Quand va-t-on encadrer l’hébergement de réfugiées chez les particuliers à Bruxelles et en Wallonie

Notre Etat se prépare à accueillir près de 200.000 réfugiés ukrainiens. Le défi est colossal. Depuis 2016, la Région flamande a encadré et légalisé l’hébergement de personnes réfugiées chez les particuliers. Il est temps de mettre en place un tel dispositif à Bruxelles et en Wallonie.

Contribution externe
Quand va-t-on encadrer l’hébergement de réfugiées chez les particuliers à Bruxelles et en Wallonie
©Vince

Singa

Depuis le lancement du conflit en Ukraine, la Belgique accueille sur son sol des dizaines de milliers de réfugiés fuyant ce pays et, d’après les autorités fédérales, notre État doit se préparer à en accueillir à terme près de 200 000. Le défi de l’accueil de ces personnes est colossal, d’autant qu’il doit être organisé tout en maintenant une capacité suffisante pour gérer la prise en charge des demandeurs d’asile venus d’autres pays.

Fait majeur depuis l’entame de cette crise, l’attitude des autorités européennes et belges est à l’ouverture envers ces arrivants venant d’Ukraine, par l’adoption d’une directive spéciale qui organise et facilite leur déplacement et leur enregistrement. Les autorités belges ont très vite lancé un appel à la solidarité de la part des citoyens belges pour l’accueil et l’hébergement en urgence des Ukrainiens. Il s’agit d’un changement radical de ton et d’attitude de la part des autorités envers des personnes fuyant des conflits. En effet, on peut dire que l’on vient de (très) loin : il y a quelques années, le gouvernement mettait en place des visites domiciliaires, on jetait aux ordures les effets personnels des migrants et des procès étaient lancés à l’encontre de citoyens hébergeurs. Quoi qu’il en soit, le résultat a dépassé les attentes puisque près de 40 000 places d’accueil chez les citoyens ont été identifiées en quelques semaines à peine, ce qui correspond à 88 % du nombre total de places disponibles en Belgique (selon de récentes déclarations du secrétaire d’État Sammy Mahdi).

Mesures en faveur des Ukrainiens

Autre fait inédit, les autorités belges ont pris des décisions exceptionnelles en vue de faciliter l’hébergement pour les réfugiés ukrainiens, via principalement l’absence de "pénalités" pour les citoyens hébergeurs concernant leurs propres allocations (familiale, chômage). Or ces mesures n’ont jamais été mises en place pour les réfugiés d’autres nationalités (hormis en Flandre dans un certain cadre, lire plus loin), et elles ne sont actuellement d’application que pour les personnes fuyant l’Ukraine.

Une conclusion s’impose en tout cas : l’offre de places d’hébergement chez des citoyens est rapide et massive quand elle est amplifiée par un message positif des autorités et facilitée par des mesures administratives adaptées. Cela ne fait que confirmer une évidence que nous constatons au quotidien : oui, l’hébergement de personnes réfugiées chez les particuliers est possible, oui, il est positif et oui, il doit être encouragé… au-delà de la crise et de l’urgence.

Nécessité d’un cadre

Notre pratique de terrain nous démontre que si ce type d’hébergement a un impact clair sur l’installation et l’inclusion des réfugiés, les citoyens hébergeurs vivent eux aussi une expérience de "vivre ensemble", enrichissante sur le plan humain ; ils se rendent utiles sans devoir nécessairement modifier leurs habitudes et ils déconstruisent une série de représentations liées à la migration. Cependant, cette cohabitation positive se réalise si le cadre est posé dès le départ (entretiens individuels, visites, charte, convention), si un accompagnement adéquat est proposé aux cohabitants et si le délai de séjour est adapté et suffisant (entre cinq mois et un an) pour permettre aux uns et aux autres de se poser, de créer une vraie relation de confiance et d’entraide, d’accéder aux droits élémentaires et de rechercher une solution de logement durable dans de bonnes conditions.

En Régions bruxelloise et wallonne ?

La question se pose donc : pourquoi ne pas se saisir de la crise et des besoins actuels pour encadrer et légaliser l’hébergement de personnes réfugiées chez les particuliers en Région bruxelloise et en Région wallonne ? Cela suppose la mise en place d’un cadre et de normes sur la durée, les espaces à disposition et les conditions d’une cohabitation (notamment pour éviter tout type d’abus). Cela devrait également signifier des avantages pour l’hébergeur (attribution du tarif social énergie, prime, réduction d’impôt, pas d’impact sur les allocations) comme pour la personne hébergée (taux plein du RIS ou d’autres allocations, possibilité de se domicilier sans impacter l’hébergeur).

Un dispositif légal en Flandre

La bonne nouvelle, c'est qu'il n'est même pas nécessaire de tout (ré) inventer ! Depuis 2016, la Région flamande a validé un dispositif légal (Melding Tijdelijk Wonen) qui encadre l'hébergement de personnes réfugiées à domicile pour des périodes allant de quelques mois à trois ans, en préservant l'individualisation des droits et en distinguant la domiciliation à la même adresse, tant pour les hébergeurs que pour les réfugiés hébergés ; en fait, pratiquement ce qui a été décidé en un temps record pour faciliter l'accueil des réfugiés venant d'Ukraine. La preuve est donc faite que des dispositifs adaptés et légaux peuvent être mis en place à Bruxelles et en Wallonie sans devoir dépendre d'une situation d'urgence, du moment que la volonté politique est présente.

Un modèle d’accueil durable

L’engagement des autorités pour garantir l’accueil des réfugiés ukrainiens en associant la population belge est à saluer, tout en rappelant que cela devrait être le cas pour tous les migrants, d’où qu’ils viennent. Si l’hébergement des personnes venant d’Ukraine est un défi auquel il faut répondre dès à présent, nous plaidons pour que les entités fédérées ne restent pas "focalisées" sur la gestion de l’urgence. Au contraire, il est pertinent de transformer cette crise en opportunité et d’accompagner l’élan de solidarité de la population belge pour enrichir le modèle d’accueil dans notre pays, de manière durable et au profit de tous les réfugiés.

=> En 2019, l’ASBL Singa a mis sur pied le projet Comme À La Maison (Calm), qui encadre l’hébergement de personnes réfugiées chez l’habitant ou en colocation. Notre projet vise à créer du lien entre les citoyens et les personnes réfugiées s’installant en Belgique, par une expérience de cohabitation positive et enrichissante, sur du moyen ou du long terme, et qui est basée sur un "matching" en termes de personnalités, habitudes de vie, intérêts communs, etc.

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