Le déshonneur et la guerre
Nous ne voulons pas la guerre. Mais la défense du monde libre, de nos démocraties imposera des sacrifices. Il faut agir. Vite. Chaque hésitation se paye cash en vies humaines en Ukraine. Un report, c’est autant de morts. Un refus de les aider, ce sont des dizaines de tués.
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Publié le 07-04-2022 à 15h16
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Une chronique de Francis Van de Woestyne, journaliste
Nous ne voulons pas faire la guerre. Mais elle est là. Nier sa réalité, ne pas voir ses horreurs, refuser d’envisager des sacrifices ici pour faire plier Poutine, n’est-ce pas prendre le risque d’importer cette guerre ?
Ici, il fait froid. De la neige en avril… Les complaintes printanières circulent autant que la grippe : les bougainvillées ne fleuriront peut-être pas. Et puis, tout augmente. Électricité, céréales, pains. C’est à cause de cette guerre là-bas. Mais là-bas, dans certains villages, il n’y a plus rien. Ni maison, ni jardin. Tout est ruines, cratères de bombes. Et cadavres.
Les martyrs
Enfoncés dans nos fauteuils moelleux, réchauffés par les bûches d’un feu qui crépite dans la cheminée, nous recevons en pleine figure les images de crimes de guerre, d’un meurtre à grande échelle. Au volant de notre berline gourmande, nous entendons, à la radio, les voix brisées de femmes qui disent l’horreur vécue, le viol, l’assassinat d’un mari, d’un père, d’un adolescent. Un habitant raconte : après trois semaines d’immobilité, les soldats s’ennuyaient. Alors ils tiraient. Pour tuer l’ennui. Les morts n’ont même pas été enterrés. Des martyrs. L’histoire se répète. Juin 44 : Oradour-sur-Glane : 644 civils tués. 1995, Srebrenica : 8000 hommes assassinés. Le massacre de Boutcha figurera aussi dans les livres d’histoire.
"Mise en scène" rétorque le Kremlin. « Nous essayons de bombarder de façon très délicate", affirme l'ambassadeur russe à l'Onu, alors que les enquêteurs internationaux accumulent déjà les preuves formelles des actes odieux commis par des soldats d'une armée en déroute. Non ce n'est pas les Russes qu'il faut maudire mais leur chef qui, à la force des canons, veut refaire son empire. Lui, ses sbires et tous ceux qui l'admirent.
Il n’en est pas à son coup d’essai. Depuis vingt ans, il avance ses pions, menace, agresse, transgresse, envahit, abolit, détruit, trahit. Patients, faibles, nous l’avons laissé faire, pensant que la Russie pouvait rejoindre notre famille européenne. Mais Poutine ne respecte rien. Ni le droit, ni les hommes, ni les femmes, ni les enfants. Ni la vie.
La tigresse s’est fait louve
Et nous, habitants du monde libre, que faisons-nous pour que cesse cette barbarie ? L’Europe agit. Grandit et se grandit. Mais toujours pas assez pour arrêter le conflit. Sanctions le lundi, coups de fil le mardi, promesses le mercredi, bombardements le jeudi, encerclements le vendredi, atrocités le samedi, condamnations le dimanche, sanctions le lundi…
En France, une ancienne copine du dictateur qui l’a aidée à financer ses campagnes électorales, fait mine de le condamner. La tigresse s’est fait louve. L’incompétente extrémiste passe aujourd’hui pour une experte modérée. On la voit même à l’Elysée. Si elle avait été élue en 2017, la France serait l’alliée de Poutine, hors de l’Europe et de l’Otan. Elle vient de féliciter Viktor Orban pour sa réélection à la tête de la Hongrie, un pays qui n’est plus que l’ombre d’une démocratie. Poutine aussi s’est réjoui. Les amis de mes amis… Que du beau monde.
Un report, c’est autant de morts
Nous ne voulons pas la guerre. Mais la défense du monde libre, de nos démocraties imposera des sacrifices. Il faut agir. Vite. Chaque hésitation se paye cash en vies humaines en Ukraine. Un report, c’est autant de morts. Un refus de les aider, ce sont des dizaines de tués. Il ne faut pas croire que nous sortirons de cette guerre longue en zappant les journaux télévisés. Il faut continuer à montrer ces atrocités, pour provoquer une réaction digne du courage du peuple ukrainien. Nous ne pouvons pas détourner les yeux. L’Ukraine, c’est chez nous.
Nous ne voulons pas la guerre. Personne ne veut la guerre. Il ne s’agit pas de lancer le monde dans une troisième guerre mondiale (mais n’a-t-elle pas déjà commencé ?). Mais bien d’aider les Ukrainiens à se battre. En les armant. Avec nos sentiments. Mais aussi avec du matériel. Eux non plus ne voulaient pas la guerre. Juste la liberté. Dans leur toute grande majorité, ils préfèrent Bruxelles à Moscou. D’ailleurs, il sera primordial que l’Europe reste unie, résiste aux sirènes de la désinformation et à ceux qui voudront, lassitude oblige, alléger ou lever les sanctions.
Nous ne voulons pas la guerre. Mais pour rester en paix, garder notre confort, préserver notre liberté, nos valeurs, il faut préparer la guerre. N'oublions jamais cette phrase attribuée à Churchill "Vous avez eu à choisir entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur. Vous aurez la guerre".