas en français auto "édition" et en anglais self "publishing" ? Let's be english this time !
Et dans ce cas, le bout porte le nom d’Amazon. Pour promouvoir le livre de Luc et le vendre, nous avons envisagé plusieurs façons de le rendre accessible, et nous nous trouvons en fin de compte devant un fait indéniable : beaucoup de consommateurs, qu’ils soient pour ou contre, s’attendent à trouver un livre ou à pouvoir l’acheter sur Amazon. Ce géant "libraire" (les livres représentent quelques pourcents du chiffre d’affaires des ventes, mais on continue à percevoir Amazon comme une librairie) ressemble à une bibliothèque internationale agréée. Dès qu’un ouvrage est inscrit dans le répertoire de la bibliothèque nationale d’un pays, il se référencie automatiquement sur Amazon !
L’approche du côté éditeur est, malgré son gigantisme, tout à fait artisanale. Il suffit de se proclamer vendeur et de confirmer qu’on a du stock pour que puisse se réaliser la vente. Simple comme bonjour, me direz-vous ? Détrompez-vous ! Le vendeur doit par exemple payer un euro sur le compte Amazon et s’identifier via un Zoom interne, et pour ce faire afficher sa carte d’identité à côté de son visage pour prouver son existence ! Quelle ironie pour une plateforme qui domine le cloud, et dont les logiciels et algorithmes gèrent des millions d’employés et de fournisseurs. Technologie archaïque ou limite à l’automatisation ?
Mais pas si simple tout de même… Victime de son propre succès, le "centre de vente" Amazon ressemble à un bric-à-brac de codages et d’ajouts faits çà et là dans le désordre. Son développement s’est poursuivi de façon chaotique.
Mais l’évidence est là : le Goliath Amazon a un pouvoir gigantesque, aucun David des idées ne peut y résister. Amazon facilite le stockage, les paiements à la douane, les envois, et tout cela au moyen d’outils analytiques primaires mais impressionnants. Un point particulier, les redevances sont payées chaque mois accompagnées d’un email de félicitations ! Du jamais-vu pour un auteur, habitué à attendre un ou deux ans le "bon vouloir payer" des éditeurs "classiques".
Quatre points pour conclure
Notre parcours éditorial ainsi que notre atterrissage sur Amazon, aussi impressionnant soit-il, m’ont convaincue de plusieurs points :
- Lors de notre voyage, nous nous sommes étonnés du manque de contrôle : nous n’avons eu aucune vérification d’aucune sorte du contenu ! Par une simple déposition, le livre le plus haineux comme le plus bénéfique aurait été accepté et vendu dans le monde entier. Éditeur, mais pas responsable !
- Du côté des maisons d’édition, il y a clairement un énorme effort à faire, pour transformer leur modèle afin de devenir un acteur pertinent dans notre société qui devient numérique.
- Le système Amazon offre une solution pour les ventes intraeuropéennes en nous permettant de stocker des produits dans différents pays. Cependant, l’Allemagne a besoin d’un numéro de TVA local pour y stocker des produits ! Les frontières existent encore bel et bien.
- Amazon est un monopole qui a ses faiblesses, et le prochain défi entrepreneurial de l’édition sera d’ouvrir les portes de la distribution pour permettre à l’écrivain indépendant d’échapper à ce géant…