Subventionner l’énergie, c’est subventionner la pollution
Réduire le prix de l’énergie pour les entreprises, c’est octroyer une prime proportionnelle à la pollution. Qu’y aurait-il de plus absurde ?
- Publié le 15-09-2022 à 13h50
- Mis à jour le 15-09-2022 à 14h20
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Y a-t-il lieu d’aider les entreprises, grandes et petites, confrontées à la hausse des prix de l’énergie et à l’indexation des salaires, et si oui, comment ? La réponse doit commencer par un double constat. Le premier est que le renchérissement des prix à l’importation d’énergie impose de gérer cet appauvrissement collectif en en répartissant au mieux la charge, entre agents économiques et entre générations. Et sachons voir que creuser pour cela le déficit public est ajouter au fardeau transmis aux jeunes générations. Le second constat est que nous savons parfaitement bien, depuis au moins 50 ans, avec le célèbre rapport du Club de Rome, que nous devons réduire notre consommation d’énergie fossile. Si nous avions été sages, nous l’aurions fait d’initiative, sans attendre que cette énergie soit chère et finance des régimes à combattre. À défaut, c’est un prix élevé et des menaces géopolitiques qui nous y conduisent.
Les entreprises ont été aidées pendant le Covid, et avec succès selon l’opinion publique qui se base sur le nombre de faillites ou la rentabilité moyenne des sociétés. Où est dès lors le problème de recommencer cette fois-ci ? La réponse tient en deux différences fondamentales entre pandémie et inflation énergétique. La première est que le Covid a pu être abordé comme un problème temporaire, avec un soutien budgétaire limité dans le temps et l’espoir, validé, d’un vaccin à brève échéance. Il en va tout autrement avec l’énergie, qui va rester longtemps un problème majeur. Cette vérité lui a été reprochée, mais M. De Croo a raison de parler de 5 à 10 années d’hivers difficiles.
La seconde différence structurelle est en termes de responsabilité. Nous étions égaux face au Covid, et égaux en termes de responsabilité face à elle. S’agissant d’énergie, il en va autrement, avec des consommateurs qui n’en consomment pas la même quantité, et cette différence, déjà perceptible entre particuliers, est démultipliées entre entreprises. Il y a des activités beaucoup plus consommatrices que d’autres et au sein d’un même secteur, il y a des entreprises qui ont investi dans des processus de production nettement moins polluants alors que leurs concurrents ne l’ont pas fait. Les légumes surgelés sont plus énergivores que les légumes frais de saison, tous les fours des boulangers ne consomment pas la même chose, et tous les produits de boulangerie n’ont pas la même empreinte énergétique.
Que faut-il souhaiter si ce n’est que les productions et les produits moins énergivores soient rendus plus compétitifs. Que, dans la boulangerie, ce qui a demandé plus d’énergie voie son prix augmenter plus que ce qui en a moins demandé. Et que le boulanger qui a un four plus efficace gagne des parts de marché. Que l’usine d’engrais qui a mis au point des procédés nettement plus efficaces gagne des parts de marché. Que les fruits hors saison coûtent plus, pour cause de conservation frigorifique, que les fruits de saison.
Aider les entreprises avec une baisse du prix revient à octroyer une aide proportionnelle à la consommation énergétique. C’est un non-sens non seulement environnemental mais aussi économique. Ce serait l’exact opposé de ce qu’il y a lieu de faire, à savoir stimuler les activités moins consommatrices. Ce serait, en fait, rendre la vie plus difficile aux entreprises qui sont moins émettrices et donc freiner la mutation du paysage industriel belge. S’il faut faire quelque chose pour les entreprises, c’est, prioritairement, diminuer les cotisations sociales, améliorer la formation des travailleurs, simplifier l’administration et subventionner les dépenses d’économies d’énergie, mais certainement pas subventionner l’énergie (D. Gros, 2022) (2).
(1) etienne.decallatay@orcadia.eu
(2) Voir D. Gros, "Why gas price caps and consumer subsidies are both extremely costly and ultimately futile", CEPS, 31 août 2022.